4 ans et demi après un sublime premier opus, Spider-Man Across the Spider-Verse débarque enfin sur nos écrans. Plus folle, plus virtuose et plus épique, cette nouvelle aventure de Miles Morales l’emmène cette fois vers d’autres dimensions pour contrer une importante menace, tout en explorant un peu plus sa capacité à devenir un héros. Le résultat dépasse les attentes, et dresse un nouveau standard dans l’univers du comic book movie.
Malgré un score en-deça de ce qu’il méritait, Spider-Man into the Spider-Verse était arrivé telle une bombe de toile en 2018. Un métrage audacieux d’animation conjuguant 2D et 3D (style repris par Les Mitchell contre les Machines, Le Chat Potté ou Arcane ensuite) qui affirmait d’entrée de jeu un réel amour du monde du comic book, telles des pages défilant sous nos yeux émerveillés. Mais le film parvenait avant tout dans son récit à créer une vraie origin story à hauteur de personnage : celui de Miles Morale ! Spider-Man Across the Spider-Verse continue donc cette lancée !
Back to the Spider-Verse
Pour rappel, le film de 2018 se terminait alors que Miles prenait la relève en tant que Spider-man de la Terre 1610, peu après avoir déjoué les plans du Caïd consistant à fracturer les dimensions via un accélérateur de particules (le Synchrotron). Ce faisant, chaque spider-héro rencontré (Gwen, Peter B. etc) rentrait dans son propre monde…en attendant ce nouveau film !
Mais cette fois Across the Spider-Verse et Beyond the Spider-Verse (prévu l’an prochain) ont été conçus comme un diptyque, avec un certain remaniement dans l’équipe. Exit les 3 précédents réals, et bienvenue à Joaquim Dos Santos (Avatar le dernier maître de l’air, La Légende de Korra), Kemp Powers (Soul, One Night in Miami) et Justin K. Thompson (auparavant directeur artistique sur le précédent film). De nouveaux talents qui vont poursuivre la direction établie, tout en l’amenant vers de nouvelles cimes.
Au niveau de l’écriture ceci dit, Across the Spider-Verse conserve la même plume, à savoir le duo Phil Lord & Chris Miller (The LEGO Movie, 21 Jump Street, The Afterparty), cette fois épaulés de Dave Callaham (Shang-Chi). Et autant le dire tout de suite, on est dans la suite à la Terminator 2, au credo « bigger, better, faster, stronger » (à quelques détails près), tout en conservant le cœur émotionnel ayant fait de Spider-Verse le maître-étalon du genre.
Spider-Man Year Two
Spider-Man Across the Spider-Verse prend donc place 1 an et 4 mois après le 1er film : Miles a 15 ans, et est désormais un super-héros accompli. Néanmoins, il a bien toujours du mal à concilier son activité de justicier et sa vie d’adolescent. Alors que le poids de son secret pèse de plus en plus dans son rapport avec ses parents, une mystérieuse menace capable d’influer sur le destin de multiples dimensions survient.
Euphorique à l’idée de retrouver Gwen Stacy, Miles s’embarque ainsi dans une aventure le faisant explorer d’autres Terres, et intégrer une société de multiples spider-héros chargés de préserver le multivers. Pourtant, ce dernier devra faire un choix décisif, l’obligeant à se mettre à dos certains alliés. Tel est le canevas de Spider-Man Across the Spider-Verse, dont l’apparente simplicité narrative initiale cache une densité thématique aussi importante que ses audaces formelles complètement inédites.
D’entrée de jeu, cette suite séduit et désarçonne : de son émouvant prologue aux retrouvailles chaleureuses avec Miles, nous sommes initialement en terrain conquis. Mais sur les 2h20 de métrage, l’équipe créative ne se privera de rien, amorçant là encore un drama familial et des dilemmes moraux écrits dans le plus pur hommage aux aventures du Tisseur, avant de bifurquer vers le multiverse.
Spider-héros à gogo
De No Way Home à The Flash en passant par Doctor Strange in the Multiverse of Madness, la notion d’intégration d’univers partagés et alternatifs aura été à la mode, mais Spider-Man Across the Spider-Verse est bien celui qui utilise cette notion avec sens et respect. Allant plus loin que le précédent encore (on compte près de 240 personnages), le sentiment de trop-plein pourrait aisément être de mise.
Et ce sera peut-être une des seules limites du métrage, basculant dans son opulent dernier tiers vers la course à l’easter egg (tout y passe, que ce soit films, jeux vidéos, séries…) de manière plus ou moins visibles. Un aspect fastueux pour le fan, mais dont le fan-service pourrait parfois s’apparenter à du fonctionnel plutôt qu’à une réelle présentation de cette Spider-Society (assez rapidement expédiée). Telle une araignée agile, le métrage parvient à rapidement se redresser (après une séquence de poursuite dont on se demande par quel miracle elle put être animée) pour un épilogue des plus prenants.
