Les adaptations de jeux vidéos ont le vent en poupe, au cinéma comme à la télévision. C’est donc la célèbre franchise Fallout qui est la dernière en date à se voir transposée en série, avec ni plus ni moins que Jonathan Nolan et Lisa Joy (Westworld) à la production. Passée quelques menus défauts, on tient là une nouvelle franche réussite sur le service d’Amazon!
Alors que le cinéma n’a toujours pas pleinement trouvé la recette pour les adaptations de jeux vidéos réussies (oscillant entre le moyen/sympatoche comme Tomb Raider ou Super Mario Bros jusqu’au réussi Silent Hill ou le mauvais Uncharted), l’El Dorado semble être vers la série TV. Fallout suit ainsi une lancée qualitative initiée il y a quelques années par Castlevania, poursuivie par Arcane ou récemment The Last of Us.
Une aubaine qui permet d’user du format épisodique pour mieux étendre des univers vidéoludiques qui s’y prêtent. Ainsi, la franchise culte de Todd Howard (Starfield, The Elder Scrolls) s’associe aux producteurs de Westworld, avec Geneva Robertson-Dworet et Graham Wagner en showrunners.
La fin du monde tel qu’on ne l’a jamais vu
Pour les néophytes, Fallout nous place dans un futur post-apocalyptique uchronique, plus de 200 ans après un holocauste nucléaire. Après une très bonne introduction dans le Los Angeles des années 50 à la sauce rétrofuturiste, la série débute comme presque chaque épisode de la saga en jeu vidéo : au sein d’un Abri anti-nucléaire, au sein d’une communauté ayant vécu en autarcie depuis plusieurs siècles à l’abri des radiations de la surface.
C’est alors que nous découvrons Lucy MacLean (Ella Purnell), une habitante de l’Abri 33 qui va s’aventurer à l’extérieur pour la première fois afin de retrouver son père Hank (Kyle MacLachlan), enlevé par une bande de pillards. Elle va ainsi découvrir un monde hostile peuplés de personnages hauts en couleurs, tel qu’une mystérieuse goule (Walton Goggins) opérant en temps que chasseur de primes, ou bien Maximus (Aaron Morten), un membre de la belliqueuse Confrérie de l’Acier.
Role-play atomique
Fallout s’articule donc comme un récit à 3 protagonistes opérant chacun pour leur propre cause, permettant d’appréhender le monde des jeux Bethesda suivant plusieurs points de vue capables de faire ressortir la richesse de son univers. Un univers post-apo extrêmement particulier, oscillant entre de l’ultra-violence graphique et un humour noir flirtant avec le sarcastique et la légèreté.
Un cocktail que l’on retrouve dans la série Fallout, sans que jamais ses ruptures de ton ne viennent parasiter son récit ou l’arc narratif de ses protagonistes. Un petit exploit en lui-même qui permet non-seulement de retranscrire la particularité de ton du matériau originel, mais aussi les éléments de progression inhérents à un a structure de jeu de rôle… le tout dans une histoire ayant des choses à raconter !
Une réussite que l’on doit aux personnages principaux, aussi opposés dans leur caractérisation que complémentaires dans la peinture de ce monde post-apocalyptique directement corrélé à la peur d’une WW3 nucléaire en pleine Guerre Froide. Une problématique certes érigée dans un univers imaginant une Amérique issue de 50’s uchroniques, mais où les questionnements survivalistes et de luttes de pouvoir sont encore pleinement d’actualité.
Parfait équilibre d’humour et de dramaturgie
Ainsi, Fallout trouvera certainement son premier vrai point d’accroche auprès du public via le personnage de Cooper Howard/Goule, fascinant flingueur mutant errant tel un mort-vivant depuis plusieurs siècle. L’Homme en Noir de Westworld en somme, via une dimension tragique mise en exergue par des séquences flash-back dans les années 50 où on découvre un toujours excellent Walton Goggins idéaliste en acteur instrumentalisé par la société Vault-Tech (la naissance du Vault Boy est donc abordée pour la première fois dans la licence !).
Un honnête homme transformé en anti-héros sans foi ni loi, dont le parcours va être influencé de manière réciproque par les interactions avec Lucy et Maximus, les véritables avatars de la trame. Soit deux protagonistes vierges du monde extérieurs (l’une ayant vécu dans un monde factice et naïf, l’autre dans une misère martiale avec comme vocation de se venger de ceux qui ont bombardé le monde qu’il connaissait), qui vont peu à peu voir leur perception muer au gré de leurs pérégrinations.
Tout n’est pas parfait au début de cette saison 1 de Fallout, bazardant un peu trop rapidement des éléments essentiels du lore (la Confrérie de l’Acier), la présentation de son univers et de quelques personnages secondaires (Kyle MacLachlan en tête), tout en amenant parfois des facilités de rencontres ou ellipses avantageuses, jusque dans une mise en scène de l’action un brin fonctionnelle. Même la BO de Ramin Djawadi (Game of Thrones, Le Problème à 3 Corps) déçoit, compensée par les excellentes musiques rétro allant de Nat King Cole à Johnny Cash.
Le maître-mot de la fidélité prévaut avec une grande efficacité cependant, jusque dans une fabrication de décors plutôt impressionnante : des étendues désertiques californiennes aux ruines de la civilisation en passant par les iconiques Power Armors, le tout se veut palpable, combinant CGI bien intégrés et production design en dur. Le caractère joyeusement gonzo des séquences musclées permet aussi de pallier à une réalisation manquant parfois de pep’s et d’énergie kinétique, mais où à aucun moment on ne questionne l’univers de Fallout.
Post-apo qui se bonifie
Passée cela, la série se bonifie d’épisode en épisode, construisant de manière cohérente son aventure tripartite avec un profond respect du matériau de base (les easter eggs sont légion, des stimpacks au Mr Handy en passant par la ville-décharge de Filly), allié à un regard réaliste sur les machinations économico-politiques de la guerre des ressources.
En effet, le côté buddy-movie rapidement romantique entre Lucy et Maximus donne aux personnages une épaisseur croissante, c’est finalement dans l’intrigue secondaire au sein de l’Abri 33 que Fallout fait ressortir toute la noirceur de son univers. Noirceur que l’on retrouve dans l’humour (réussi) du show, mis qui prend tout son sens dans le caractère mystérieux infusé par petites touches, permettant de montrer un monde haut en couleurs n’ayant finalement pas bien changé dans sa capacité à ce que les plus puissants agissent dans l’ombre au détriment du quidam.
Un propos efficacement traité jusque dans un très bon épisode 8 final riche en révélations, rabattant un peu plus les cartes de ce qui s’apparentait à de l’affrontement binaire de factions. De quoi attendre la suite de Fallout avec intérêt, devant ce qui s’apparente désormais comme une des meilleures adaptations de jeu vidéo jamais faites !
Fallout est disponible sur Prime Video
avis
On y croyait pas et pourtant le constat est là : passée une introduction un peu brinquebalante, cette adaptation de Fallout se veut non-seulement terriblement respectueuse de son matériau de base, mais également une vraie belle extension autonome de son univers post-apo rétrofuturiste. En résulte un récit de personnages incarné, tantôt pop tantôt noire, servie par une production design de grande qualité capable de pallier à une mise en scène parfois trop fonctionnelle. Une Saison 1 qui se consomme aussi rapidement et efficacement qu'une déflagration atomique, et dont on veut déjà la suite !