Don’t Worry Darling débarque enfin en salles, après sa présentation à la Mostra de Venise. Second film d’Olivia Wilde après Booksmart, ce film original nous présente Florence Pugh (Midsommar) et Harry Styles (Dunkerque) en couple parfait, dans une étrange bourgade américaine des années 50.
Olivia Wilde semble avoir laissé de côté sa carrière d’actrice (après des rôles plus ou moins réussis allant de Tron Legacy à la série Vinyl en passant par Rush ou Her), pour celle de réalisatrice prometteuse. En effet, après le très sympathique Booksmart, la voilà de retour avec Don’t Worry Darling. Prenant place dans une petite bourgade californienne des années 50, nous découvrons Alice (Florence Pugh), une femme au foyer qui a (en apparence) tout pour être heureuse.
Cette communauté, faisant partie d’un mystérieux projet nommé Victory, est dirigée par le non-moins énigmatique Frank (Chris Pine), prônant un monde meilleur. Alors que son mari aimant Jack (Harry Styles) part travailler chaque jour pour le projet expérimental de Victory, Alice va peu à peu remettre en question la nature de cette vie idyllique. Dès lors que sa voisine Margaret (Kiki Layne) va vouloir mettre fin à ses jours, Alice va tout pour faire pour découvrir la vérité derrière Victory.
This a Man’s World
Ce qui marque d’entrée de jeu avec Don’t Worry Darling, c’est son envie de cinéma à chaque scène. Via une mise en scène des plus carrées, une photographie solaire de Matthew Libatique (Black Swan, A Star is Born) émulant le Technicolor d’antan ou encore une belle reconstitution d’époque pour créer ce patelin utopique. En recréant cette vision désormais fantasmée d’une société patriarcale, Olivia Wilde questionne assez immédiatement les mœurs d’antan, la place de la femme (au foyer, aux fourneaux, à faire du shopping, etc) ou encore les dérives du communautarisme.
Des questionnements qui paraissent évidents dès la mise en bouche du film, alors que les divers maris partent tout fringants à l’unisson chaque matin dans leur voiture flambant neuve, tandis que leurs épouses s’en vont flâner ou s’occuper des enfants. Néanmoins, Wilde a le mérite de ne pas surligner ni alourdir son propos (la simple vision d’une femme à moitié nue dans une coupe géante pour amuser la galerie parle d’elle-même), laissant le contexte parler de lui-même.
Alors que Don’t Worry Darling se veut de plus en plus intriguant (et plutôt prenant), via un montage réussi ou l’irruption de l’étrange tendance Twilight Zone (un crash d’avion, une baie vitrée suffocante, des hallucinations de plus en plus prégnantes…), la machine commence cependant à tourner en circuit fermé en recyclant ses effets. Avant les 20 dernières minutes du métrage, il faudra se contenter du voyage (plaisant) et des divers questionnements (stimulants) dispersés, alors que l’intrigue verse dans le sur-place.
Une tare compensée là encore par la fabrication du métrage, ainsi que par une composition musicale de John Powell (La Mémoire dans la Peau, Dragons, Solo – A Star Wars Story) des plus inspirées, proposant une nappe ambiante lancinante qui renforce la nature étrange de l’environnement. Mais si il y a bien une force à Don’t Worry Darling, c’est bien entendu la fantastique performance de Florence Pugh (The Young Lady, Midsommar, The Little Drummer Girl) !
Don’t Worry Miss Flo
Depuis quelques années on y est habitué, mais Don’t Worry Darling est encore une fois la preuve que Florence Pugh est sans doute la meilleure actrice de sa génération. Parvenant à transmettre tout un spectre émotionnel nuancé, Florence fait d’Alice un protagoniste immédiatement attachant et proactif. Emplie de justesse dans son jeu, elle parvient à éclipser tout le reste de la distribution : Harry Styles (Dunkerque) fait convenablement le job, Gemma Chan (Eternals) campe une matriarche froide convaincante (bien que sous-exploitée), Olivia Wilde (qui a un petit rôle dans son film oui) nous offre un second rôle faisant office de contre-poids, tandis que Chris Pine (Wonder Woman, Outlaw King, Comancheria) insuffle suffisamment de charisme à son personnage, malgré une caractérisation employant toutes les phrases clichées de gourou.
Ce qui nous mène donc aux limites de Don’t Worry Darling, cristallisées dans ses révélations finales. Comme pour tout « film de matrice » (Matrix, The Truman Show, Dark City…), le voyage vers les réponses peut être entaché si les réponses ne sont pas à la hauteur. Ici, la résolution se fait relativement facilement, comme si Olivia Wilde n’avait rien de plus à offrir en terme d’intrigue une fois les clés du mystère dévoilées. De plus, les dessous de l’envers du décor sont finalement que peu exploités, avec la nécessité d’une certaine suspension d’incrédulité sur la viabilité du projet de Victory (projet dont on ne connaître finalement jamais les rouages ou réelles motivations).
Don’t Worry Darling, ce n’est pas la destination qui compte
Au final, Don’t Worry Darling a quelques scories scénaristiques qui entachent un tantinet l’expérience globale, associé à un récit qui gagnait à être plus resserré. Un constat dommageable, tant il y avait à faire avec son postulat de base, hérité du fameux The Stepford Wives (roman célèbre plaçant son héroïne dans une bourgade pavillonnaire similaire peuplée de femmes au foyer robotiques). Heureusement, le métrage se suit sans déplaisir, grâce à sa formidable actrice principale, une direction artistique chiadée, une réalisation de qualité et plusieurs idées de mise en scène qui font diablement plaisir dans une production originale de cet acabit.
Don’t Worry Darling est sorti au cinéma le 21 septembre 2022
avis
Si sa dimension romantique ou ses révélations finales méritaient un traitement plus approfondi, Don't Worry Darling demeure une chouette proposition dans le genre du thriller psychologique. Certes, ses ressorts narratifs n'ont absolument rien de neuf, mais Olivia Wilde investit son film d'une réelle envie de cinéma, d'idées de mise en scène, et d'une fabrication au service de sa superbe actrice principale. Pas trop mal donc !