Chronique d’une liaison passagère voit Emmanuel Mouret saisir avec grâce des moments de liberté, et démontrer une fois de plus son imparable talent pour croquer le dialogue sentimental.
Chronique d’une liaison passagère poursuit avec brio l’état de grâce artistique dans lequel se trouve Emmanuel Mouret depuis son bouleversant Mademoiselle de Joncquières, sorti en 2018. Après s’être essayé avec brio à la comédie romantique avec de petits bijoux comme Changement d’adresse, Un baiser s’il vous plaît et Fais-moi plaisir ! (dans lequel il a parfois aussi fait l’acteur), jusqu’à des retranchements plus hésitants (L’art d’aimer), et s’être essayé au drame (Une autre vie), Emmanuel Mouret est depuis revenu à l’essentiel de son cinéma. En dépouillant les décors pour se concentrer sur les acteurs et les dialogues, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait paraissait ainsi en être le parangon. Jusqu’à cette (faussement) tendre récréation qu’est Chronique d’une liaison passagère, dans lequel Emmanuel Mouret réitère l’exploit.
Rendez-vous
Chronique d’une liaison passagère poursuit ainsi le thème du temps qu’avait déjà sublimement dépeint Emmanuel Mouret dans son précédent long-métrage. Un temps cette-fois mis en avant au détour de dates de rendez-vous où Charlotte, une femme célibataire (Sandrine Kiberlain) et Simon, un homme marié (Vincent Macaigne) décident de débuter une liaison, sans contraintes et avec une idée commune de non-engagement. Des rendez-vous filmés comme des instants de grâce volés, de la naissance d’un amour où deux êtres redeviennent le temps de quelques brefs instants ceux qu’ils ne peuvent plus être au quotidien.
Ce sentiment de moments fugaces d’une liberté irrémédiablement condamnée par le temps et les sentiments confère au long-métrage une préciosité de chaque instant, sublimé par la photographie de Laurent Desmet, éclairant chaque scène comme un tableau. La mise en scène précise d’Emmanuel Mouret déshabille ainsi ses personnages, pour filmer des prestations d’acteurs en perpétuelles états de grâce enfantine, où brillent une fois encore les superbes Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne et la révélation Georgia Scalliet. Cette observation d’âmes d’enfants retrouvées qui s’estompent, telles une toile de peintre sous la pluie, émeut ainsi autant qu’elle illumine chaque instant de rencontre.
Des âmes d’enfants… et un zombie
Ce qui rend cette œuvre d’Emmanuelle Mouret indispensable, et l’inscrivant haut la main dans les meilleures œuvres sorties l’année dernière, est ainsi accompagné dans sa sortie physique de bonus réjouissants. On pourra ainsi découvrir la première incursion du cinéaste dans le genre du film de zombies avec le génial Un Zombie dans mon lit. Comme si Eric Rohmer s’était essayé au genre horrifique, cette alliance impromptue et absurde offre pourtant une nouvelle collaboration avec la muse du cinéaste, Frédérique Bel, qui délivre ici une partition réjouissante, rappelant une fois de plus qu’elles sont peu d’actrices à autant incarner les dialogues d’Emmanuel Mouret, d’autant plus lorsqu’il s’agit de les dire à un zombie.
Autant de raisons de (re)découvrir ce Chronique d’une liaison passagère et de retrouver son âme d’enfant, son insouciance et sa belle naïveté, du temps où l’on croyait que l’amour était éternel et indestructible, jamais soumis au temps et au quotidien. On attend donc de pied ferme le prochain projet du cinéaste, qui avec l’acuité de ses dialogues et la grâce de sa direction d’acteurs et de mise en scène, serait bien à même de rehausser la qualité d’un énième épisode de The Walking Dead.
Chronique d’une liaison passagère sortira le 24 janvier 2023 en VOD, DVD et Blu-ray chez Pyramide Video.
Avis
Emmanuel Mouret continue d'émouvoir en dépouillant une fois de plus son cinéma pour un projet d'allure plus modeste, mais qui s'avère toujours aussi juste et précieux. Le cinéaste déshabille ainsi avec grâce des instants de rendez-vous volés, comme ses personnages qui retrouvent le temps de quelques instants, et nous avec, nos âmes d'enfants et une vision de l'amour aussi idyllique qu'irrémédiablement condamnée.