Jamais plus – It Ends With Us est un carton inespéré au box-office. Pourtant, sous couvert d’aborder les violences conjugales, on vous explique pourquoi cela reste un film fortement problématique.
Personne ne s’attendait vraiment au carton que rencontre Jamais plus – It Ends With Us. Pourtant, après près de 4 semaines d’exploitation (à l’heure où nous écrivons ces lignes), le film porté (et produit) par Blake Lively (qui aura donc trusté le top du box-office estival américain avec deux films en tête avec sa participation au vide et opportuniste Deadpool & Wolverine) a rapporté plus de 130 millions de dollars sur le sol américain (pour 25 millions de budget) et a attiré dans les salles françaises près de 900 000 spectateurs, trônant dans le trio de tête du classement d’entrées hexagonal, s’apprêtant tranquillement à passer le million dans les jours à venir.
Ainsi, même si les raisons d’un tel engouement s’expliquent facilement, du succès du roman de Colleen Hoover dont le film est tiré, ayant été le plus vendu l’année dernière (notamment grâce à son, boom sur TikTok durant l’épidémie de COVID), en passant par sa tête d’affiche, et d’un segment sans grande concurrence (le drame sentimental pensé pour le public féminin), il demeure après son visionnage un certain malaise. Et cette impression se trouve amplifiée par plusieurs polémiques suite à la promotion du film, notamment vendu par son actrice principale comme une comédie romantique, et accusée de glamouriser un sujet grave, alors qu’il aborde de front les violences conjugales, cette dernière ayant même profité du moment pour lancer sa marque de soins capillaires. On revient donc, en ne parlant que du film, et rien que du film, sur ce traitement plus que problématique d’un sujet qui aurait mérité bien plus de sérieux et moins d’opportunisme.
Téléfilm de Noël
Jamais plus – It Ends With Us nous conte donc la nouvelle vie de Lily Bloom (Blake Lively aka Fleur de Lys, donc) à Boston. Parvenant enfin à ouvrir la boutique de fleurs de ses rêves, et après avoir échappé à une enfance compliquée, elle fera bientôt la rencontre d’un neurochirurgien nommé Ryle (Justin Baldoni, également réalisateur), dont le comportement problématique lui rappellera de douloureux souvenirs. Et rapidement, une impression de complète artificialité demeure, car malgré la gravité de son sujet, Justin Baldoni met en scène cette histoire à la façon d’un téléfilm de noël.
Vues aériennes de Boston au fil des saisons, description idyllique de la vie entrepreneuriale (et cette employée devenant meilleure amie en quelques scènes, venant nettoyer un magasin abandonné en robe pailletée, s’il vous plaît), tout dans Jamais plus – It Ends With Us fleure bon le chocolat chaud et le plaid un après-midi d’hiver. Et ce n’est pas ces histoires d’amour résumées en autant de flashbacks instagrammables qui viendront contredire cette impression, surtout lorsque ceux-ci se voient montés et montrés de la même façon que les scènes de violences conjugales. Ce qu’on remarque surtout, c’est la garde-robe et les poses inspirées de Blake Lively, vampirisant à elle seule toute l’essence du projet, le transfigurant en une ridicule autocélébration au mépris de son sujet.
Sujet dramatique pour comédie désespérément romantique
Ainsi, au-delà de son manque totale de réalisme et de cohérence, Jamais plus – It Ends With Us agace rapidement, rappelant la totale déconnexion de son actrice principale vis-à-vis du véritable sujet que traite le film lors de sa promotion. Ainsi, le film rappelle parfois Gossip Girl lorsque les deux personnages principaux se confient lors de leur première rencontre (naturelle, sur un toit d’immeuble), l’un d’entre eux se trouvant pris d’une crise de rire en évoquant le fait que son premier rapport sexuel se soit déroulé avec un sans-abri. Même traitement détaché, suite à un comportement typique de harcèlement, lorsque ce dernier se voit complètement désamorcé par des gros plans sur la plastique, et la superbe tenue de soirée de Blake Lively.
En plus du fait que cette perpétuelle déconnexion se voit, au-delà de la mise en scène inexistante, renforcée par les situations avantagées de personnages mondains, les douleurs, traumas, et autres blessures propres à ce genre de comportements toxiques, passent ainsi comme une lettre à la poste. Le scénario de Christy Hall et Colleen Hoover délaisse ainsi les violences conjugales pour se concentrer sur la destinée d’un personnage principal qui ne se voit uniquement résumée que comme celle d’un choix cornélien entre son amour actuel et celui d’enfance, qu’elle n’a (heureusement) jamais vraiment oublié. On se sent ainsi rapidement très éloigné de ce produit formaté qu’est Jamais plus – It Ends With Us qui ne se sert de son important sujet que comme d’un argument commercial, plutôt que d’un véritable propos, pour délivrer à la star de Gossip Girl un épisode en forme de suite indigeste et problématique totalement déconnectée de son époque mais jamais de l’égo de son actrice.