La saison 4 de Westworld vient de se conclure, nous laissant avec la délicate impression d’une boucle narrative… paradoxale.
En 2083, Charlotte Hale a réussi à créer son monde parfait, où les hôtes sont libres d’évoluer tandis que les humains sont peu à peu parasités et… asservis. Diffusée sur HBO et OCS chez nous, la quatrième saison de Westworld vient donc raccrocher les wagons après une troisième floppée d’épisodes à l’errance un peu vaine, pour nous rabibocher avec la complexité initiale du show.
Toujours développée par Lisa Joy et Jonathan Nolan, le retour de Westworld se veut donc plus proche des premières saisons que de la troisième (notre critique de la S03 de Westworld), plus frontale que d’ordinaire et qui abandonnait les circonvolutions temporelles pour nous offrir une intrigue plus linéaire. Ici on retrouve tous les ingrédients qui font du show de HBO un bijou dystopique, même si le postulat semble paradoxalement plus ténu que jamais, incertain presque alors que la nature même du libre arbitre ou du conformisme sont immuablement questionnés.
Le soulèvement des machines
Avec cette nouvelle saison, Westworld revient à ses basics, en multipliant les temporalités pour brouiller les pistes narratives qui, évidemment, finissent par s’agencer telles de délicates pièces d’un puzzle complexe mais tout de même loin des mindfucks originaux. La saison est ainsi décomposée en deux parties chacune focalisée sur une timeline spécifique, 7 ans après la fin de la saison 3 pour les 4 premiers épisodes et 23 ans plus tard pour les 4 suivants, en 2083. Évidemment, certains arcs narratifs évoluent indépendamment de l’intrigue « principale », histoire de complexifier l’ensemble, mais le schéma est rafraichissant, ambivalent.
Une articulation scindée pour réintroduire de vieux amis comme le grand absent de la saison 3, James Marsden, de retour en Teddy, ou de délectables clins d’œil aux saisons précédentes. D’ailleurs, si le personnage de Marsden avait été remplacé, dans l’idée, par celui joué par Aaron Paul, les rôles s’inversent dans ces nouveaux épisodes, proposant une figure messianique pour le vieux cowboy tandis que l’humain révolutionnaire est cette fois aux prises de sa propre boucle narrative, artificielle cette fois. Des inversions malignes pour imager le paradoxe de la quête de Charlotte, excellente Tessa Thompson, et son projet plus totalitaire que libertaire.
Ainsi, l’humanité malmenait les hôtes dans le premier parc pour expérimenter une liberté sans conséquence. Elle aspirait ensuite à la transcendance, à l’immortalité, en s’implantant dans le corps des hôtes grâce au programme de Delos, pour finalement faire face à son inéluctable anéantissement avec les prédictions de Rehoboam. Dans cette saison 4, pas toujours très égale en termes d’enjeu selon les épisodes, les hôtes déambulent librement dans une ville peuplée d’humains asservis par Charlotte. Une mégalopole qui n’est plus qu’un parc géant dirigé par ceux mêmes qui tentaient de s’en échapper. Un paradoxe total, le serpent qui se mange la queue.
Westworld Resurrections
L’aspect méta y est d’autant plus grand que le personnage de Dolores, Evan Rachel Wood continue d’incarner l’âme de Westworld, est ici caractérisée comme l’architecte suprême de ce monde, la narratrice de boucles apposées à l’humanité, désormais dominée. Une singularité puisqu’elle se trouve également prisonnière du système de contrôle de Charlotte. Une condition qu’elle devra bien entendu comprendre et appréhender pour essayer de s’élever, une nouvelle fois, en figure prophétique, à la fois dans le virtuel et dans le réel. Bref, on est bien de retour dans Westworld, à moins qu’on ne soit dans le penchant télévisuel de Matrix Resurrections.
Or justement, la quatrième saison de Westworld nous offre des humains qui résistent tant bien que mal aux machines, en s’enfermant dans des paysages post-apocalyptiques désertiques, comme s’ils se réfugiaient dans le premier parc, à l’instar d’une Zion steampunk. Mais si le labyrinthe grandeur nature permet de renforcer le caractère des personnages, certains sont cependant bien trop vite enclavés dans leur narration inhérente. Maeve est de nouveau considérée comme une arme alors même qu’elle ne fait que mourir, inlassablement, Bernard est toujours aussi cryptique et William est plus nihiliste que jamais, pour notre plus grand plaisir régressif, mais ça ne fait pas avancer le shmilblick. Surtout que la mort de Westworld n’est jamais, par définition, permanente, ce qui tend certains rebondissements à manquer de conséquences, de profondeur. Même si l’ensemble ne manque pas de mélancolie dépressive, une désillusion au combien attachante.
Avec une nostalgie certaine malgré son look de techno-thriller aseptisé, Westworld continue de nous plonger dans la psyché de l’âme humaine, à travers un regard comme toujours pertinent mais par instant incertain, presque caricatural de ses scories habituelles. Un show à nouveau magnifique, mais toujours paradoxal.
La saison 4 de Westworld est disponible sur HBO et OCS.
Avis
La saison 4 de Westworld retrouve les complexités temporelles qui caractérisent le show de HBO tout en développant un peu plus les notions paradoxales de liberté ou d'asservissement pour un résultat ambivalent mais passionnant.