Gaming – sociologie du jeu vidéo analyse idées reçues, sondages et inégalités sociologiques dans un petit ouvrage rigoureux.
Gaming – sociologie du jeu vidéo s’empare de l’industrie la plus lucrative pour en lever les préjugés et constituer un champ de ses inégalités. Or, le sujet a déjà été traité en long, en large et en travers par la presse et les travaux universitaires. Conscients de ce défi, ses auteurs Jean-Philippe Dubruelle et Enora Lanoë-Danel entendent sortir du lot avec une formule novatrice. Ce petit opus de 160 pages intègre une flopée de tableaux et graphiques récapitulatifs, dignes du plus beau rapport de l’INSEE. Le ton est donné, il ne faudra pas être allergique aux pourcentages, découpages par catégories socio-professionnelles et types de gamers.
Le gaming par les tableaux Excel
Les auteurs, officiant pour la Fondation Jean Jaurès, analysent sous le prisme politique toutes les données qui leur tombent sous la main. Ainsi en va-t-il pour le jeu vidéo. Cette fondation se caractérise plus particulièrement par la mise en évidence des inégalités sociales. Gaming – la sociologie du jeu vidéo est né. Cette expertise dans le traitement des données se perçoit au début de l’opus. Les tableaux de L’INSEE ou de l’Ifop abondent pour contextualiser au mieux les pratiques multiples du jeu vidéo. Cependant, le revers de la médaille se ressentira à la lecture. Le livre condense 14 tableaux sur 40 pages, avant, heureusement, de réduire la cadence.
La première partie compile donc plus qu’elle n‘explique. Peut-être vous rappellera-t-elle même vos cours de sciences économiques et sociales, à analyser en boucle des statistiques. Cette sur-abondance a pourtant un but précis, rendre le propos de ses auteurs indiscutable. Comme dirait l’autre, les chiffres ne mentent pas ! Jean-Philippe Dubruelle et Enora Lanoë-Danel débunkent un à un les préjugés sur les jeux vidéo et leurs pratiques. Un panorama plus que bienvenu, pour un secteur encore fortement stigmatisé par les politiques et l’opinion publique. Et, surtout, l’opus expose des données précieuses sur ses inégalités et les discriminations qui le gangrènent.
Les inégalités par a+b
Une fois son postulat bien défendu à coups d’attaque « tableau de l’INSEE » qui étourdira tout opposant, l’heure est au développement. La suite de l’ouvrage approfondira son sujet par une argumentation tout aussi solide. Entre de nombreuses répétitions (comme le pic d’Emmanuel Macron suite aux émeutes cité plusieurs fois), on y apprend beaucoup de choses sur les types de joueurs et leurs habitudes. Le sujet est maîtrisé grâce à une bibliographie très fournie. Et aussi par des entretiens précieux (comme celui avec les streameuses Ultia et Maghla) pour élaborer le cœur du livre.
Dans ce panorama des pratiques et des inégalités, l’ouvrage a définitivement porté son choix sur les discriminations que subissent les femmes dans le jeu vidéo. Ces dernières sont démontrées, et surtout dénoncées, dans deux de ses chapitres. Si la distinction en deux chapitres scinde un peu étrangement le propos, le fond reste clair. Se voulant accessibles, Jean-Philippe Dubruelle et Enora Lanoë-Danel citent toujours des jeux les plus connus, donc susceptibles d’évoquer quelque chose aux néophytes. Cependant, certains passages obligés semblent éludés, faute à un format hyper compact. Si la débâcle Tomb Raider est citée, l’on peut s’étonner de ne pas voir Dead or Alive (les bimbos ci-dessus), ou Beyond Good and Evil le contre-exemple le plus important.
Toute la vérité, ou presque
Gaming – sociologie du jeu vidéo constitue une bonne porte d’entrée dans le jeu vidéo. Il se montre vraiment accessible par un propos clair et bien documenté. Sa seconde partie plus réflexive compense ses premières pages qui croulaient sous ses sources compilées. Son propos central se montre tout aussi bien choisi. Il ne lui manquait que quelques pages supplémentaires pour se montrer réellement auto-suffisant. Car, en pratique, le propos se montrera trop condensé pour un sujet aussi profond et multiforme que le sexisme dans le jeu vidéo. Heureusement que pour les plus intéressés, les notes de bas de pages renvoient vers des articles ou des livres spécialisés de grande qualité.
Gaming – sociologie du jeu vidéo est sorti le 5 avril 2024 aux éditions de l’Aube.
Avis
Gaming - sociologie du jeu vidéo s'appuie sur un corpus exceptionnel de données pour bâtir sa réflexion. À la lecture donc, il faudra naviguer entre les tableaux qui s'enchaînent et comprendre que leur abondance réduit la part accordée à la réflexion. Par chance, sa bibliographie se montre excellente et prolongera donc la réflexion pour les plus intéressés.