Débutée en 2018, Hippocrate a conclu récemment sa 3e saison ! Le drame médical de Thomas Lilti (Première Année, Un métier sérieux) s’impose à nouveau comme une réussite du genre évitant régulièrement le sensationnalisme. Sortez les sthétos !
Hippocrate n’est pas seulement le nom d’une des séries françaises phares de Canal+ : rappelez-vous, nous sommes en 2014, et un film du même nom par Thomas Lilti sort en salle. Mettant en avant Vincent Lacoste et Reda Kateb, ce succès-surprise immergeait le spectateur dans le quotidien de médecins hospitaliers. Une profession de foi que le réalisateur réitérera avec Médecin de campagne et Première Année, avant de bifurquer vers le milieu scolaire pour Un métier sérieux.
Serment d’Hippocrate sur petit écran
Mais c’est en 2018 que le médecin généraliste devenu scénariste-réalisateur décline Hippocrate pour la TV, en plaçant un quatuor de médecins (incarnés par les compétents Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud et Karim Leklou) au sein du service de médecine interne de l’hôpital Raymond-Poincaré. La première est une professionnelle peu aimable désireuse de devenir réanimatrice, le quatrième un anatomo-pathologiste d’origine étrangère, et les 2 autres la porte d’entrée du spectateur : des internes de médecine générale assurant leurs nouvelles fonctions de médecins.

Le hic : la pénurie de seniors se fait croissante après la survenue d’un mystérieux virus (tiens donc), avant que la saison 2 n’introduise des inondations majeures transfigurant le service en accueil des urgences. Et si la première saison semblait être une sympathique resucée/extension, les saisons 2 et 3 parviennent à renouveler les enjeux d’Hippocrate sans jamais virer dans le sensationnalisme des drames médicaux anglo-saxons.
Certes, les situations adeptes des cas graves, où la mort et l’arrêt cardiaque guettent ponctuent régulièrement les péripéties de nos jeunes médecins favoris. Mais Lilti veille à ancrer son drame dans une configuration réaliste (malgré que la pénurie de médecins semble tellement disproportionnée qu’on doute que la série soit une bonne pub pour l’hôpital de Garches).
La tension dans la quotidienneté
Mise en place de perfusions, gestion du planning, réassurance des patients, démarches diagnostiques, coopération (ou non) entre spécialités, transports de cas graves… C’est bien le quotidien du médecin qui est mis en avant sans phare, à l’image de séquences tendues de réanimation dans un style naturaliste qui n’a même pas besoin d ‘artifices de montage pour véhiculer l’urgence.

Une proximité se fait donc aisément avec le spectateur malgré le caractère professionnel global d’Hippocrate : contrairement à un Grey’s Anatomy, on ne verra pour ainsi dire jamais l’intimité ou la vie privée des personnages, alors que chaque obstacle et chaque rencontre dans les couloirs des urgences fait office de moteur narratif.
Car en 3 saisons nous voyons les personnages changer au gré des épreuves, notamment lors de quelques fils rouges anodinement placés (un casier laissé ouvert dans la chambre d’une patiente dépressive, une aile d’hôpital désaffectée utilisée comme secours, une bicuspidie chez un personnage principal, un caisson de décompression…) révélant la substantifique moelle d’Hippocrate.
Saison 3 plus politique
Car non content de montrer la face lumineuse du milieu médical, notamment en mettant en avant des protagonistes volontaires ou humanistes uniquement motivés par le soin en lui-même et l’apport à autrui, Hippocrate n’hésite jamais à mettre en exergue des problématiques contemporaines lourdes de sens. Outre le manque de moyens humains et matériels, c’est finalement le dilemme sans fin entre déontologie, rejet de l’affect, boussole morale et codes du travail qui est en jeu !

Le credo de cette Saison 3 d’Hippocrate donc, entièrement centrée sur le milieu des urgences et proposant des moments de tension plus amples alors que les personnages outrepassent la légalité pour mieux gérer l’afflux permanent de patients. Un sentiment de détresse plus prégnant qui hante les 6 épisodes de la Saison 3, d’autant que l’excellent Bouli Lanners (La Nuit du 12) voit son rôle de figure patriarcale plus amplement utilisée.
Un protagoniste à part entière cette fois, d’autant que Lilti fait de nouveau appel à William Leghbil, 6 ans après Première année, pour en faire un opthalmo ayant un regard extérieur sur tout l’écosystème branlant de Poincaré. De quoi offrir une nouvelle incursion solide pour Hippocrate, et la plus aboutie jusqu’à maintenant. Un bon casting, le regard adéquat, l’érudition adaptée, un tempo sans fausses notes, un cliffhanger comme on aime : plus qu’à attendre le retour de cette fine équipe !
Hippocrate est disponible sur Canal+
avis
Via sa nouvelle Saison, Hippocrate prouve qu'elle en a encore dans le ventre malgré le caractère très codifié des innombrables drames médicaux télévisuels. Thomas Lilti livre ainsi 6 nouveaux épisodes à la portée résolument politique, mettant en avant un casting toujours aussi compétent face aux manquements organisationnels et humains qui gangrènent le milieu hospitalier. De la tension et de l'humanisme, pour une saison 3 que l'on s'injecte aussi rapidement qu'une perfusion de sérum physiologique !
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