Ghosted est la nouvelle production Skydance (Mission Impossible, Star Trek) directement à destination d’Apple TV+. Chris Evans (Avengers Endgame) et Ana de Armas (Mourir peut attendre) sont au premier plan de cette rom-com saupoudrée d’action, et mise en scène par Dexter Fletcher (Rocketman). La qualité s’est néanmoins fait ghostée elle-aussi…
Dexter Fletcher aura eu un parcours plutôt intéressant : d’abord acteur (on l’a d’ailleurs vu dans plusieurs films de Matthew Vaughn), le bougre se sera ensuite fait remarquer en passant lui-même derrière la caméra. Majoritairement révélé par le très réussi Eddy the Eagle, Fletcher aura vu sa cote grimper en remplaçant Bryan Singer au pied levé pour terminer son Bohemian Rhapsody, mais surtout avec Rocketman (savoureux biopic d’Elton John). C’est donc avec un certain intérêt que l’on pouvait attendre Ghosted.
Buddy rom-com movie
Cette comédie romantique teintée d’action-espionnage place donc Chris Evans (éternel Captain America) et Ana de Armas (qui voit sa carrière monter en flèche entre Blade Runner 2049, Mourir peut attendre, Knives Out et Blonde) dans un buddy-movie aux prises avec de dangereux terroristes menés par Adrien Brody (Le Pianiste, The Grand Budapest Hotel). Une recette pas déplaisante sur le papier, mais ce serait oublier le duo Rhett Resse-Paul Whernick au scénario, capables de réussite (Deadpool, Zombieland) mais aussi du pire (6 Underground, Spiderhead) : Ghosted tombe malheureusement dans la seconde partie !
Cole Riggan (Chris Evans) est un fermier (oui il faut y croire) sans histoire, qui vient de se faire largué par sa copine. Trop needy et romantique, ce dernier va rencontrer Sadie Rhodes (Ana de Armas), une amatrice d’art et femme indépendante. Le coup de foudre est total, et les deux tourtereaux vont passer même passer la journée ensemble. Malheureusement, le pire arriva : Cole se fait ghoster ! Ne recevant plus de nouvelles de Sadie, il décide de la rejoindre à son insu en Europe.
Sur place, il va découvrir que Sadie est en réalité une redoutable agente de la CIA, à la poursuite d’une dangereuse arme bio-chimique. Tandis que Cole est lui-même pris pour cible par des terroristes (pensant qu’il s’agit d’un agent), le duo principal va se retrouver trimballer de Londres au Pakistan pour sauver le monde, mais aussi leur potentielle relation !
C’est dans les vieux pots qu’on fait de vielles confitures
Avec ce pitch, Ghosted a tout du high-concept de rom-com tout droit sorti du début des années 2000 (manquait juste Ryan Reynolds et Sandra Bullock) jusque dans ses tropes faciles et son scénario empli de facilité. Autant le dire tout de suite, inutile de chercher de la vraie dramaturgie ici, tant Reese et Wernick aplanissent l’ensemble, qu’il s’agisse du versant action-aventure ou bien de la romance.
Une romance dont on a du mal à avaler le nectar vendu, si ce n’est grâce à l’alchimie naturelle qui opère entre Ana de Armas et Chris Evans (ayant tous deux déjà joué ensemble chez Rian Johnson ou récemment dans The Gray Man). Si le métrage semble trouver son point d’accroche lors d’une première partie pas déplaisante (où la première rencontre se veut court-circuitée par des différences correctement installées), le soufflet retombe dès lors qu’il faut s’empiffrer un cahier des charges des plus impersonnels.
Ana sort les Armas
Si Ana de Armas se révèle bien utilisée (principal intérêt du film me dit-on dans l’oreillette), aussi à l’aise sur un versant romantique pur que dans le bourrage de pif chorégraphié, le bas blesse du côté de Chris Evans. L’acteur se débrouille pour amener le soupçon de charisme requis, mais impossible d’avaler son personnage de boy next door agriculteur (qui se fait même mettre à l’amende à la montée d’escalier) et naïf. Le scénario de Ghosted peine encore plus à lui définir un parcours dramaturgique cohérent, passant de boulet « attachiant » à semi-action man suivant les besoins du film et sans une once de cohérence.
Bref, difficile de pleinement accepter des personnages aussi lisses qu’une croupe de bébé, malgré le charisme de leurs interprètes. Ces derniers arrivent par instants à donner un soupçon d’authenticité néanmoins, au milieu d’un casting de luxe (Adrien Brody en méchant insipide à l’accent français approximatif, Tim Blake Nelson en tortionnaire russe caricatural, et même un défilé de caméos allant de Anthony Mackie à Sebastian Stan) contraint à proposer le minimum syndical en échange d’un cachet de présence.
Au final, les réjouissances se font rares dans Ghosted, et c’est d’autant plus dommage quand on a Fletcher à la barre. On arrive à voir son style ludique émerger de manière discrète lors d’une sympathique séquence de poursuite à bord d’un bus, ou même succinctement lors d’un climax au setting amusant (un bar dont le rooftop tournoie sur lui-même), mais cela pèse assez peu dans la balance.
Pire : malgré ses allures de blockbuster, le tout a plutôt des allures de TVfilm luxueux à la patine impersonnelle et à la mise en scène effacée, affichant régulièrement quelques fonds verts criards en arrière-plan, et un manque de moyen réduisant le programme à un potentiel gâché.
Blockbuster fantôme
Vous l’aurez compris, Ghosted fait partie de ses blockbusters à la présentation de prestige pour les plates-formes de streaming, mais dont la fabrication et l’écriture pèchent jusqu’à saboter le potentiel initial. Même son aspect globe-trotting prend des allures de cache-misère, notamment dans son Pakistan tourné en studio : un comble pour un film d’action-aventure ! Heureusement rythmé et porté par un duo principal charismatique, le visionnage se termine de la même manière qu’il a commencé : un clic et et on passe à autre chose !
Ghosted est disponible sur Apple TV+ à partir du 21 avril 2023
avis
Ghosted n'est ni satisfaisant en temps que rom-com (malgré une amorce correctement posée), ni en tant qu'actioner d'espionnage (malgré une ou deux séquences nous mettant la puce à l'oreille à propos du fait que Dexter Fletcher est peut-être venu sur le tournage). En résulte un TVfilm de luxe insatisfaisant et globalement raté, même si Chris Evans et (surtout) Ana de Armas rendent le visionnage tolérable. Ghosté, nexté !