Mon petit grand frère est un seul en scène intime et puissant qui raconte le deuil, l’amour, la résilience.
Mon petit grand frère est l’un de ces moments de théâtre dont on ne ressort pas indemne ; un instant de partage rare et vibrant qui laisse une empreinte indélébile dans le cœur. Un petit bijou.
Miguel-Ange n’a que 2 ans lorsque sa famille est frappée par le plus terrible des drames. Son frère de 5 ans se noie dans un bassin derrière la maison. Il va alors assister, impuissant, au naufrage émotionnel de ses parents, et cheminera du mieux qu’il peut à travers le chaos, jusqu’à retrouver le chemin de la vie.
« Maman est cassée parce qu’elle ne prépare plus qu’un seul goûter, le mien. »
Il était une fois…
Quelques jouets, une mélodie d’enfance, une marelle… Ça commence comme une jolie histoire, celle d’un petit garçon qui nous conte ses souvenirs, son amour pour sa mère de laquelle il ne s’éloigne jamais trop, le bonheur qui était là… mais qui est parti sans se retourner un triste soir de mars.
C’est le récit d’une absence inacceptable, d’un deuil impossible à faire, d’une famille qui vole en éclats et se lacère avec les morceaux. Ce sont des cris, d’assourdissants silences, la présence fantôme du frère disparu et une table éternellement dressée pour 4 dans un foyer devenu « maison-tombeau ». Car l’oubli de l’absent n’est pas envisageable. Celui que l’on oublie, c’est lui, Miguel-Ange, le jour de l’anniversaire de ses 20 ans…
Tout en poésie et délicatesse
L’adulte se met à nu à travers les yeux et la voix de l’enfant qu’il a été. Ainsi, à la manière d’un Romain Gary, avec une profonde sincérité et une tendresse qui vient immédiatement nous étreindre, Miguel-Ange Sarmiento nous immerge totalement dans ce récit qui vient rompre cinquante années d’un silence pesant et douloureux.
Bouleversant, le comédien semble pris dans une véritable transe lorsqu’il supplie le bonheur – qui devient personnage de l’histoire – d’attendre un peu avant de quitter définitivement la maison ; ou quand il décrit la scène du drame comme s’il s’agissait d’un spectacle aux yeux du petit garçon de 2 ans qu’il était alors. La beauté et la poésie du texte, soulignées par la mise en scène évocatrice de Rémi Cotta, permettent de dire l’indicible, de conserver une certaine pudeur aussi.
« Dans notre maison, le sol n’est pas très stable. Souvent, maman titube. »
Un moment de théâtre rare et puissant
On retrouve aussi un petit quelque chose de Roberto Benigni dans cette manière de poétiser l’inacceptable, dans cette tendresse qui vient envelopper le récit du drame, dans cette formidable énergie créatrice devenue son moyen de survivre. Ainsi, nombreuses sont les scènes où l’on a à la fois envie de pleurer et de sourire. Et nous avons d’ailleurs fait les deux. Difficile de faire autrement quand l’émotion du comédien lui-même vient embuer son regard…
Et puis, il y a ces quelques chansons qui sonnent à la fois comme des confidences et comme l’expression d’une vocation à travers laquelle l’enfant devenu adulte a pu renaître. Et c’est aussi ça la force de ce spectacle : tout ce qui s’y passe est juste, sensible et pertinent, jusqu’aux jeux de lumière qui viennent parfaire la mise en scène.
Mon petit grand frère est une leçon de résilience sublimement incarnée, une puissante déclaration d’amour et, au cas où vous ne l’auriez pas compris, un immense coup de cœur.
Mon petit grand frère, de et avec Miguel-Ange Sarmiento, mise en scène de Rémi Cotta, se joue du 16 au 19 mars et du 27 au 30 avril 2022, à 19h, au Théâtre L’Archipel.
[UPDATE 2023] Se joue du 7 au 29 juillet, à 14h, au Théâtre Le Grand Pavois, au Festival d’Avignon.
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Avis
Voilà une pièce qui nous restera dans le cœur et dans la mémoire pour longtemps. Miguel-Ange Sarmiento a choisi le ton juste pour aborder cet évènement dramatique et intime de son histoire familiale. Il parvient ainsi à nous émouvoir profondément sans que jamais l'envie de sourire ne nous quitte.