Pour son premier long-métrage, la réalisatrice coréenne Lee Solhui ne fait pas dans la douceur. Avec Greenhouse, elle livre un film lugubre qui dépeint le quotidien chaotique d’une aide soignante à domicile. Un regard sombre sur les relations humaines et la vieillesse.
Il ne faut pas attendre longtemps pour que la noirceur de Greenhouse s’exprime à l’écran. Dès la première séquence, on découvre un environnement hostile et isolé. Au milieu de la campagne s’élève ce cabanon recouvert d’une bâche noire, une maison qui se dresse dans un espace qui ne semble pas fait pour l’accueillir. L’image elle-même est funeste, les tons tirent vers le gris et le bleu, les plans sont lents, comme étirés ; une ambiance froide enveloppant tout ce qu’il y a de vivant.
S’ajoute à l’image le son, qui accroît ce sentiment de malaise. Il n’y a aucune musique, seulement quelques éléments sonores, des bruitages qui se détachent dans la nuit. Ils interpellent : d’où viennent-ils ? que sont-ils ? Comme en réponse, la caméra s’infiltre dans ce cabanon qui dévoile une femme seule, assise sur des lattes de bois, en train de s’automutiler. Elle se frappe le visage, des coups désordonnés et précis, des claques qui tapent en plein cœur. Greenhouse débute ainsi, “c’est une entrée en matière assez abrupte” d’après Lee Solhui, “mais c’est une manière d’inviter le spectateur à plonger entièrement dans cette hostilité et accepter ce qui va suivre”.
Une hostilité omniprésente
Une atmosphère inhospitalière s’installe et aucun lieu, aucune personne, ni aucune relation ne saura la renverser. Tel un étau, le récit se referme autour de la protagoniste principale, Moon-jung (Kim Seohyung), qui lutte quotidiennement afin de stabiliser sa vie. Elle évolue dans un environnement qui ne veut pas d’elle : rejetée par son fils et sa mère, par cette femme dont elle s’occupe, elle tâtonne dans le noir pour tenter de se reconstruire.

Moon-jung fait partie de ces personnes qui ne s’écoutent pas et qui subviennent aux besoins des autres. Elle vit pour ce fils qu’elle tente de reconquérir, qu’elle veut pouvoir éduquer en dépit de sa situation précaire. Malgré sa souffrance, elle s’occupe corps et âme de ce couple de personnes âgées, dont le mari est aveugle et la femme atteinte de démence sénile. A travers ce personnage, Lee Solhui dépeint une société meurtrie où le mal-être est omniprésent.
Une vision désespérée de la vie
Greenhouse propose un portrait triste et pathétique de la vieillesse à travers différents personnages, tous dépendants d’une tierce personne. Autour de Moon-jung s’élèvent ces personnes âgées qui ne peuvent plus vivre seules. Telle un poids, la vieillesse s’installe et ne vous lâche plus. Les corps sont meurtris, les esprits se tarissent, l’amour se perd et vivre devient un supplice encore plus grand. Seule la mort pourrait-elle être une libération ?

En parallèle à cette sénilité s’élève une jeunesse qui ne parvient pas non plus à vivre par elle-même. Le personnage de Soon-nam en est le meilleure exemple. Rejetée toute sa vie par ses proches, abandonnée, elle tente de se reconstruire. Pour se faire, elle s’accroche à ceux qu’elle rencontre, envers et contre tout. C’est dans un cercle de parole que les chemins de Moon-jung et Soon-nam se croisent, ce lieu où il est possible dire ce que l’on porte sur le cœur, enfin. Elles développent ainsi une relation ambiguë et obsessionnelle, toxique.
Une pression trop grande ?
Le film de Lee Solhui fonctionne à la manière d’un récipient sous pression, mais la pressurisation est telle que le résultat final devient trop évident. L’explosion est inévitable et on ne le sait que trop. Les évènements qui constituent la montée en tension restent trop prévisibles.

Mais surtout, il y a un trop plein. Bien que Greenhouse retranscrive avec justesse des thématiques sociales et psychologiques diverses, les sujets graves se multiplient de manière trop conséquente. Les malheurs déferlent sur les personnages sans s’arrêter. Entre l’abandon, l’automutilation, la dépression, la démence sénile, la folie, la maladie, les abus sexuels, la mort, on ne sait plus où regarder et se positionner.
Greenhouse se place ainsi dans la lignée des films coréens qui ne cherchent pas à transmettre ne serait-ce qu’un moment de joie. Mais la noirceur du film est portée à un tel paroxysme qu’elle en devient trop étouffante et évidente.
Greenhouse de Lee Solhui arrive au cinéma le 29 mai 2024.
Avis
Greenhouse est le premier long métrage de la réalisatrice coréenne Lee Solhui. Elle nous emmène à la rencontre d'une infirmière à domicile qui lutte pour survivre et récupérer la garde de son fils. Un film sombre qui dépeint de manière lugubre le quotidien d'une femme qui donne tout pour les autres. Peut-être aurait-il fallu faire le choix de moins de thématiques sociales lourdes pour que le film se recentre plus et ne multiplie pas les sujets graves.