Les rééditions sont souvent synonymes de fainéants coups marketings plus que de véritables nouveaux projets artistiques. En cette fin d’année, elles sont nombreuses. Mais lesquelles valent vraiment la peine ?
Chaque succès d’album est maintenant quasiment toujours suivi d’une réédition. Faisant souvent mauvaise presse, ces ajouts sont ainsi souvent pensés pour relancer l’intérêt autour d’un album et du catalogue de son artiste, lui faisant atteindre un chiffre de vente symbolique sans avoir à proposer un projet neuf. Et chaque année, ils sont de plus en plus nombreux et cela peu importe les genres. Cette fin d’année n’est pas en reste puisque l’on retrouve successivement les rééditions d’OrelSan, Angèle, Benjamin Biolay, Clara Luciani et Bertrand Belin. L’occasion de se pencher sur l’utilité de ces propositions, au-delà du simple aspect commercial.
Civilisation Édition Ultime d’OrelSan
Nous vous avions déjà parlé ici de la réédition du Civilisation d’OrelSan. De toutes les critiques négatives reçues pour un projet étant jugé soit comme une private joke inaboutie, beauf et inutile. Pourtant, nous y avions trouvé de très belles propositions renouant avec la première mixtape des Casseurs Flowters, malgré quelques belles déceptions comme un duo manqué avec Angèle et un Ah… la France plus que dispensable. Pourtant, ce Civilisation Édition Ultime s’avère être cohérent au vu du making-of de l’album observé dans la seconde partie de Montre jamais ça à personne : celle d’un artiste qui se met à nu en osant montrer le pire comme le meilleur de sa création, ce qui est d’autant plus risqué que précieux.
Intérêt : 3/5. 10 titres dont la qualité varie entre la blague qui tâche, le rendez-vous manqué et les très jolis instants (Nous contre le monde, Dernier Verre) où renouant avec les débuts (Les aventures de MiniSan) d’un artiste qui dévoile son processus créatif sans presque aucun filtre. De là à dire qu’OrelSan pourrait sortir n’importe quoi et qu’on le suive sous cette raison serait cependant une erreur.
Nonante-Cinq La Suite d’Angèle
Nonante-Cinq poursuivait ce qu’avait entrepris Brol avec une veine plus mélancolique. Angèle s’y dévoilait en femme plus inquiète, plus torturée, et les hymnes fédérateurs, qu’elle parle des menstruations (On s’habitue), d’émancipation personnelle (Libre, Solo) où d’une déclaration d’amour à sa Belgique natale (Bruxelles je t’aime) laissaient place à des balades plus intimes presque proches du burn-out. Taxi, Plus de sens, Tempête, Mots justes et Mauvais rêves laissent ainsi plus de place au doute et à la remise en question. Pour cette suite, à part un feat manqué avec OrelSan et une version orchestrale du très bon Démons, le résultat allonge efficacement la formule.
Intêret : 3/5 . 5 nouveaux titres, avec en thème principaux la rupture avec les mélancoliques Promets-moi, et Le temps fera les choses et la toxicité des réseaux sociaux sur l’efficace Amour, Haine & Danger et la meilleure proposition de cette réédition, Patrick. Nonante-Cinq s’allonge ainsi sans trop se répéter, et en étendant l’atmosphère volontiers plus mélancolique du projet.
Tambour Vision (Nouvelle édition) de Bertrand Belin
Bertrand Belin signait son grand retour cette année, trois années après ce qui restera comme son chef d’œuvre, Persona, qui avait également eu droit à une très belle réédition. Plus électronique, plus minimaliste et sans la fougue sociale de son aîné, Tambour Vision n’en demeurait pas moins l’une des plus belles propositions musicales de cette année. Cette nouvelle édition s’avère être la plus maigre puisqu’elle ne compte que 4 nouveaux titres, mais heureusement ils sont tous magnifiques.
