Amazon vient de diffuser la première saison de Reacher, un actioner bourrin, bien adapté de son roman… mais pourtant pas follement réussi.
Sur les traces d’un fameux bluesman, Jack Reacher arrive à Margrave et se fait arrêter pour meurtre, avant de se mettre sérieusement en colère. Après Jack Ryan, Amazon continue de donner à des personnages éponymes de romans policiers une transposition télévisuelle en adaptant maintenant les aventures du Jack Reacher de Lee Child. Un résultat musclé mais un peu insipide pour une proposition mi-figue mi-raisin.

Créée, produite et showrunnée par Nick Santora, le papa de Scorpion, Breakout Kings ou The Fugitive (même si le bonhomme est surtout connu pour être un des scénaristes des Sopranos), Reacher est donc la dernière-née d’une plume rompue aux thrillers policiers. Pourtant c’est justement là que le bât blesse, alors que le show peine à s’assumer pour ne jamais proposer autre chose qu’un produit convenu et relativement bas du front tout en collant paradoxalement assez bien aux romans originaux. Too bad.
Never go back…
Si Ethan Hunt Tom Cruise offrait une performance aux antipodes du protagoniste éponyme de Lee Child, son approche réfléchie et sa carrure pas forcément menaçante faisaient de cet enquêteur militaire un héros sinon inédit, au moins crédible. Le film de McQuarrie plaçait ainsi une belle intrigue retorse au milieu de cassages de molaires en règles par un Tom Cruise laconique mais convainquant, énervé mais sans en faire trop. Avec Reacher, Amazon décide de coller pile poil à la description physique du bonhomme de Child en castant le géant Alan Ritchson, lequel pose les questions seulement après avoir cassé les tronches. Adieu le mec lambda qui se dissimule dans la foule (comprendre les 1m70 de Tom) et bonjour la montagne repérable comme le nez au milieu de la figure (comprendre les 2m de Alan).
Une carrure monstrueuse qui, comme décrit dans les bouquins, rend quiconque mal à l’aise dès que ce Reacher entre dans une pièce. C’est bien là le problème. Insolent parce qu’il a réponse à tout, ronflant parce qu’il casse la tronche des 15 malfrats patibulaires sans broncher, ce Reacher parait infaillible, blasant, et c’est nous qu’il met mal d’en imposer autant sans qu’on puisse le moins du monde s’identifier à lui. Un effet démultiplié avec des plans en contre-plongée où le géant de Titans roule des mécaniques, prêts à faire exploser son tshirt translucide. Manquaient plus que des travelings circulaires à la Michael Bay et on obtenait un florilège de la déification d’un personnage américanisé jusqu’au bout des ongles. Couillu, costaud, intelligent, patriote, le mec parfait. Sauf que le show s’enterre en tentant de nous faire croire à une intrigue complexe, en se viandant complètement avec un réalisme poussif qui vient tout ficher par terre.

Or la série de Amazon se contente de nous offrir un type à la Schwarzenegger dans la force de l’âge, sans le second degré nécessaire à une production aussi bodybuildée. Ça se prend au sérieux, alternant sans complexe les analyses fulgurantes à la Sherlock avec les coups de boule agressifs comme si de rien n’était. Si deux trois blagues sont néanmoins tentées ici et là, démontrant de l’incohérence d’avoir un personnage aussi inadapté, physiquement ou socialement, ça méritait une rupture de ton un peu comme le fait actuellement Peacemaker de James Gunn. Pas assez sombre ni assez intelligente, la série se contente d’être basique, baraquée certes, mais d’un classicisme désarçonnant.
Du coup oui, l’intrigue est cousue de fil blanc. Même si Killing Floor est très bien adapté, on pige les tenants et les aboutissants de cette enquête facile vers le 2e épisode et on trouve donc le rythme trop étiré pour être pleinement savouré. Cependant, nous n’avons pas boudé notre plaisir devant des moments d’une violence assez rare pour une série contemporaine. Quand Ritchson cogne, et il le fait bien, ça fait mal. La brutalité du géant est particulièrement bien mise en avant, son corps anormalement musclé occupant tout l’écran empêchant ainsi une quelconque fuite à ses opposants, coincés dans un cadre dynamique et pleinement jouissif. Véritable nerf de ce Reacher, l’action y est lisible, graphique et si elle pouvait parfois être évitée par une ligne ou deux de dialogue, elle fait un bien fou dans la mesure où l’on replonge, un peu coupable, dans cet esprit régressif des films des années 80, où le marcel et l’uppercut étaient rois.
Dommage que Reacher lui ne s’assume justement pas pleinement, préférant rester sagement dans l’ombre d’une intrigue molassonne sans jamais nous offrir un côté un peu méta qui aurait plutôt sied au personnage monstrueux joué par Ritchson. Espérons que la saison 2 corrigera certains de ces problèmes… musclés.