Vaincre ou mourir n’est qu’un moribond tract idéologique vomitif dénué de la moindre idée de cinéma.
Vaincre ou mourir est un drôle de projet. Déjà, lorsque l’on se penche sur le drôle de développement du film de Paul Mignot et Vincent Mottez, produit par Le Puy du Fou, qui fut d’abord envisagé comme un docu-fiction, et dont la participation d’un historien fut soudainement retirée à la demande de ce dernier. Puis, également de son distributeur, Saje distribution, spécialisé dans les films fondés sur la foi chrétienne, genre très plébiscité chez nos voisins américains, et beaucoup moins chez nous, accompagnés de la présence d’un certain Vincent Bolloré, via la production du film par StudioCanal, désormais filiale de la boîte Vivendi. Lorsque l’on connaît la vocation du chef d’entreprise à se servir de ses chaînes pour diffuser une vision de l’actualité teintée d’une idéologie plus que discutable, Vaincre ou mourir s’annonce ainsi, déjà, comme un étrange objet.
Ce qui confirme rapidement cette impression c’est que, malgré la présence d’acteurs confirmés au casting (Hugo Becker, Jean-Hugues Anglade, Gilles Cohen, Rod Paradot), le film de Paul Mignot et Vincent Mottez frôle l’amateurisme. Parce que Vaincre ou mourir n’est ni un véritable film, ni même une docu-fiction : ce n’est rien de tout ça à la fois, certes, mais c’est aussi encore plus problématique. On ne comprend ainsi jamais vraiment la direction du métrage, que celle d’un écoeurant intêret pour un personnage outrancier, carricatural et à la morale plus que douteuse, dont l’envahissante voix-off semble, à la manière d’un prêtre, distiller toute la pensée, en étant ainsi presque conscient que le film ne pouvait compter uniquement sur sa mise en scène pour asséner ce drôle de tract aussi vulgaire que franchement insupportable.
La Charrette avant les yeux
Vaincre ou mourir se concentre donc sur le personnage de François Athanase Charette de La Contrie, jeune marin qui après la Révolution se voit transfiguré en chef de guerre de la lutte vendéenne contre la République de l’époque. Défenseur de la royauté, de la chrétienté, et anti-révolutionnaire, ce dernier est ici filmé comme une figure quasi-christique, dont l’admiration totale des réalisateurs se voit traduite par des dialogues aussi lourds qu’artificiels et de la voix off du héros, omniprésente et éreintante lorsque cette dernière se voit utilisée pour nous décrire une action qui vient pourtant de se dérouler à l’écran. Ne ressemblant jamais à un véritable film de cinéma, Vaincre ou mourir aligne plutôt les vignettes de son histoire fantasmée digne des reconstitutions d’une émission de Stéphane Bern (quant à elle parfois très intéressante), ne saisissant ainsi jamais rien d’autre que les images, dénuées d’émotions, d’un désastre annoncé qui s’étendra sur près de deux heures.
Charette est donc ici plus qu’un héros, en étant la véritable boussole idéologique, scénaristique et pratique de cette déclaration d’amour vomitive. Des paysans sacrifiés, des bienfaits d’une toute nouvelle République, il ne reste rien que la vision d’un fanatique, qui comme dans le Jeanne d’Arc de Luc Besson, se voit de plus assailli de visions toutes aussi finement amenées, où cet insupportable messie y rencontrera son roi de France en la personne de Louis XVII. Si jamais le souffle de l’histoire n’est saisi, tout comme celui du romanesque, ni l’hommage aux nombreuses victimes de cette guerre, une fois de plus inutile, à qui le film est pourtant dédié, les paroles d’historiens présentées en début de film semblent ainsi appuyer la véritable mission idéologique de Vaincre ou mourir : remettre ce personnage plus que discutable au coeur de l’histoire de France, où plutôt de celle fantasmée par ses auteurs.
Tract propagandiste vomitif
Si les films historiques sont ainsi souvent une manière pour leurs auteurs de nous parler de sujets contemporains, (comme le récent Jeanne du Barry et son appropriation discutable par Maïwenn) Vaincre ou mourir s’avère quant à lui vieillot sur toute la ligne : mettre en scène un bourgeois envoyant à la mort nombre de ses congénères paysans par pure idéologie chrétienne et royaliste s’avère être une bien drôle d’idée, encore plus lorsque l’unique regard sur toutes ces atrocités est donné ni plus ni plus qu’à ce même personnage, transfigurant ainsi le film de Paul Mignot et Vincent Mottez en véritable cauchemar filmique et idéologique. De par sa manière de mettre en scène et de raconter, Vaincre ou mourir s’avère ainsi relever du total anachronisme, tel le spectacle de parc à thèmes dont il est adapté et qu’il aurait vraiment dû rester.
On ne sait alors comment ont pu s’embarquer des acteurs de grand talent dans cette galère, surtout lorsque leur présence se fait injustement rare (Francis Renaud, excellent second-rôle révélé par Olivier Marchal), et si la vision déformée de l’histoire des auteurs ne s’est tout simplement pas traduite par une vision toute aussi chancelante du cinéma et de la mise en scène. Ce que l’on sait, par contre, c’est que l’on vous déconseille à tout prix de vous embarquer dans ce naufrage filmique, idéologique et vomitif, qui ressemble plus à un fantasme très droitier plutôt qu’ à une véritable oeuvre de cinéma, dont Vaincre ou mourir n’a finalement, comme son personnage pour l’histoire, la justce sociale et le progrès, visiblement rien compris.
Vaincre ou mourir est disponible en DVD, Blu-ray et VOD.
Avis
Vaincre ou mourir, en plus d'être un drôle d'objet réussissant à la fois la prouesse de n'être ni un docu-fiction ni un véritable film de cinéma, se voit doté de la morale nauséabonde d'un héros grossièrement et inutilement sanctifié, dans un cruel déballage d'amateurisme et d'anachronisme ressemblant plus à un vomitif tract idéologique qu'à une véritable oeuvre de cinéma.