Montre jamais ça à personne aurait pu n’être qu’un simple outil promotionnel préparant la sortie d’un nouvel album. Heureusement, il est beaucoup plus que cela.
Montre jamais ça à personne est un document rare et précieux. Peu en effet sont les artistes actuels à s’être créée avec beaucoup de difficulté une place dans le paysage musical actuel avec autant d’extraits vidéos qui, en contant leur histoire personnelle, reviennent sur toute l’histoire musicale d’un pays et d’une génération. Le document, riche et exceptionnel de Clément Cotentin, frère d’OrelSan, est ainsi, au-delà d’un documentaire sur ce dernier, la radiographie de toute une époque et d’une génération, rejoignant ainsi brillamment l’œuvre de son rappeur de frère.
Perdu d’avance
Peu en effet sont les artistes à être partis avec autant de boulets qu’OrelSan. Loin de la capitale, de la tendance du rap hardcore de l’époque, et n’étant qu’un petit gringalet blanc parlant de sexe d’une manière très crue et de pop culture, rien n’était joué pour l’artiste dont on découvre les failles d’un personnage bien plus complexe qu’il n’y paraît. Bénéficiant des interventions de tous ceux qui ont croisé sa route, Montre jamais ça à personne convoque ainsi l’excellente série Spaced d’Edgar Wright avec Simon Pegg dans sa description d’une bande de jeunes gens perdus ayant peu confiance en leur talent.
Les documents comme les interventions sont ainsi tout bonnement exceptionnels. On y observe ainsi les doutes de toute une famille, de l’observation émue de parents inquiets pour leur progéniture découvrant un homme qu’ils ne soupçonnaient pas, comme de toute une bande d’amis aux caractères bien définis s’apportant mutuellement l’un l’autre jusqu’à une consécration totale et inattendue. Parce que Montre jamais ça à personne ne cache quasiment rien des moments d’errance et de doute qui jalonnent la vie d’un artiste. En tirant en plus un instantané de toute une époque, et d’une génération.
C’est eux le futur
Parce qu’on y aperçoit pêle-mêle, Laurent Bouneau, directeur de Skyrock, Oxmo Puccino, Booba, Diam’s, La Fouine et Sefyu et IAM qui témoignent d’une époque où le rap était encore une musique mal perçue et peu écoutée, cédant alors sa place à une variété française vieillissante et à bout de souffle. On y suit ainsi avec énormément d’intérêt le caractère si mystérieux et indomptable du succès, de son côté aussi enivrant qu’excessif, jusqu’à ses travers les plus pernicieux, faits de sales buzz et de lynchage médiatique. OrelSan n’y est jamais figuré en héros, mais comme une figure opaque qui mue, se forme et se déforme au gré de son art et de ses évolutions.
Récit initiatique, quête désespérée et insondable du succès, portrait d’une époque et portrait en creux d’un homme que le succès a permis de s’ouvrir au monde et à lui-même, des galères jusqu’aux excès, pour devenir un homme et un artiste meilleurs, Montre jamais ça à personne réussit ainsi l’exploit d’être tout ça à la fois. La série rejoint aussi directement toute l’œuvre d’OrelSan qui, dans un de ses derniers titres, déclarait « Les choses que j’ose dire à personne, sont les mêmes qui remplissent des salles« . On est ainsi très loin des documentaires autocentrés et redondants, lisses et uniquement proposés dans un but promotionnel, délivrés par nombre d’artistes, et à la pelle.
Fidèle à l’artiste et à sa qualité d’introspection fédératrice nous rappelant à tous la personne que l’on était et celle que l’on veut devenir, Montre jamais ça à personne se fait un document liant l’intime au générationnel, aussi indispensable que précieux de modestie et de sincérité.
Montre jamais ça à personne est disponible sur Amazon Prime Video.
Avis
Montre jamais ça à personne transcende son exercice en étant à la fois un récit initiatique, une quête désespérée et insondable du succès, la radiographie d'une époque et portrait en creux d'un homme que le succès a permis de s'ouvrir au monde et à lui-même, des galères jusqu'aux excès, pour devenir un homme et un artiste meilleurs. Autant de choses qui éloignent la série de Clément Cotentin du document promotionnel pour se muer en un témoignage précieux, rare et exceptionnel.