Sound of Freedom, sorti le 7 juillet aux États-Unis, y fait un démarrage record juste en dessous des mastodontes Insidious et Indiana Jones. Retour sur un drôle de projet.
Sound of Freedom se voit précédé d’une drôle de réputation, accentuée par un impressionnant succès au box-office américain. Produit pour moins de 15 millions de dollars par un financement participatif mené par Angel Studios, (notamment déjà derrière The Chosen, série dédiée à Jésus-Christ) le film, réalisé par Alejandro Gomez Monteverde, a déjà rapporté, à l’heure où nous vous écrivons ces lignes, près de 42 millions de dollars, trustant la troisième place du box-office américain, juste derrière des mastodontes comme Insidious : The Red Door et Indiana Jones et le Cadran de la destinée. Le film, porté par Jim Caviezel s’inspire, soi-disant, de l’opération de sauvetage d’enfants menée par le très polémique Tim Ballard, qui a d’ailleurs choisi l’acteur (entre autres) pour son rôle de Jésus-Christ dans La Dernière Tentation du Christ de Mel Gibson, qui s’est d’ailleurs empressé de soutenir le projet, dans une vidéo où l’acteur-réalisateur enjoint les spectateurs à lutter contre le trafic d’enfants en se rendant en salles pour soutenir le film.
En France, le film commence aussi déjà à faire grand bruit, et deux figures complotistes bien de chez nous militent déjà pour la sortie du film, Karl Zéro comme Florian Philippot qui s’est lui aussi empressé de soutenir le métrage dans une vidéo qui explique que ce dernier fait selon lui « paniquer l’oligarchie« . Sur le site d’AlloCiné, et plus particulièrement sur la page dédiée au film, plusieurs internautes remettent déjà en cause la liberté d’expression à l’heure où Sound of Freedom se voit pour l’instant dénué de date de sortie dans les salles européennes. Alors, nous allons revenir point par point sur ce drôle de succès surprise, sur sa supposée histoire vraie, sur le personnage polémique de Tim Ballard, figure inspiratrice du film, qui voit également la star du film Jim Caviezel soutenir ses propos complotistes directement issus du mouvement Qanon.
Une histoire vraie où un délire conspirationniste ?
Sound of Freedom raconte l’histoire d’un agent fédéral (campé par Jim Caviezel) qui, après avoir sauvé un jeune garçon d’impitoyables trafiquants d’enfants, apprend que la sœur du garçon est toujours captive et décide de la sauver aussi. Le film, dont le scénario a été écrit à quatre mains par Rod Barr et Alexandre Gomez Monteverde, s’inspirerait d’une opération menée par Tim Ballard, ancien agent spécial de la sécurité intérieure des États-Unis durant 12 années, ayant fondé en 2013 l’Operation Underground Railroad (O.U.R.), une organisation luttant contre le trafic d’enfants. Mais voilà, si cette dernière explique avoir menée cette opération et avance un certain nombre de sauvetages, une enquête de 2020 rédigée par Vice World News baptisée « Un célèbre groupe anti-trafic sexuel a un problème avec la vérité » énonce un certain nombre d’irrégularités et de déclarations trompeuses faites à ses donateurs, notamment concernant ce prétendu sauvetage.
Mais ce n’est pas tout. Tim Ballard s’est ensuite illustré, soutenu par l’acteur Jim Caviezel en pleine promotion du film, sur des propos polémiques soutenus par QAnon et toute une sphère complotiste concernant l’adrénochrome, à savoir le fait que des élites sataniques d’Hollywood ayant conspiré contre Donald Trump tortureraient des enfants pour boire leur sang. L’acteur avait alors indiqué que Tim Ballard « sauvait les victimes de trafic » qui étaient victimes d’extraction de l’adrénochrome. L’acteur a même suggéré qu’il avait vu des preuves attestant de cette théorie. Il n’en fallait évidemment pas plus pour que certains spectateurs américains voient dans l’annulation de leur réservation pour la séance un complot organisé, et que Disney, possédant les droits de l’histoire d’un scénario écrit depuis 2015 pour une sortie prévue en 2018, et ayant fait traîner la production, incarne le parangon de puissants voulant faire étouffer cette histoire et ainsi faire taire une vérité qui dérange.
Qu’en disent les critiques ?
Alors que Sound of Freedom se voit pour le moment dénué de date de sortie dans nos salles, penchons-nous sur quelques critiques institutionnelles du Pays de l’Oncle Sam. Pêle-mêle, The Guardian y voit « une légère odeur de quelque chose de nocif dans l’air « , tandis que Variety semble n’y voir que du feu d’un film « vendu comme un thriller « conservateur », mais vous n’avez pas besoin de cet état d’esprit pour le trouver convaincant. » C’est cependant pire pour Rolling Stone qui qualifie le film de « thriller teinté de QAnon sur la traite des enfants et conçu pour faire appel à la conscience d’un boomer conspirateur« . Sur Twitter, la ferveur est cependant grande et les soutiens nombreux, et on y trouve aussi de tout, comme des montages de visages stars hollywoodiennes outrées de voir leurs crimes révélés au grand jour grâce à la sortie du film, où d’autres qui s’évertuent à critiquer des journalistes n’ayant pas soutenu le film.
Sound of Freedom est donc bel et bien précédé d’une drôle d’impression bien avant d’arriver jusqu’à nous, et à nos chères salles de cinéma et rappelle ainsi de peu l’odieux Vaincre ou mourir, le film produit par Le Puy du Fou au message rance sur l’histoire d’une France fantasmée, où la royauté et le catholicisme semblaient être des raisons valables pour envoyer à une mort certaine des centaines de milliers de paysans. Ce dernier n’avait cependant finalement pas rencontré nombre de spectateurs en salles, tout comme les diverses productions de films catholiques proposés par le même distributeur, Saje distribution. De là à dire que c’est une fois de plus beaucoup de bruit pour rien, il n’y a donc qu’un pas, et nous nous tiendrons évidemment prêts à voir le film pour le juger à sa juste valeur.
2 commentaires
Drôle d’article sur un sujet aussi sérieux et préoccupant de nos jours !
Encore un article « rance » sur ce film….