Des années après Frontière(s) et Hitman, Xavier Gens revient par la grande porte de la sortie en salle avec Farang. Un projet audacieux dans le paysage actuel, où le réalisateur amène tout le bagage accumulé sur Gangs of London pour proposer un film d’action percutant et ultra-violent, porté par un Nassim Lyes des plus investis.
Le cinéma d’action n’est plus réellement ce qu’il était il y a 30 ans, période bénie où les blockbusters US de Schwarzenegger ou Stallone côtoyaient les biseries vénères de JCVD et Steven Seagal, ainsi que les fulgurances Hong-kongaises de Jackie Chan ou Jet Li. Il est donc d’autant plus surprenant de voir Farang débouler en salle, sorte de vestige d’une ère où le cassage de mâchoires et le gore poétique sont contraints à des sorties en VOD.
Bien entendu, le cinéma d’action a connu une petite jouvence cette décennie avec l’arrivée des thaïlandais dans le circuit (The Raid) ou bien l’arrivée sur le devant de la scène d’anciens cascadeurs reconvertis en cinéastes (John Wick, Bullet Train, Tyler Rake..). Difficile pourtant de trouver dans le paysage français du cinéma d’action de qualité, capable de montrer à tout le monde qu’on sait y faire (malgré de la Balle Perdue).
Et pour comprendre d’où vient Farang, il convient de suivre le parcours atypique de Xavier Gens, réalisateur français ayant fait ses armes dans le cinéma de genre bien violent (Frontière(s)), avant de se voir déposséder de son projet d’adaptation d’Hitman. S’en est ainsi suivie une traversée du désert, entre DTV sympathiques (The Divide, Cold Skin) ou comédie oubliable (Budapest). Et pourtant, une mue s’est engendrée avec la série Gangs of London (chapeautée par Gareth Evans).
Farang : une histoire qui s’écrit dans le sang
L’occasion pour Gens de faire ses armes dans les chorégraphies d’action bien percutantes, et de faire connaissance avec une équipe de cascadeurs figurant parmi les plus talentueux qui soient. C’est donc ainsi que Gens ressuscite Farang, à la base projet venant d’un désir de conter l’histoire d’un expatrié se retrouvant en Thaïlande, dans une histoire chargée en violence (très Une Prière dans l’Aube donc).
Car autant le dire tout de suite, Farang a un pitch des plus classiques : Sam (Nassim Lyes) est contraint à l’exil après après une altercation avec d’anciens collègues criminels. 5 ans plus tard, ce dernier vit la belle vie avec sa femme et leur fille, jusqu’au jour où Narong (Olivier Gourmet), le baron local, le charge de faire passer de la marchandise à l’aéroport.
Voyant dans cet acte le moyen d’obtenir leur demeure de rêve, Sam (surnommé « Farang », soit « l’étranger ») va voir son destin cruellement chamboulé, tandis que l’appel de la vengeance va sonner. S’ensuivra donc une longue traque, ponctuée de fracassage de bras, de concassés de crânes, d’égorgement en règle et autres réjouissances pour les fins gourmets que nous sommes !
La résurrection d’un genre
Quelque part entre Bloodsport et The Raid, Farang affiche un canevas et un programme tout à fait attendu, mais avec une réelle sincérité dans toutes ses intentions. Il suffit d’ailleurs d’expérimenter les 40 premières minutes de film, qui à part une rapide altercation dans un chantier ou bien un combat de boxe thai, sont dénuées de toute effusion de sang. Xavier Gens préfère avant tout mettre l’accent sur la dramaturgie en construisant le parcours de son personnage, sa relation familiale et son nouvel environnement.
Un passage qui porte réellement ses fruits lorsque le tragique entre en jeu dans l’histoire, justifiant ensuite les effusions de sang qui jalonneront le récit. Il est d’autant plus incroyable de se dire que Farang a seulement coûté 3 millions d’euros, tant le métrage bénéficie d’un réel soin à tous ses niveaux de fabrication !
Aidé d’une équipe de talents, Gens emballe ses action pieces avec une redoutable efficacité, allié à un découpage et de brefs mouvements de caméras qui renforcent leur viscéralité. On est pas dans l’école du plan-séquence distant, ni dans le sur-découpage, mais l’école asiatique (le coordinateur Jude Poyer ayant bossé avec Jet Li ou encore Jackie Chan). Et niveau salade de poings il y a de quoi se réjouir : éclatage de boîte crânienne à coups de balle de billard, affrontement à l’arme blanche en plein bordel, dispersion de cervelle à l’arme à feu, high-kick dans les côtes…
Malgré le fait qu’on aurait aimé des morceaux de bravoure plus longs, voire même plus variés, Farang sait très bien où il pose les pieds (et c’est souvent dans la gueule pour notre plus beau plaisir). On retiendra particulièrement le climax du film, convoquant à la fois du corridor à la Old Boy et une séquence de boucherie absolue à 1 vs 4 dans une cage d’ascenseur. Bref, le menu est saignant !
La naissance d’un héros d’action
Le savoir-faire en la matière n’a sans doute jamais été aussi bien amené au sein d’un film d’action français, et Nassim Lyes n’y est certainement pas pour rien : ayant pris part à toutes les cascades, ce dernier campe un vrai héros badass autant qu’un personnage que l’on se plait à suivre dans cette odyssée vengeresse. Si Sam méritait peut-être plus d’introspection, on tient néanmoins un héros incarné malgré sa caractérisation-éclair.
D’un scénario de série B, Gens entend donc élever le niveau, n’hésitant pas à faire voyager le spectateur dans des coins qui évitent l’effet « carte postale ». Boîte de nuit, village de pêcheurs pittoresque, la vie nocturne de Bangkok…Farang sait être immersif pour rendre tangible l’ultra-violence qui parcoure les 1h40 de film ! On saluera également le coup de projecteur sur le trafic sexuel de mineures (rapide certes, mais renforçant l’intensité dramatique globale).
Au final, on en ressort galvanisé, avec l’impression que oui, le cinéma français a aussi son mot à dire dans la cour des grands, et que Xavier Gens est aussi un réalisateur de cinéma de genre sur qui on peut compter même lorsqu’on lui laisse le budget nourriture d’une superproduction. Il y a évidemment des éléments qui l’empêchent d’accéder à une stature supérieure (bad guys sous-exploités, terrain de jeu limité par son budget..),mais le résultat a étonnamment fière allure de par l’artisanat mis en œuvre. C’est pour toutes ces raisons que Farang est à ne pas manquer !
Farang sortira au cinéma le 28 juin 2023
avis
Avec Farang, Nassim Lyes s'impose aisément comme un héros d'action comme le cinéma français nous a jamais abreuvé, tandis que Xavier Gens revient par la grande porte pour une série B de qualité. Ultra-violent, soigné en terme de mise en scène et avec une emphase dramaturgique tout à fait bienvenue, le résultat n'est ni plus ni moins qu'une réussite enthousiasmante !