Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer aurait été un projet risqué s’il ne s’était pas trouvé sous houlette de l’hyperactif et surdoué Ryan Murphy, qui signe un bouleversant projet, qui réussit l’exploit d’être à la fois glaçant et politique.
Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer se propose de nous faire passer pas loin de 10 heures avec l’un des plus abominables serial-killer que l’histoire récente ait connue. Et Netflix n’en est pas à son coup d’essai sur le sujet puisque des documents sur des tueurs en série, on en trouve à la pelle sur la plateforme. Mais au milieu de des autoportraits sur Ted Bundy, John Wayne Gacy et autres joyeusetés, Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer occupe une place à part. Parce que la série de Ryan Murphy et de Ian Brennan, tous deux déjà à l’œuvre sur Glee, Scream Queens et Hollywood s’avère très complète et qu’au delà d’un possible et inévitable voyeurisme, l’on s’attaque rapidement à un brûlot politique aussi glaçant que le protagoniste principal de cette série.
Les oubliés
Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer se propose donc de revenir sur l’enfance et la vie criminelle de l’homme au détour d’une narration éclatée. Si l’on débute par des épisodes glaçants en compagnie du tueur, la série choisit rapidement de raconter l’impact de cet homme au détour d’autres personnages, élargissant très volontiers la seule partie de son entourage proche. Parce qu’au-delà de nous exposer le portrait d’une famille dysfonctionnelle, Ryan Murphy et Ian Brennan affrontent de front les questionnements politiques inhérents à cette monstrueuse affaire et de ses retombées sur nombre de minorités emprisonnées dans une époque qui se refuse à les considérer. Jeffrey Dahmer n’est ainsi jamais pardonné, où inutilement mis en exergue qu’au détour de sa condition d’enfant rejeté devenant un monstre dans un système tout disposé à en enfanter et à les laisser agir en toute impunité.
Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer se divise ainsi en deux parties : si la première moitié de la série s’attarde sur l’enfance et la famille du serial-killer afin de désacraliser le personnage, la seconde partie s’attarde sur un éventail plus large de voisins, victimes et autres opprimés souffrant au quotidien de racisme, de rejet, de mépris, et pour qui les agissements de Jeffrey Dahmer portent tous ces adjectifs à leur apogée. L’intelligence de l’écriture ne réside ainsi jamais dans la mise en scène de l’horreur des crimes, se déroulant tous hors-champ, travaillant surtout l’ambiance poisseuse et pesante qu’instille le personnage autour de lui, mais de la terreur que suscite la disparition des victimes, qui se trouvent ici enfin sous les projecteurs et dont la mort tragique dans un climat d’intolérance fait quant à lui réellement froid dans le dos.
Politique du mépris
Ces victimes, elles ne sont ainsi jamais réduites à une suite de meurtres glaçants. On connait ainsi leurs noms, leurs familles, leurs rêves, leurs ambitions et leur quotidien désenchanté au milieu d’environnements urbains qui les laisse en proie à la violence et au racisme du quotidien. Consacrés en véritables héros, Jeffrey Dahmer incarne sous la houlette de Ryan Murphy et de Ian Brennan, au-delà du sous-titre Monstre, la quintessence d’un pays dégénéré et en totale perte de repères. D’une justice à deux vitesses qui se moque des minorités et préfère redonner sa chance à un jeune homme perdu qui n’en à guère besoin. Et tout cela se trouve évidemment mis en scène et interprété avec la même intelligence.
Au-delà de l’impressionnante performance d’Evan Peters, que l’on ne verra sûrement jamais plus comme avant, et des tout aussi géniaux Richard Jenkins, Penelop Ann Miller et Niecy Nash, la mise en scène n’est pas en reste avec des noms comme Jennifer Lynch et Gregg Araki. La bande-originale signée Nick Cave et Warren Ellis vient ainsi brillamment s’ajouter à cette liste de grands noms, qui par dessus tout sensationnalisme grossier et malvenu, signent à eux tous une brillante série, politique, intelligente et sans aucun mauvais goût qui réoriente les projecteurs vers tout un système quant à lui véritablement coupable d’avoir laissé enfanter de tels monstres.
Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer est disponible sur Netflix.
Avis
Dahmer - Monstre : L'histoire de Jeffrey Dahmer dépasse rapidement les attentes du catalogue parfois voyeuriste de Netflix pour s'incarner comme une brillante série, politique, intelligente et sans aucun mauvais goût qui réoriente les projecteurs vers les véritables héros de cette monstrueuse affaire et de tout un système quant à lui véritablement coupable d'avoir laissé enfanter de tels monstres.