Cette musique ne joue pour personne synthétise le meilleur du cinéma de Samuel Benchetrit pour un long-métrage aussi attachant que paraissant comme une redite noyée sous les bons sentiments.
Cette musique ne joue pour personne est le septième film du très prolifique Samuel Benchetrit, auteur, réalisateur, acteur, scénariste, qui au même moment signe Maman, une pièce de théâtre mettant en scène sa compagne, Vanessa Paradis au Théâtre Édouard VII. Ayant réussi dans J’ai toujours rêve d’être un gangster, qui restera son meilleur film à ce jour, à synthétiser l’esthétique et l’hommage amoureux au film de gangsters en y alliant sa poésie burlesque et lénifiante, Samuel Benchetrit y marie ici la chronique urbaine désenchantée adaptée au cinéma de ses propres ouvrages en 2015, Asphalte. Si l’auteur réussit ainsi à brillamment diriger son superbe casting, Cette musique ne joue pour personne ne renoue cependant pas avec ses deux précédentes œuvres, la faute à un sentimentalisme facile.
Répétitions chorales
Avec Cette musique ne joue pour personne, Samuel Benchetrit tente donc de renouer avec une recette qui lui avait réussi, lui permettant de signer deux très beaux longs-métrages évoqués plus haut. Celle du récit choral, porté par un prestigieux casting qui mettait déjà au cœur de ses intrigues une poésie comme seule lumière de décors mornes et de personnages désabusés. Chien, sorti en 2018, s’éloignait de la recette gagnante pour le réalisateur (Comme le confidentiel Un voyage, en 2014) en mettant ainsi au centre l’impressionnante prestation de Vincent Macaigne et filmait alors une dégringolade sociale aussi acide que malaisante, ne touchant hélas que 10 000 spectateurs. Si l’on pardonnera son retour en terres connues, qui pourrait être perçu comme de la roublardise, Cette musique ne joue pour personne paraît cependant et indéniablement sonner comme une fragile redite.
Les visages d’habitués de Gustave Kervern, Bouli Lanners, Valéria Bruni Tedeschi, comme de nouveaux venus, François Damiens, Vanessa Paradis et Ramzy Bedia, Samuel Benchetrit sait en tirer le meilleur, délaissant au passage un JoeyStarr sous-écrit. Les partitions de ses acteurs attestent ainsi du talent de directeur d’acteurs du cinéaste, qui se repose cependant un peu trop sur son formidable casting pour habiller cette errance nordiste aussi attachante que fragile. Parce que si Samuel Benchetrit sait signer des dialogues et des scénettes amusantes et réussies, le rythme comme le scénario de Cette musique ne joue pour personne prend cependant rapidement une allure bien trop ronflante.
Cette musique que l’on a déjà entendue
Parce que des malfrats à la petite semaine, il n’en reste ici plus grand chose qu’un affrontement stérile entre deux générations qui passera par une scène de fusillade fort inutile et très mal amenée. Les décors qu’offraient le nord de la France semblent également calqués sur les barres d’immeuble grisâtres d’Asphalte, offrant ainsi un décor similaire et trop peu exploité par Cette musique ne joue pour personne. La poésie paraît ici plus forcée, répétitive, et également plus facile. Parce que les ficelles du scénario de Samuel Benchetrit et Gabor Rassov sont malheureusement trop grosses pour laisser éclater l’émotion recherchée.
On retiendra cependant quelques moments de silences suspendus, loin de l’intrigue, et où l’univers du réalisateur puise alors toute sa force sur le visage de ses fabuleux interprètes. Ramzy Bédia s’improvisant poète, Gustave Kervern découvrant l’amour et le théâtre où François Damiens philosophant sur un air de musique classique passant à la radio en pleine nuit. C’est ainsi malheureusement trop peu pour faire un film que ces quelques moment suspendus, mais il en demeure un air aussi attachant que frustrant d’une musique que l’on a hélas trop entendue, et en mieux.