Intêret : 4/5. Si Maître du Luth convoquait déjà majestueusement le spectre d’Alain Bashung période L’Imprudence, Surfaces s’en fait un brillant écho, époque Passé le Rio Grande. La nouvelle est le tube efficace qui complète brillamment le duo Tambour et Que dalle tout. La figure et moi délaisse les nappes électroniques pour convoquer quelques cordes rêveuses, quand le piano de la nouvelle version d’Oiseau se fait d’autant plus onirique et émouvante. Des ajouts maigres mais indispensables.
Cœur encore de Clara Luciani
Cœur n’a pas manqué de confirmer les belles espérances placées en Clara Luciani après son superbe Sainte-Victoire. Laissé de côté la femme délaissée mais émancipatrice et l’influence de Françoise Hardy, ce deuxième opus faisait la part belle au disco, à l’indépendance et aux hymnes fédérateurs. Une voie que Clara Luciani a choisi d’épouser de front en reprenant et en adaptant dans la langue de Molière 4 incontournables du répertoire, de Sister Sledge à Abba en passant par Donna Summer et Kool &The Gang.
Intérêt : 3/5 : Il résulte ainsi de cette réédition un pari plus que risqué qui respire cependant la bonne humeur, le respect et la fidélité. Qu’ils soient repris en compagnie de Kool & The Gang en personne (Dansons tant qu’on est vivant), où soigneusement transposés (C’est l’amour, Mes amis et moi) on retrouve tout particulièrement dans la reprise de The Winner Takes It All d’Abba, rebaptisé Bravo tu as gagné, l’écrin idéal pour la chanteuse, comme un écho à son précèdent opus. Des ajouts qui perpétuent et justifient les influences de Cœur, ici parfaitement digérées et qui consacrent ce deuxième essai en un opus dansant, alliant brillamment passé et présent.
Brûler le feu 2 de Juliette Armanet
Juliette Armanet, après les multiples rééditions de Petite Amie, s’était inscrite dans l’héritage d’une certaine Véronique Sanson. Ayant déjà le goût des incartades dansantes, Brûler le feu embrasait ainsi cette volonté dans un défilé incandescent de tubes alternant disco, funk et électro. Certifié disque de platine, Brûler le feu 2 étend ainsi l’album de 5 titres, avec un remix du fameux Dernier jour du Disco.
Intérêt : 4/5 : Juliette Armanet s’est trouvée véritablement inspirée et libérée par cet album, et ces nouveaux ajouts viennent le confirmer. Annoncé par l’efficace Flamme, ce Brûler le feu 2 enchaîne les propositions réussies, du lancinant Fuguer, au plus pop À quoi tu joues ? En y ajoutant deux superbes balades renouant avec ce que l’artiste sait proposer de mieux, Michel et Ce que l’on cache, cette réédition paraît aussi efficace que réussie, prolongeant avec un plaisir communicatif la fièvre d’un opus déjà fortement recommandable.
Rêvalité Augmentée de – M –
Nous étions restés sur le côté de Rêvalité, septième album de – M – célébrant 25 ans de carrière, dans un opus perdu entre pastilles nostalgiques à l’écriture niaise et facile évoquant l’imaginaire de l’enfance et des tubes funk pensés pour la scène et la ronflante bande FM tournant rapidement à vide. Si nous déplorions également le manque de signature reconnaissable de la nouvelle alliée du chanteur, Gail Ann Dorsey, musicienne accomplie ayant collaboré avec de très grands noms (David Bowie, Lenny Kravitz, Christophe) et à la voix grâcieuse, cette réédition choisit de la mettre plus en avant au détour d’une reprise, malheureusement très oubliable, d’A Toi de Joe Dassin.
Intérêt : 2/5 : Outre cette reprise très fade, on retrouve Gail Ann Dorsey sur deux superbes reprises de David Bowie, exercice casse-gueule dont l’artiste a cependant su prouver toute la puissance en live. Celle de Life on Mars étant particulièrement réussie, deux nouveaux titres de – M- vient cependant ponctuer cette réédition. Croc Madam, ritournelle enfantine tournant autant à vide que le reste de l’album et Jeanne de la lune plus rêveuse et orchestrée. Avec un titre en live supplémentaire, on a surtout l’impression d’un prétexte plutôt que de notables ajouts, sachant que – M – consacrera de toute façon un album live à son nouvel opus.