Les Complices, porté par un trio d’acteurs impeccables, se heurte pourtant à un scénario inabouti, qui ne sait jamais rendre honneur à leur belle énergie.
Les Complices est la première « vraie » comédie de Cécilia Rouaud, qui s’était auparavant frottée au versant plus dramatique du genre avec Je me suis fait tout petit et le trop larmoyant Photo de famille, qui marquait le dernier rôle du très, très regretté Jean-Pierre Bacri, pour qui ce Complices était d’ailleurs écrit, (et à qui le film est d’ailleurs dédié) pour former un duo avec un certain Jamel Debbouze. Réunissant un trio d’acteurs formidable, François Damiens, Laura Felpin (qui décroche ici son premier grand drôle) et William Lebghil (récompensé pour son interprétation lors du dernier Festival de l’Alpe-D’Huez), tous autant hilarants qu’épatants, en plus de la fidèle Vanessa Paradis (déjà à l’affiche des deux premiers longs-métrages de la réalisatrice), Les Complices se propose ainsi comme une comédie noire et gentiment amorale où un tueur à gages se découvre une peur du sang, et qu’il devra alors se faire aider par ses deux nouveaux voisins.
Et dans un premier temps, Cécilia Rouaud étonne, de par sa finesse d’écriture, d’un personnage de tueur dont on reconnaît, outre le fantôme de Jean-Pierre Bacri, une allure désabusée à la Bill Murray qui sied parfaitement à François Damiens, brillamment introduit lors d’une scène de plage désertique, et d’un propos sur nos vies professionnelles formatées à la fois maîtrisé et complètement d’actualité. Et si Laura Felpin et William Lebghil sont géniaux, (tout comme Bruno Podalydès, Vanessa Paradis et le trop rare Jean-François Cayrey en seconds rôles) en plus d’une photographie très maîtrisée signée Pierre Cottereau (Poupoupidou, Adieu Berthe), Les Complices ne sait malheureusement leur rendre honneur jusqu’au bout, lorsque son scénario s’effondre et que la deuxième partie du métrage délaisse ses bonnes idées au profit de l’invraisemblable et de l’inabouti.
Les Collègues
Les Complices part donc d’un postulat de comédie noire plutôt original. Sans trop d’effusions de sang, puisque son principal protagoniste s’évanouit à la moindre goutte, et avec un trio propre au buddy-movie, entre l’impassibilité mélancolique de Max (François Damiens) et la jeunesse, l’incompétence et l’inconscience de ses deux jeunes voisins (Laura Felpin et William Lebghil). Et dans son premier tiers, Cécilia Rouaud semble proposer avec Les Complices ce qui paraît assez aisément comme son projet le plus abouti. Parce que sa description du petit monde de l’entreprise s’avère réjouissante, tout comme le portrait de ses protagonistes, dont William Lebghil semble parfois à lui seul voler la vedette, dans le rôle d’un jeune homme naïf et amoureux cruellement attachant.
Le trio fonctionne, et le propos sur l’avilissement de nos vies professionnelles aussi : mais voilà, Les Complices semble ensuite dangereusement s’égarer. Puisqu’une fois que le côté professionnel de l’intrigue est laissé de côté et que le scénario souhaite pleinement se consacrer à la traque de nos protagonistes par une sorte de syndicat du crime organisé complètement invraisemblable (Loutre et autres Marmotte pour noms de codes, on est très loin de John Wick), Les Complices perd tout ce qui faisait son originalité, et surtout sa qualité. Les personnages semblent alors livrés à eux-mêmes dans un récit en totale roue-libre qui ne sait alors plus du tout quoi nous raconter que des mises à mort peu inspirées et d’un scénario en pilote automatique où les décors désertiques rappellent soudain le long moment de creux que traverse le récit.
Les Compotes
Les Complices peut alors pleinement paraître comme une belle déception, d’un métrage qui avait toutes les bonnes idées pour l’emporter, mais qui se vautre cruellement dans un dernier tiers en manque totale de direction et surtout d’inspiration. On pense ainsi parfois au récent Les Cadors, qui au-delà de son volet social très intéressant sur le monde peu montré des dockers, surchargeait la barque avec un trauma familial et une intrigue policière complètement à côté de la plaque, rejoignant ainsi la même voie de comédies aux belles idées, mais qui ratent complètement leur promesse de suivre leur ligne et leur tempo sur la durée. Cécilia Rouaud, habituée aux comédies dramatiques, semble ainsi se décharger de tout ce qui faisait le sel de sa proposition pour tenter de s’emparer d’un genre qui la dépasse alors complètement.
On ne retiendra alors de Les Complices, outre son scénario inabouti et ses belles propositions tuées dans l’œuf, un trio d’acteurs parfait, à qui la réalisatrice ne sait malheureusement jamais rendre honneur. D’un énième exemple de belle promesse de comédie ne sachant tenir la cadence, et d’une autre belle et cruelle déception, l’on pourra au moins se dire qu’en tant que spectateurs, l’on aura été finalement étés complices de si peu de choses, (on préfèrera mille fois au moins réassister à Mon Crime) que personne ne pourra finalement nous en vouloir, à part à nous-mêmes et le fait d’avoir payé le prix d’une place de cinéma pour assister à un projet qui résulte finalement du non-lieu.
Les Complices est actuellement au cinéma.
Avis
Après un premier tiers formidable au tempo comique impeccable et aux belles idées, notamment sur l'avilissement de nos vies professionnelles, Les Complices s'égare complètement. Cécilia Rouaud délaisse alors tout ce qui faisait le sel de sa proposition pour une dernière partie aussi inaboutie qu'invraisemblable, où un formidable trio d'acteurs brille alors dans le vide.