Dès lors, Spider-Man Across the Spider-Verse a cet aspect un brin frustrant de « moitié d’histoire » à la Matrix Reloaded ou Retour vers le Futur 2, n’exploitant ainsi pas totalement tous ses personnages, et ne permettant pas de pleinement apprécier la finalité des divers arcs narratifs implantés. Un aspect qui pourra en rebuter, mais difficile de rester de marbre devant la foultitude d’éléments composant une trame riche, autant qu’un certain Everest dans le genre !
Un grand récit à hauteur de Miles
Car heureusement, Spider-Man Across the Spider-Verse ne se repose jamais sur la référence pour constituer la moelle épinière de son récit. Il s’agit toujours du récit de Miles Morales, personnage créé en 2011 par Brian Michael Bendis & Sarah Pichelli, mais désormais figure de proue du monde Marvel (notamment grâce au film de 2018).
Plus mûr et affirmé, c’est toujours un bonheur exquis de le voir évoluer entre humour vitesse grand V et drame humain côtoyant des thématiques dignes des grands films Pixar : recherche de légitimité, quête identitaire face à l’inéluctable, balance émotionnelle face à la raison, communication familiale, voie dans l’accomplissement personnel… Les liens familiaux (mais avant tout émotionnels) sont toujours le cœur de Spider-Man, et sa métatextualité en font un avatar super-héroïque parfait à l’heure de l’abondance des œuvres dans le genre : comment trouver sa place ?
Spider-Man Across the Spider-Verse déroule ainsi sa moitié de récit avec force et ludisme, n’hésitant pas à aller vers plus de gravitas que précédemment. Un sentiment accentué par le personnage d’ami-ennemi de Miguel O’Hara/Spider-Man 2099 (dont les motivations et la backstory méritent d’être fouillées pour le prochain volet), via utoujours contre-balancé par la douceur et l’authenticité apportées entre Miles et sa mère, ou bien des séquences d’amoureux qui ne veulent s’avouer lors d’une superbe séquence de voltige.
Orgie visuelle
Et en parlant de voltige, Spider-Man Across the Spider-Verse nous emmène nous balancer vers de nouvelles hauteurs absolument ahurissantes : c’est plus beau, plus riche, plus fou et virtuose encore ! En terme d’animation, le medium franchit un nouveau palier, parvenant non-seulement à agencer des séquences d’action à la cinégénie tout bonnement inédite, mais également à rendre plus humain encore ces personnages extirpés de pages de comics via de subtiles nuances.
Là encore le travail de doublage est un sans-faute (on privilégiera la VO pour Shameik Moore, Hailee Steinfeld, Oscar Isaac, Brian Tyree Henry, Daniel Kaluuya, etc), tandis que l’équipe de Sony Pictures Animation offre un monde à la fois tangible, empli de détails, mais aussi fulgurant dans ses saillies visuelles. L’occasion de se faire plaisir avec plus de 6 univers différents (et même un peu + de manière plus succincte..), avec leur propre identité.
De la Terre de Gwen aux motifs aquarelle (illustrant ses propres émotions) à un Mumbattan semblant s’extirper de comics indiens des années 70, en passant par une Nueva York directement inspirée de l’architecture SF du grand Syd Mead, Spider-Man Across the Spider-Verse est un festin continu de prouesse artistique ! Un émerveillement pour petits et grands, où l’image se métamorphose de la même manière que l’intriguant nemesis « The Spot », au même titre que la fantastique BO de Daniel Pemberton (Man from U.N.C.L.E. ; Le Roi Arthur).
Non-content de proposer une vraie identité musicale à chaque monde/personnage principal, le compositeur pulvérise encore plus les possibilités acoustiques offertes par le concept de multivers via un melting-pot auditif et rythmique des plus galvanisants. La cerise sur le gâteau tiendra (comme pour le premier) d’une soundtrack hip-hop signée Metro Boomin totalement inspirée, et là encore à hauteur de personnage.
Spider-Man Across the Spider-Verse : une grande suite
Difficile d’aller plus loin sans en dévoiler de trop, mais vous l’aurez compris : Spider-Man Across the Spider-Verse est une nouvelle grande réussite, confinant au nec plus ultra du comic book movie. Riche, virtuose et vertigineux à plus d’un titre, cette déclaration d’amour à Spider-Man réussit l’exploit d’aller encore plus loin que son prédécesseur à presque tous les niveaux. Moins tenu et autonome que Into the Spider-Verse, cette suite agence néanmoins ses éléments narratifs avec brio (jusqu’à un final hautement excitant) tout en développant avec succès son formidable personnage principal. Reste à voir si tout cela portera vraiment ses fruits avec Beyond the Spider-Verse !
Spider-Man Across the Spider-Verse est sorti au cinéma le 31 mai 2023
avis
Nouvelle prouesse en terme d'animation, Spider-Man Across the Spider-Verse semble être le film de super-héros de tous les superlatifs. D'une audace formelle extrêmement impressionnante en plus d'un maelström visuel totalement unique, cette nouvelle aventure de Miles Morales se veut également touchante à plus d'un titre. Un aspect légèrement frustrant s'en dégage tout de même : on veut la suite maintenant !