Une journée froide en enfer nous plonge dans le face à face poignant d’un homme face à lui-même, caméra au poing.
Une journée froide en enfer est une pièce contemporaine américaine qui nous met face au désespoir le plus profond d’un homme dont la vie bascule. Un moment intense et poignant.
« Ce que j’ai envie de vous dire sur les beaux jours et le bonheur… »
L’Arménie à l’honneur
Une journée froide en enfer, dans le titre, ça ne présageait rien de léger ni de très optimiste. Mais pas là de quoi nous effrayer ni freiner notre curiosité. Nous sommes donc allés découvrir ce spectacle, proposé dans le cadre des « Journées de l’Arménie » du programme « Place à l’international » du Festival Avignon OFF. Un programme dans lequel on retrouve plusieurs autres spectacles, mais aussi des films, un concert ou encore une table ronde animée par Serge Avédikian le 11 Juillet à 10h30 au Village du Off.
Mais revenons à notre spectacle. 45 minutes prenantes et émouvantes durant lesquelles un homme enregistre son témoignage. Mais avant cela, avant le déferlement des mots, c’est de tout son corps qu’il lutte, porté par la cadence de la musique. Pourquoi ? C’est ce qu’il va nous expliquer. Enfin, ce n’est pas vraiment à nous qu’il s’adresse mais à ses proches, à travers l’objectif de la caméra.
Le puits sans fond du désespoir
« Aujourd’hui nous sommes le 16 mars et c’est notre dernier jour sur cette terre. » Ce sont les premiers mots que Charly enregistre. Une multitude d’autres vont suivre, jaillir comme de la lave en fusion. Une logorrhée puissante, brûlante, qui s’affole souvent. Ce à quoi la langue arménienne, onduleuse, se prête fort bien.
Cette vidéo qu’il tente d’enregistrer pour la troisième fois est une confidence, un aveu. Une tentative désespérée de se justifier, de s’expliquer tout en continuant à essayer de comprendre et à se débattre avec cette ombre venue tout recouvrir. Sa femme, Betty, se trouve à l’hôpital, réduite « à l’état de plante » après un accident. Projetées sur un écran, quelques images de la vie d’avant, celle qui ne sera plus. Alors que faire, puisque l’espoir n’est plus permis ? Charlie veut mettre un terme à tout cela, pour elle, pour lui, « en finir ». Cette fois, ce sera la bonne. Enfin, il espère, mais rien n’est moins sûr…
Une journée froide en enfer, une création puissante
Le rythme est intense. C’est un déferlement d’émotions auxquelles le célèbre acteur arménien Nerses Avetisyan donne vie avec une puissance et une présence qui nous laissent, nous, sans voix. Le jeu est nerveux, habité, sensible. Le sentiment d’injustice, la colère, le désespoir, l’impuissance, la culpabilité habitent tour à tour et parfois tout à la fois le comédien incandescent. La mise en scène de Hrach Keshishyan traduit bien l’impression d’enfermement de cet homme désespéré dont la confession est très joliment habillée par les lumières d’Arman Zarikyan et la musique d’Arthur Aleq.
On aurait préféré, c’est vrai, ne pas connaître d’entrée de jeu les intentions de Charlie et laisser son débordement intérieur nous y mener peu à peu pour permettre une progression émotionnelle. Mais nous nous retrouvons immédiatement plongés dans l’état obsessionnel de cet homme détruit et, comme lui, tentons de nous raccrocher ça et là à quelque chose qui pourrait offrir une respiration, un soupçon de poésie. Et c’est notamment le cas des très belles chansons qui viennent parfois remplacer le monologue pour dire autrement la réalité qui l’habite. Une jolie découverte.
Une journée froide en enfer, de Jan Quackenbush, avec Nerses Avetisyan se joue du 4 au 10 juillet 2024 à La Scierie (relâche le 8).
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Avis
Joué en arménien et surtitré en français, Une journée froide en enfer est un spectacle sombre et douloureux dont l'interprétation nous saisit. Plus d'1h nous aurait semblé difficile à tenir au beau milieu de ce déluge d'émotions, mais le format de 45 minutes et parfait. Il nous permet d'apprécier au mieux la qualité de l'interprétation et de la mise en scène.