Sound of Freedom débarque en France précédé d’autant de polémiques que de billets verts, pour délivrer non pas un thriller sur fond de trafic d’enfants mais une assommante et gênante sanctification de son personnage principal.
Sound of Freedom fut un indiscutable succès au box-office américain, rapportant près de 300 millions de dollars pour un peu moins de 15 millions investis, se payant le luxe de dépasser à sa sortie (et haut la main) Indiana Jones et le Cadran de la destinée. Si nous avons déjà consacré un long article revenant sur les nombreuses polémiques engendrées par le film réalisé par Alejandro Gómez Monteverde, nous ne nous intéresserons ici qu’à l’œuvre cinématographique qui nous a été présentée, distribuée en France par Saje Distribution, se spécialisant dans la diffusion de films à vocation chrétienne, et déjà derrière la diffusion en salles du premier long-métrage du Puy du Fou, Vaincre ou mourir. Sound of Freedom s’inspire ainsi de faits présentés comme réels, et de la vie et de l’œuvre de Tim Ballard, figure polémique, fondateur et PDG de l’Operation Underground Railroad, organisation arguant le sauvetage de milliers de victimes du trafic d’êtres humains.
Porté par le Jésus-Christ de La Passion du Christ signée Mel Gibson, Jim Caviezel, le long-métrage, scénarisé par Alejandro Gómez Monteverde et Rod Barr (qui s’apprêtent à renouveler leur collaboration sur un projet dédié à la Mère Frances Xavier Cabrini, première citoyenne américaine à être canonisée comme sainte par l’Église catholique), s’entend ainsi nous conter l’incroyable histoire vraie d’un ancien agent fédéral américain qui se lance dans une opération de sauvetage au péril de sa vie, pour libérer des centaines d’enfants prisonniers de trafiquants sexuels. Et derrière ses atours de thriller engagé sur un sujet peu abordé au cinéma, à savoir le trafic d’enfants et les réseaux pédo-criminels, Sound of Freedom assène le combat christique d’une figure de sainteté en se servant de son vertigineux sujet comme d’un odieux prétexte.
Jésus-Tim
Tim est donc un policier engagé, dépassé par le manque d’initiatives prises par sa direction envers le trafic d’enfants sur lequel il enquête. Revêtant les traits angéliques de Jim Caviezel, ce dernier quittera donc rapidement ses fonctions pour monter une équipe et tenter de retrouver la jeune sœur d’une victime qu’il a réussi à sauver des griffes d’un pédophile américain. Et à l’inverse de nombre de productions à vocation catholique délivrées par Pure Flix (aux titres plutôt évocateurs tels que Dieu n’est pas mort et Jésus, l’enquête), sacrifiant tout le propos cinématographique en s’axant prioritairement sur son message évangélique, Sound of Freedom bénéficie d’une direction artistique soignée, mais d’un message, cependant toujours présent, qui se fait ici volontiers plus trouble. Superbes mouvements de caméra, photographie léchée, Angel Studios semble ici avoir appris des erreurs techniques passées de ses concurrents, en se vautrant cependant toujours sur le principal.
Parce qu’il y quelque chose d’instantanément dérangeant dans le long-métrage d’Alejandro Gómez Monteverde, qui met en scène avec une égale préciosité le parcours christique de son personnage principal et ceux des enlèvements et abus d’enfants. Sound of Freedom brouille alors rapidement les pistes entre sa vocation de thriller, à la tension et au scénario sacrifiés, et celle de sanctifier la figure de Tim Ballard, sur plus de deux heures, et d’ainsi de donner rapidement l’impression de ne se servir de son sujet que comme d’un prétexte à un assommant et problématique hommage. Parce que rien dans le film ne semble émaner d’un travail précis, jusque dans son carton final, fouillé et argumenté sur le sujet présenté qu’une vision bien plus manichéenne d’un combat entre un soldat de Dieu évertué à protéger ses enfants des forces machiavéliques d’un monde en proie à la perte totale de repères idéologiques et moraux.
Navélluia
Ainsi, il gravite autour de son personnage de demi-Dieu, dont les actions s’avèrent à chaque fois surlignées de cœurs renforçant sa pureté immaculée, des âmes perdues, et des incarnations datées et outrancières (dont celle du pédophile à lunettes) renforçant peu à peu un palpable malaise. Tous ont pêchés, où ne sont que de vulgaires pêcheurs en repentir face au regard azur de ce sauveur blond prêchant la bonne parole, même en distillant quelques blagues, toujours traitées avec un premier degré embarrassant. Parce que Sound of Freedom distille avec force et conviction un nauséeux rapport avec la réalité qu’il s’entend pourtant traiter de front, au mépris de la censure et des bien-pensants : ainsi, rien ne sera volontairement montré de la misère, du trafic de drogue, et des multiples questionnements politiques entourant un tel sujet que le combat simpliste et finalement assez élémentaire d’un envoyé de Dieu.
Le premier degré permanent, ainsi que la volonté affichée et première de s’emparer d’un sujet aussi important que le trafic d’êtres humains en ne s’emparant finalement de cette thématique que comme excuse nauséabonde à une sanctification outrancière pour distiller un message évangéliste appuyé et vomitif confère ainsi à ce Sound of Freedom des airs d’assommant navet. De ceux qui sans aucun honneur, n’hésitent plus à prendre en otage leur spectateur avec des sujets gravissimes pour tenter d’asséner un message non plus à coups de sentencieux sermons, mais d’odieuses mises en scènes de violences sur-esthétisée touchant forcément le cœur en tentant de brouiller sa raison. Il n’en est pourtant rien de ce cri de la liberté, qui tente plutôt et franchement de subordonner son prochain à sa cause et qui aurait très bien pu s’appeler Navéluia.
Sound of Freedom sort le 15 novembre.
Avis
Il y a quelque chose de réellement dérangeant dans Sound of Freedom, bien au-delà des polémiques et de son dieu tout puissant. À savoir le fait de s'emparer d'un sujet aussi grave que le trafic d'être humains pour ne s'en servir que comme excuse d'un message évangéliste aussi appuyé que nauséabond et se servir de ce dernier pour prendre en otage ses spectateurs durant une sanctification de plus de deux heures. Navéluia.