Réalisé en très peu de temps, Un hiver à Yanji est le dernier long métrage du réalisateur singapourien Anthony Chen. Un film contemplatif autour d’un trio amical-amoureux égaré en plein cœur d’une ville chinoise gelée : Yanji. Sélectionné pour le prix Un Certain Regard à Cannes, The Breaking Ice (titre international) offre une vision méditative et apaisante d’une jeunesse en pleine désillusion.
La relation que tissent les trois personnages est une métaphore de la glace, un matériau minéral éphémère provenant de la solidification de l’eau, qui peut rapidement reprendre sa forme initiale et ruisseler. Tout comme elle, Nana (Zhou Dongyu), Haofeng (Liu Haoran) et Xiao (Qu Chuxiao) se lient rapidement d’amitié, avant que leur chemin ne se séparent. Un hiver à Yanji retrace ces quelques jours d’union intense. Un moment en suspens où chacun essaye de se (re)trouver.
Anthony Chen pose un regard profond sur ces trois visages – tous fortement reconnus en Chine. Il les montre avec délicatesse, cherchant grâce aux nombreux gros plans à nous faire entrer deux leurs esprits. La caméra est au plus près de ces personnages qui nous apparaissent avec leurs failles. Les mots deviennent secondaires, et on apprend à les connaître en les regardant. Ils sont jeunes mais profondément marqués par leur vie, portés par une tristesse intense qui vient se perdre dans l’immensité de la nature.
L’espace infini de la nature
Anthony Chen prend le temps de filmer la nature environnante. Elle est englobée dans une atmosphère glacée apaisante, une respiration qui permet la reconnexion. Les plans d’ensemble sur le Mont Changbai et le Lac du Paradis sont pure méditation. Ils sont rejoints par des instants oniriques grâce auxquels on accède à une autre réalité. A l’instar de cette scène d’un fleuve gelé où apparaît au milieu des gens, dans une lumière bleutée, une patineuse artistique.
Le rythme calme et lent d’Un Hiver à Yanji se fonde sur cette délectation de la nature. On est entraîné dans cette tranquillité communicative et on se rallie à la connivence des personnages. Anthony Chen livre un film sensoriel où la matérialité de l’écran se dissout. La subtilité de la réalisation nous prend par la main et on en ressent chaque tressaillement.
Une musique originale
La musique composée par le jeune compositeur singapourien Kin Leonn accroît cette transmission des ressentis. Sa douceur entre en communion avec la mise en scène et souligne ces émotions internes qui traversent le trio. Elle tisse une toile invisible entre eux, comme lorsque Xiao joue une chanson à la guitare qui hypnotise ses partenaires. La musique laisse le pas à la matière, comme si la neige enveloppait tout, laissant derrière elle la sérénité.
Anthony Chen a su trouver un équilibre entre ces séquences musicales sereines et d’autres portées par des morceaux technos et électros. Les scènes de soirée aux lumières esthétiques gardent une certaine naturalité et amènent le trio à lâcher prise. Ils quittent l’espace de quelques minutes leur vie et se libèrent, dansant sur les rythmes entrainant des basses.
“Il y a une certaine magie que j’ai découvert à Yanji, et j’ai voulu la saisir dans ce film.” Anthony Chen
Anthony Chen réalise un film résolument tourné vers la jeunesse, au cœur d’une petite ville frontalière entre la Chine et la Corée du Nord. Il s’attache à filmer les traditions chinoises et coréennes : danses, mariage, métiers artisanaux et manuels, etc. Cette ouverture culturelle permet de nourrir les dialogues et accroit le besoin de connexion à l’autre. Un hiver à Yanji se fonde sur la connexité et le désir du réalisateur prend forme. La magie opère !
Un hiver à Yanji sort au cinéma le 22 novembre 2023.
Avis
Un hiver à Yanji, du réalisateur singapourien Anthony Chen, est une ode sensorielle au cœur d'une petite ville frontalière entre la Chine et la Corée du Nord. Un film d'une grande douceur qui nous met au contact de trois jeunes qui se cherchent. Une plongée méditative dans la nature gelée portée par une musique hypnotique.