Ma Vie Ma gueule est le récit d’une femme qui se cherche. Un long-métrage où la réalisatrice Sophie Fillières apparaît sous les traits d’Agnès Jaoui.
Ma vie Ma gueule résonne étrangement lorsque l’on connaît l’histoire de sa créatrice, Sophie Fillières, décédée il y a peu en juillet 2023 alors qu’elle venait d’en terminer le tournage. Ses enfants Agathe et Adam Bonitzer, avec l’aide de ses proches collaborateurs, ont su prendre le relais sur la post-production afin qu’il puisse aujourd’hui sortir en salles.
Comme si elle avait anticipé sa fin, Ma vie Ma gueule a tout du film testamentaire, une œuvre où l’on sent la fin arriver, où la mort s’insinue dans chaque recoin. Pourtant, il y a aussi cette lueur d’espoir, ce bonheur trouvé dans la découverte et l’acceptation de soi. En dévoilant ce dernier long-métrage, Sophie Fillières offre un portrait d’elle-même sincère et plein de vie derrière le personnage de Barbiche Bichette. Et c’est Agnès Jaoui qui se voit confier ce double-rôle, cette femme de cinquante-cinq ans un peu loufoque, désorientée, et particulièrement attachante.
La Barbie de la vraie vie
Barberie Bichette, que l’on surnomme Barbie, n’a plus grand chose de la poupée Barbie. Barberie Bichette a 55 ans, elle est divorcée et vit seule sur Paris, ses deux enfants prennent rarement de ses nouvelles, elle est pétrifiée par l’idée de la mort, elle se voit vieillir et radoter lors de ses séances de thérapie. Barberie Bichette sombre dans un quotidien où elle n’a plus goût au bonheur, qui se détériore lentement autour d’elle, et elle avec lui.
Sophie Fillières parle avec simplicité, poésie et sensibilité d’une situation que l’on traverse tous un jour. Barberie Bichette incarne ce passage vers un âge qui nous terrifie. Elle se rapproche inexorablement de la mort, à tel point qu’elle croit la voir un jour devant elle, personnifiée dans un homme qui dit être son ami. La réalisatrice pose des questions simples et met en scène des situations de tous les jours, mais elle le fait avec malice, en mêlant absurde, comique et beaucoup, beaucoup, d’autodérision. Parfois, on rit de la situation de Barbie parce qu’elle-même se regarde d’un point de vue extérieur et rit de son sort. Sa franchise est totale, elle ne se dissimule jamais sous de faux airs. Et cette Barbie, Agnès Jaoui la fait resplendir en l’incarnant avec éclat.
PIF / PAF / YOUKOU
Ma vie Ma gueule est un film à la fois doux et violent, un juste mélange entre l’incompréhension et l’acceptation de soi. En s’articulant autour de trois parties – respectivement nommées PIF, PAF et YOUKOU – le récit se centre sur les changements d’états de Barbie. La perte des repères, l’hospitalisation, la reconstruction ; Barbie s’égare et se dissocie pour mieux se retrouver et se comprendre. Son évolution influe sur sa famille – sa soeur (Valérie Donzelli), sa fille Rose (Angelina Woreth) et son fils Junior (Édouard Sulpice) – mais aussi sur ses rencontres – que ce soit cet ami d’enfance, Bertrand (Laurent Capelluto) ou ce chanteur rencontré dans un parc, Philippe Katerine (qui joue son propre rôle).
Barbie est une femme insaisissable qui tente de savoir quelle est sa nature. Elle ne rejette ni l’aide extérieure ni la solitude, elle avance à tâtons, affronte ses moments de doute et son hospitalisation – la partie la plus belle du film, ce moment de bascule entre la folie et la reconstruction.
Ma vie Ma gueule prend son temps, une œuvre singulière offerte en ultime cadeau par Sophie Fillières.
Ma vie Ma gueule est à découvrir au cinéma à partir du 18 septembre 2024.
Avis
Ma vie Ma gueule est l'ultime œuvre de sa réalisatrice, Sophie Fillières. Un long-métrage sur la vie, la vieillesse, l'acceptation de soi. En mêlant absurde et autodérision à une réalité plus violente, Fillières parvient à créer un récit tendre et poétique porté par son actrice, Agnès Jaoui.