Nicolas Bedos revient avec Mascarade, présenté initialement au Festival de Cannes en Hors Compétition. Porté par un superbe quatuor d’acteurs, cette comédie dramatique des plus acides s’impose comme un des meilleurs films français de l’année.
Après le crochet OSS 117, Nicolas Bedos revient avec Mascarade, un projet 100% original qu’il a en tête depuis quelques années. En effet, l’auteur de Monsieur & Madame Adelman et La belle époque décide de nouveau de traiter les relations amoureuses, mais cette fois sous un prisme bien plus acidulé et pervers !
Mascarade nous présente donc Adrien (Pierre Niney), ex-danseur aux perspectives de carrière brisées, désormais compagnon de Martha (Isabelle Adjani). Cet actrice de renom, partageant son temps entre les soirées mondaines dans sa luxueuse villa et les tentatives de renouer avec sa carrière d’antan, met la pression sur son poulain pour écrire sa biographie.
C’est à cet instant qu’Adrien fera le rencontre de Margot (Marine Vacth), une arnaqueuse aussi belle qu’imprévisible. Alors qu’ils se rapprochent dangereusement, les deux jeunes amoureux vont mettre au point un plan machiavélique, impliquant un riche entrepreneur immobilier du nom de Simon (François Cluzet). Bien sûr, le stratagème ne se déroulera pas comme sur des roulettes,
Mascarade ou l’appel du vice
Avec Mascarade, Bedos troque le romantisme doux-amer de ses précédentes réalisations pour une comédie dramatique bien méchante à l’humour caustique. En prenant pour cadre la Côte d’Azur et les environs Niçois (milieu qu’il connaît bien selon ses propres termes), le réalisateur affiche un univers cinégénique où le vice et l’avarice côtoient les paillettes et le luxe.
Loin d’en faire une critique acerbe des riches ou de la Jet set du milieu du spectacle (le film n’a pas vraiment cette vocation et n’affiche aucun manichéisme ou aspect binaire), Mascarade se veut avant tout un film d’arnaque, où de jeunes protagonistes cassés par la vie décident d’entourlouper d’autres individus également hantés par leurs propres cicatrices.
De ce postulat de base directement hérité d’un certain cinéma américain des 70’s-90’s, Nicolas Bedos se fait on ne peut plus plaisir dans un élan misanthrope curieusement jubilatoire, sans toutefois asséner de beaux discours pontifiants (le spectateur reste toujours maître du regard porté envers ces personnages). Cette réussite, on la doit à l’écriture du film : non pas dans son intrigue qui a forcément des tournures narratives investies des codes du genre, mais dans la manière d’interconnecter les divers arcs du récit (qui se révèle habile et fluide) tout en dressant des portraits truculents tout en nuances de gris.
Une belle brochette de pourris
Il faut donc saluer le quatuor d’acteurs principaux, tous impeccables. Isabelle Adjani fait un retour plein de panache sur le devant de la scène en femme oisive et obsédée par sa gloire passée ou bien le regard des gens. Pierre Niney s’impose encore une fois comme un des meilleurs acteurs du paysage français actuel, dans un rôle de gigolo aveuglé par l’appât du gain (tout en convoquant une empathie surprenante de par son trauma initial) et à contre-courant de ses précédentes performances.
Dans cet univers pourri jusqu’à la moelle, François Cluzet tire son épingle du jeu en personnage empli de douceur et de sincérité, mais qui sera piégé par la vraie performance de Mascarade, à savoir celle de Marine Vacth ! En effet, si le reste de la distribution offre un acting solide (dont Emmanuelle Devos et Laura Morante) , l’actrice crève l’écran dans un fascinant portrait de femme à la frontière de la folie, tout en ayant une humanité et une faiblesse enfouies au plus profond d’un cœur désormais sellé sous clé.
Alors que le réalisateur cite Sharon Stone dans Casino comme une de ses références, force est de constater que derrière une représentation où tout le monde en prend pour son grade, Nicolas Bedos amène un certain esprit de sororité dans ce récit où la femme maltraitée par le regard masculin reprend le pouvoir sur son image et sa condition. Et pour cela, le réalisateur nous gratifie avec Mascarade d’une réelle envie de cinéma, qui parcourt chaque département de fabrication du métrage.
Bel écrin de cinéma
Ayant tourné son film en pellicule, Bedos livre un vrai travail de mise en scène : ciselée et inspirée, Mascarade transpire la sophistication avec un vrai savoir-faire, allié à un montage carré pour une clarté narrative à toute épreuve (quitte à être légèrement sur-explicatif en introduction). On retiendra une séquence de théâtre gouvernée par un traveling latéral et un jeu de focus sur les divers personnages alors en présence !
Au final, Mascarade a beau avoir un point de départ relativement classique, il parvient à emporter l’adhésion de par son simple goût de cinéma ! Une fabrication exemplaire, un script malin (et avec de l’humour malgré la peinture désenchantée de son milieu), des acteurs de talent… c’est une nouvelle réussite de Nicolas Bedos qui s’inscrit comme un nouvel artisan de talent pour le cinéma français !
Mascarade est sorti au cinéma le 1er novembre 2022
avis
Avec Mascarade, Nicolas Bedos accouche d'un film vénéneux et à la tonalité bien acidulée qui pourrait diviser. Mais de par son envie de cinéma constante, sa fabrication exemplaire et ses personnages bien croqués (en plus d'être très bien interprétés), ce nouveau long-métrage s'inscrit aisément comme un des plus réjouissants du paysage hexagonal cette année !