House of Gucci, s’il atteste de la forme olympique de Ridley Scott, contredit en tout point son superbe Le Dernier Duel dans un déluge de vide aussi vain que paresseux.
Avec House of Gucci, les films se suivent mais ne se ressemblent pas pour Ridley Scott, 83 ans et deux longs-métrages au compteur cette même année. Le metteur en scène, après une dernière décennie artistiquement et financièrement douloureuse avec les échecs consécutifs de Cartel, Exodus : Gods and Kings et Tout l’argent du monde proposait cette année un épatant retour avec Le Dernier Duel, malgré son (incompréhensible) flop au box-office. House of Gucci se proposait alors comme son pendant clinquant au détour du portrait d’une autre femme dans un monde d’hommes à bout de souffle, Patrizia Reggiani, future ex-femme de Maurizio Gucci, qui aura commandité son assassinat. Malheureusement, le metteur en scène se trouve bien à la peine pour instiller le moindre souffle à cette fatigante démonstration de vide.
Luxe et pacotille
House of Gucci met ainsi en scène un empire Gucci à bout de souffle, comme le monde des chevaliers du Dernier Duel. L’âpreté de l’époque médiévale est ici mutée en une clinquante et luxueuse reconstitution des années 70, où s’aiment et se déchirent le couple Gucci-Reggiani respectivement campé par Adam Driver et Lady Gaga. Malheureusement, si les prestations d’Adam Driver, passant ici des amants toxiques précédemment vus dans Le Dernier Duel et Annette à celle d’un jeune homme maladroit épatent toujours, celle de Lady Gaga ne fait malheureusement pas le poids. Parce que l’actrice affirme de par sa fade composition le manque d’élan du long-métrage de Ridley Scott, ici visiblement anesthésié par un scénario en pilote automatique.
Une suite de titres en forme de best-of des années 70 délivrée sans la moindre imagination, une lumière sombre de Dariusz Wolski qui sublimait Le Dernier Duel mais qui rend ici terne le moindre décor de ce House of Gucci, et une impression constante de vacuité, délivrent ici son histoire sans la moindre fougue. Le vingt-septième film de Ridley Scott semble ainsi rejoindre les plus oubliables efforts du réalisateur tant sa mise en scène semble désincarnée et atone, conférant ainsi à ce House of Gucci des airs de soap-opera kitsch et désincarné. Al Pacino, Jared Leto et Jeremy Irons étouffent ainsi dans ce vrai-faux tableau d’un monde masculin à bout de souffle transfiguré en théâtre de du vide.
Dénué de Gucci
House of Gucci inflige ainsi ses 2h37 d’une histoire de vengeance sociale sans véritable élan ni inspiration. Une impression d’éternité pour une trajectoire ultra-attendue, vue mille fois et en mieux ailleurs pour un long-métrage qui échoue ainsi à peu près sur tous les tableaux. On pense ainsi à la fadeur de Tout l’argent du monde et du casting impérial malheureusement sous-exploité de Cartel pour ce House of Gucci qui s’avère n’être qu’un rendez-vous raté d’un cinéaste dont le manque total d’intérêt pour son histoire et ses personnages se ressent douloureusement. Des incarnations de monstres cupides transfigurés en de sinistres idiots égocentriques, et un monde de mode et de luxe qui sonne ainsi définitivement creux.
Prix au piège de son sujet et tombant dans ses pires travers, Ridley Scott signe ainsi avec House of Gucci une éreintante parenthèse artificielle où les trahisons et coups bas convoquent plus un fade soap-opéra qu’une luxueuse œuvre sur le déterminisme social dans un monde assombri par le pouvoir masculin et l’argent. Une impression d’un objet en toc convoquant ainsi plus les contrefaçons bas de gamme de la célèbre firme que ses prestigieuses créations.