Le top cinéma de Quentin
The Last Duel de Ridley Scott
Injustement boudé au détriment de son très passable House of Gucci, Le Dernier Duel voit le géant Ridley Scott revenir à ses premières amours, presque cinquante années après Les Duellistes, son tout premier long-métrage. Pour une relecture contemporaine aussi intelligente que palpitante. On ne saisit ainsi la puissance du long-métrage de Ridley Scott qu’au détour du regard féminin, ici porté en vérité, pour nous conter les maux d’un monde où la violence d’un viol prend une résonnance encore plus forte que celle d’un duel d’égo entre deux hommes dévorés par le pouvoir. L’intelligence du scénario allié à la brillante mise en scène de Ridley Scott et les interprétations impériales de ses acteurs font ainsi de ce Dernier Duel le premier grand film post #MeToo, où la puissance du regard féminin peut enfin mener la dragée haute à un pouvoir masculin à bout de souffle.
Annette de Léos Carax
Annette n’est que le sixième long métrage de Leos Carax en près de 40 années de carrière. Personnage à l’univers à part, son apparente discrétion et son mystère contrastent avec la fougue de ces propositions cinématographiques. C’est entouré des Sparks au scénario que l’univers de Leos Carax se teinte de réel, en convoquant sur les notes d’une comédie musicale une œuvre bien plus personnelle qu’il n’y parait. Parce que si pour la première fois en 40 années le cinéaste ne signe pas le scénario, ce dernier parle d’une époque et de sa place d’artiste de la plus brillante des manières.
De l’abus de pouvoir à la marchandisation en passant par la provocation, tout ce que porte Annette en fait un morceau d’une époque à lui tout seul, ballet aussi somptueux que monstrueux sur un art offert en pâture pour enrichir les plus monstrueux individus. Même si les personnages les émotions semblent laissées de côté, la performance est vaste, et le message fort. Jusque dans ses dernières minutes. Et Annette se trouve être un sacré morceau de cinéma, et une œuvre à part où l’art cohabite enfin avec le monstrueux de la plus splendide des façons.
L’Origine du Monde de Laurent Lafitte
L’Origine du Monde est le premier long-métrage de Laurent Lafitte, dont la plume mordante et l’humour caustique ne pouvaient trouver meilleur écrin que la pièce de Sébastien Thiéry. Cette première tentative aurait ainsi pu tomber dans le piège du théâtre filmé en huis clos égratignant la bourgeoisie, écrasé par des modèles aussi intimidants du duo Jaoui-Bacri (Un Air de Famille, Cuisine et dépendances) où du récent Le Prénom du duo Alexandre De la Patellière et Mathieu Delaporte. Pourtant, dès son introduction millimétrée où l’acteur et principal protagoniste sort de son luxueux appartement pour une balade nocturne, l’inventivité et l’efficacité comique bénéficient d’une liberté des plus totale. Parce que L’Origine du Monde, sans trop en montrer dans ses premières et très efficaces bandes annonces, en a véritablement dans le ventre.
Le premier film de Laurent Lafitte paraît ainsi être, malgré ses airs d’enfermement dans le ventre d’une mère, dans une vie trop étriquée, où dans le contexte d’une épidémie sanitaire, un véritable bol d’air frais, aussi salvateur que complètement réjouissant. Si l’on pardonnera volontiers à ce premier essai une conclusion abrupte, c’est au nom de son humour ravageur lâché sans aucune restrictions. Et ça, ça fait du bien.
Le flop cinéma de Quentin
OSS 117: Alerte Rouge en Afrique Noire de Nicolas Bedos
Si le retour d’Hubert Bonnisseur de la Bath au cinéma était attendu, la déception n’en fut que plus grande d’auteurs dont la méconnaissance du sel des deux premiers opus signés Michel Hazanvicius conjurait un idiot en héros. Parce que Nicolas Bedos, pourtant accompagné de Jean-François Halin au scénario, déjà à l’œuvre sur les deux précédentes aventures d’OSS 117 et auteur de la géniale série Au service de la France, signent un troisième film ringard qui se veut à rebours de l’époque en traitant son héros avec une franche roublardise qui tente de renouer avec la superbe d’antan sans la moindre prise de risques. En se frottant directement à James Bond, OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire y perd ainsi en classe, intelligence et élégance et ne demeure qu’un pâle reflet de son glorieux passé, condamné à répéter sans aucun sens des traits d’un personnage désormais définitivement englué dans le passé.
L’Homme de la cave de Philippe Le Guay
L’Homme de la cave s’empare du sujet brûlant du négationnisme pour en livrer un navet daté et poussif, aussi invraisemblable que mal écrit et interprété. Seul François Cluzet, sûrement le seul inconscient de s’être embarqué dans une galère, instille parfaitement le trouble propre à un tel personnage, et ce même dans un final ahurissant de bêtise. L’Homme de la cave n’est ainsi qu’une démonstration ratée d’un réalisateur qui s’aventure sur les terres d’un genre qu’il ne maîtrise pas, d’un sujet qui le dépasse complètement et qui préfère donc s’accrocher à un déluge de clichés pour tenter de garder la face. Le danger de ses théories, du poison qu’elles répandent au sein de notre société contemporaine, rien ne restera sinon une balourde histoire de colocation compliquée où la bêtise aura hélas carte blanche.
Old de M. Night Shyamalan
En s’emparant du sublime roman graphique Château de sable de Frederik Peeters et Pierre-Oscar Lévy, M. Night Shyamalan semblait s’assurer d’un synopsis alléchant et d’un nouveau terrain de jeux pour un cinéaste dont le retour vers la trilogie Incassable s’était avéré plus fragile que prévu. Malheureusement, il n’en est jamais rien qu’un immense gâchis, de talents comme de l’aveu de faiblesse d’un cinéaste qui n’a plus rien à dire que de se tourner vers son glorieux passé pour tenter de nous refaire le coup du twist à tout prix, surtout au niveau de la qualité. Circulez, il n’y (vraiment) plus rien à voir.