Les Cadors, deuxième long-métrage de Julien Guetta, aurait pu être d’une sympathique modestie s’il ne se chargeait pas inutilement d’autant de pathos.
Les Cadors suit donc Roulez jeunesse, premier long-métrage de Julien Guetta porté par un formidable Eric Judor, qui rompait déjà trop abruptement son ton de comédie pour virer au drame. En réunissant Jean-Paul Rouve (qui a également fait jouer son chien et collaboré aux dialogues), Grégoire Ludig et Michel Blanc, le cinéaste propose une autre comédie dramatique, au programme plus clair mais cependant toujours inutilement alourdi en grosses ficelles mélodramatiques. Parce que du deuil d’un père violent, le scénario de Julien Guetta et Lionel Dutemple y adjoint un inutile et grotesque mafieux (entre autres), et la sympathique modestie des Cadors s’envole pour dévoiler ses (très) gros sabots.
Conteneurs de larmes
Les Cadors, c’est donc l’histoire de deux frères que tout oppose, l’un est docker et trempe dans des magouilles, mais a une vie de famille parfaite (Grégoire Ludig), et l’autre est un vagabond, alcoolique et instable (Jean-Paul Rouve). Tous deux vont donc se retrouver sur la tombe de leur père, et tenter de renouer un lien perdu, avec en toile de fond un mafieux sans scrupules (Michel Blanc) et une femme qui souhaite un nouveau départ (Marie Gillain). Et malgré une introduction sympathique, Les Cadors, malgré la simplicité de sa proposition et une modestie bienvenue, ne cesse de s’égarer. Comme si le thème du deuil et de la fraternité ne suffisait pas, Julien Guetta charge la barque en voulant proposer une comédie sociale appuyée, aux dialogues et personnages sombrant parfois dans la caricature.
Ainsi, si Grégoire Ludig est tout bonnement transparent et Marie Gillain injustement mise de côté, Michel Blanc en fait des tonnes dans un rôle sur-écrit, alors que Jean-Paul Rouve se taille une place de choix. Parce que celui que l’on rejette est sûrement celui qui a le plus de valeurs morales, Les Cadors vient ainsi forcer le trait à coups de flashbacks mélodramatiques, s’assurant ainsi un final attendu, à l’image du scénario. On ne comprend ainsi jamais cette volonté d’en faire trop, tant la simplicité du métrage aurait pu être son moteur principal, en ayant pu simplement se contenter de dépeindre une relation difficile entre deux frères que tout oppose, sur fond de deuil.
Moteur noyé
On doit ainsi à Jean-Paul Rouve les scènes les plus réussies du métrage, comme si son personnage hors-cadre venait apporter (un peu) de couleur à une intrigue atone. On sent ainsi, dans l’écriture de ses dialogues et la participation de Michel Blanc, une volonté inhérente à Jean-Paul Rouve d’aborder des sujets plus vastes, rappelant ainsi la collaboration de l’acteur-réalisateur avec la plume pas toujours très fine de David Foenkinos sur Les Souvenirs et Lola et ses frères. Si ces derniers avaient ainsi (parfois) réussi à instiller cette mélodie douce-amère de comédie dramatique, les ambitions sont cependant bien trop lourdes pour un Julien Guetta dont les ruptures de tons abruptes rappellent celles de son déjà inabouti Roulez jeunesse.
Pataugeant ainsi à vue entre comédie, où seul Jean-Paul Rouve surnage, drame, avec des flashbacks lourdauds et des portraits de personnages appuyés (Aurore Broutin), et toile sociale caricaturale, avec les docks de Cherbourg et un Michel Blanc en sous-mafieux exagéré, Les Cadors ne trouve ainsi jamais sa voie. Se trouvant comme noyé par ses ambitions, la modeste et belle proposition de départ se mue ainsi en un film trop chargé pour être sincère, et bien trop attendu pour être simplement attachant. Il reste ainsi aux Cadors cette impression d’un navire bien trop chargé pour nous emmener en balade sans risquer de s’échouer.
Les Cadors est sorti le 11 janvier 2023.
Avis
Les Cadors trahit sa belle modestie pour se muer en un drame social appuyé et inutilement (sur)chargé. Ne sachant jongler entre comédie et drame, le long-métrage de Julien Guetta se vautre dans des dialogues appuyés et personnages caricaturaux alors qu'il tenait déjà un joli sujet et une belle modestie dans son postulat de départ.