L’odeur de la guerre est un seule en scène intime qui raconte l’histoire d’une jeune femme se réappropriant son corps par la boxe.
L’odeur de la guerre est la deuxième création de Julie Duval, et son premier seule en scène. C’est le récit d’une construction, d’une rencontre avec soi que nous livre la comédienne, auteure et boxeuse.
Il y a des spectacles qui nous attrapent directement par les émotions et se font une place à part dans nos souvenirs, comme Oublie-moi ou Mon visage d’insomnie. Il y a ceux qui nous déçoivent et que nous laisserons sombrer dans l’oubli en leur souhaitant de trouver leur public.
Et il y a ceux, à l’instar de Belles de scène, qui nous laissent avec un tout autre sentiment : la frustration. Ceux-là sont généralement sujets à de longs débats car leur potentiel est plus qu’évident, mais pas suffisamment exploité à notre goût. Et vous l’aurez compris, c’est dans cette troisième catégorie qu’est venu se classer ce seule en scène qui aurait pourtant eu de quoi… mais qui n’est pas parvenu à nous mettre KO.
Un indiscutable talent
Lumière rouge, odeur de camphre, sac de boxe : l’immersion est immédiate. La boxeuse se prépare en silence. Avec son corps athlétique, sa voix puissante et ce caractère à la fois volcanique et sensible que l’on devine, Julie Duval dégage une présence qui la rend hypnotique. La grande force de ce spectacle, c’est elle très clairement. Et sa place sur scène est aussi indiscutable que son talent. C’est d’ailleurs quand elle ne s’abrite derrière aucun personnage qu’on la préfère.
Ce qu’elle nous raconte lui tient à cœur, c’est son combat. Cela se sent et la rend un peu attachante encore. C’est l’histoire de Jeanne inspirée de celle de Julie, de son enfance à l’âge adulte. L’histoire d’une famille emmaillotée dans les conditionnements du patriarcat, qui ne parvient pas à communiquer ; celle d’une jeune femme qui se débat peu à peu avec les attentes sociétales, non sans prendre de coups… ; et aussi celle d’un corps conditionné pour encaisser, se taire, subir. Jusqu’au jour où.
Un message qui se perd dans les clichés
Elle incarne les différents personnages du récit avec beaucoup de générosité et une dose d’humour, même si on les aurait préférés un peu moins caricaturés, plus subtils. Oui, on aurait préféré que tous les personnages féminins – à l’exception de la coach de boxe – ne passent pas leur temps à s’entortiller les cheveux et que les personnages masculins ne soient pas tous des machos ou des prédateurs en puissance.
Car cela fait perdre au propos de sa puissance et de sa crédibilité. Et c’est d’ailleurs ça le principal problème de ce seule-en scène. Le message que souhaite passer Julie Duval est fort et nécessaire, et elle a les moyens de brillamment le défendre. Mais ce message est finalement à peine audible. Le récit inutilement long de certains moments de vie assez banals et l’interprétation exubérante des personnages viennent masquer ce qui aurait dû se jouer au premier plan.
L’odeur de la guerre, un goût d’inachevé
Ainsi, on attend le moment où les choses vont basculer, l’explosion, l’uppercut. On guette l’instant où ses poings vont enfin frapper ce sac de boxe et libérer tout ce qui a besoin de l’être. On a même hâte d’y être car on sait déjà que ce moment sera libérateur pour elle, mais aussi pour nous. Que c’est là que la comédienne viendra probablement nous bouleverser…
Sauf que ce moment ne vient pas… En effet, ce n’est qu’à quelques minutes de la fin qu’elle se dirige enfin vers le sac pour une séance d’entraînement qui tient l’émotion à distance. Quel dommage ! Car si elle nous explique après les applaudissements comment la boxe permet de se reconnecter à son corps et de se libérer des émotions qui pèsent lourd, on aurait préféré le ressentir pendant le spectacle. On aurait voulu nous en relever un peu sonnés.
Julie Duval est une comédienne prometteuse, tout comme ce spectacle que nous aurions vraiment aimé adorer. Et nous ne manquerons pas de suivre l’évolution, de l’une comme de l’autre.
L’odeur de la guerre, de et avec Julie Duval, mise en scène Juliette Bayi, se joue à La Scala Provence, du 07 au 30 juillet, à 21h (relâche le lundi).
[UPDATE 2024] : Se joue du 23 décembre 2023 au 30 mars 2024 à La Scala Paris.
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Avis
L'odeur de la guerre nous parle du rapport au corps, de la relation à soi et des conditionnements qui emprisonnent. Cette petite fille qui voulait devenir guerrière le deviendra finalement, d'une certaine manière. Pour reconquérir son corps et tracer sa propre route, la boxe sera son arme.