Maria conclue la trilogie de Pablo Larraín initiée avec Jackie et Spencer. Cette fois, le réalisateur argentin s’attaque à conter la dernière année de vie de La Callas, la plus grande cantatrice d’opéra ! Un rôle incroyablement habité par une Angelina Jolie livrant sa plus grande performance d’actrice à ce jour.
Présenté à la Mostra de Venise, Maria semble presque débarquer en terrain connu désormais. En effet, cette exploration des derniers instants de vie de Maria Callas, célèbre chanteuse d’opéra grecque ayant marqué le XXe siècle de son timbre de voix singulier et son registre de jeu étendu, est mis en scène par Pablo Larraín. Pour rappel, ce dernier avait entrepris une trilogie de films centré sur des femmes de pouvoir ayant marqué le siècle dernier.
Triptyque achevé pour Pablo Larraín
Des figures de pouvoir certes, mais avant tout marqué par la tragédie : c’est ainsi qu’on a pu avoir Jackie (avec Natalie Portman) et Spencer (Kristen Stewart en princesse Diana), 2 portraits féminins traversés d’une empreinte funèbre. De beaux films à la plastique chiadée et proposant de vraies rôles de composition, bien qu’un tantinet maniérés si l’on devait pinailler !

Maria vient donc clore cette trilogie, via un retour critique légèrement moins fracassant que les deux précédents. Et à la vision de ce nouvel opus, on peut aisément comprendre pourquoi : Pablo Larraín abandonne les quelques expérimentations formelles et autres visions hallucinatoires (on pense bien sûr à Spencer) pour quelque chose de plus terre à terre… mais également de plus mortifère !
On retrouve ainsi La Callas à Paris en 1977. Cloîtrée dans son grand appartement du XVIe arrondissement, avec pour seuls compagnons son majordome (un Pierfrancesco Favino qu’on apprécie toujours!) et quelques domestiques, la chanteuse est désormais en fin de carrière et au crépuscule de sa vie. Subissant une extinction de voix après des années à défier les octaves, accro aux barbituriques (mentant même sur le nombre de comprimés qu’elle prend pluri-quotidiennement) et meurtrie par une relation toxique s’étant conclue via l’adultère d’Aristote Onassis, Maria n’est plus que l’ombre de la diva d’antan !
Maria : requiem pour La Callas
Le script de Steven Knight (Peaky Blinders) prend donc la route du requiem sur 2h, comme l’épilogue d’un grand biopic auquel on aurait amputé toute une narration chronologique et crescendo. Pablo Larraín abandonne par la même occasion tout artifice ou filtre au profit d’une mise à nu de son sujet : seul le montage alterné via des séquences flash-back en noir & blanc nous donneront les bribes de souvenirs nécessaires à la compréhension du personnage.

Un personnage tragique dans le sens le plus absolu du terme, dont l’issue irrémédiable ne peut être que le trépas, à l’instar des opéras portés par sa voix. La perte d’un enfant, une enfance en pleine apogée du nazisme, la douleur d’un amour bafoué aux yeux du monde, l’impossibilité de profiter de sa vie de femme ou de remonter sur la scène telle que désirée… autant d’émotions directement retranscrites via la plus grande performance à ce jour d’Angelina Jolie !
La sobriété de mise en scène de Pablo Larraín pourrait presque laisser penser à de la pose ou une stérilité émotionnelle dans les premiers chapitres de Maria, enchaînant les déambulations en appartements Haussmanniens, les questionnements existentiels et identitaires ainsi que les scènes de ménage. Mais peu à peu, la mayonnaise funèbre prend, cristallisées par une palette de jeu relativement inédite de la part de son interprète principale.
Le plus beau rôle d’Angelina Jolie
On connaissait Angelina Jolie comme une actrice de grand talent, elle-même détentrice d’un Oscar (Une vie volée). Pourtant on ne l’avait pas revu si bouleversante depuis L’Échange de Clint Eastwood. Magnétique, personnifiant le délitement de Maria et constamment dans la nuance d’acting à chaque somptueux photogramme du film, c’est bien elle qui amène l’emphase émotionnelle nécessaire au métrage.

Une grande performance d’actrice donc, montrant La Callas comme une grande dame ayant marqué le monde de son empreinte, mais dont la vulnérabilité constante en fait à la fois un vrai personnage de cinéma (comme la Blonde d’Andrew Dominik), mais aussi la plus belle (et la plus absolue) représentante de cette trilogie funèbre !
Paris en purgatoire
De plus, Pablo Larraín et son chef opérateur Ed Lachmann (Carol, Dark Waters) font de ce Maria un vrai bonheur visuel de chaque instant. Que ce soient les séquences en intérieur usant de courte focale ou bien celles mettant en avant les errements parisiens (Pont-Neuf, Place Vendôme, Trocadéro..), la patine globale fait penser au travail du grand Gordon Willis (Le Parrain), voire Vittorio Storaro (Le Dernier Empereur). Pas de petites comparaisons donc, bien que Maria nous laisse doucement dévier vers la mélancolie et son caractère humain. Pablo Larraín avance ainsi sans grand filet, pour une pureté de geste de chaque instant !
Maria sortira sur Netflix le 5 février 2025
avis
Avec Maria, Pablo Larraín abandonne certes les expérimentations formelles de Jackie ou Spencer, mais avance désormais sans filet pour faire des derniers instants de vie de La Callas un vrai requiem funèbre dominé par une Angelina Jolie bouleversante et magnétique. La plus grande performance d'actrice de sa carrière donc, faisant de Maria un portrait évitant le maniérisme qu'on aurait pu craindre, au profit d'un aspect émotionnel qu'on n'a pas vu venir.