Dans Yé ! (L’eau), une dizaine de circassiens-danseurs nous transportent et nous interrogent sur l’urgence climatique.
Yé ! (L’eau) est le nouveau spectacle du collectif Circus Baobab, composé de 13 enfants des rues originaires de Guinée et de la diaspora, et devenus artistes de cirque. Finaliste de l’émission La France a un Incroyable Talent sur M6 en 2022, la troupe mêle les modes d’expressions traditionnelles du cirque africain et les nouvelles écritures du cirque contemporain pour raconter avec virtuosité les difficultés de la vie en Afrique.
Et c’est sur la thématique essentielle du combat pour l’eau, ressource précieuse devenue plus rare que le plastique, qu’ils nous livrent une performance acrobatique époustouflante qui enflamme littéralement le public.
La puissance du collectif
Il se murmure à Avignon que professionnels et festivaliers prépareraient de plus en plus leur programme en avance. Et que le tractage, sous toutes ses formes, n’aurait plus tant d’influence sur les choix de spectacles… Nous ne saurions vous dire si cette tendance est avérée. N’empêche que cette année, et bien que nous ayons en effet préparé une sélection en amont, ce spectacle est le 4ème que nous décidons d’aller voir après qu’il est venu à notre rencontre dans les rues du festival.
Quelques secondes auront suffi à nous convaincre de les retrouver dans la grande salle de la Scala Provence pour en prendre plein les yeux pendant une heure. « Yé », qui signifie « l’eau » en soussou, sonnera tout au long de ce spectacle comme un cri de ralliement, un cri du corps. Car, s’ils illustrent les difficultés de l’accès à cette ressource, devenu privilège, qui divisent, génèrent tensions et violence… ils incarnent aussi l’espoir qui rejaillit sans cesse. Un espoir porté par la force du collectif, l’entraide, la nécessité d’être ensemble, en mouvement, face à l’adversité.
Une performance de haut vol
C’est sur un plateau jonché de cadavres de bouteilles d’eau en plastique que onze danseurs et deux danseuses apparaissent. Et déjà, le corps de l’un d’eux, élastique, se tord, se plie, se contorsionne de façon impressionnante. Puis, une bagarre collective prend forme au milieu des bouteilles dont le bruit de plastique devient alors percussion tandis que les lumières frappent la scène par flashs. Et nous voilà hypnotisés.
Ça ne s’arrangera pas avec le reste de la chorégraphie de Nedjma Benchaïb. En effet, les tableaux sont tous plus spectaculaires les uns que les autres. Les pyramides de corps s’élèvent dans les airs avant de s’effondrer avec grâce ; les corps étendus au sol s’animent soudain tels des zombies, se relèvent et se rejoignent dans un même mouvement qui finit par devenir entraînant ; d’autres ensuite s’envolent avant de chuter dans des bras qui les réceptionnent comme s’il s’agissait de plumes…
Yé ! (L’eau) nous laisse sans voix
Mais de quoi sont-ils faits ?! Comment font-ils pour se tomber ainsi les uns sur les autres sans se briser en mille morceaux ? Pour enchaîner, sans élan, des saltos avant qui se changent soudainement en saltos arrière ?! Il faut le voir pour le croire, c’est à couper le souffle. On est happé par cette énergie brute, ces musiques de Jeremy Manche qui appellent au mouvement, à l’abandon du corps, ces lumières de Clément Bonnin qui battent la cadence. On regrette juste un effet stroboscopique trop long et, de fait, assez désagréable, sur une scène.
Les applaudissements n’attendent d’ailleurs pas la fin du spectacle. Ils viennent régulièrement résonner comme des coups de tonnerre pour saluer la performance de ces artistes acrobates. Et quand le rideau se referme doucement sur eux, après un temps de communion survolté au milieu du public, c’est debout que ce dernier exprime son admiration et sa gratitude. Forcément.
Yé ! (L’eau), de Yann Ecauvre, mise en scène Yann Ecauvre, chorégraphie Nedjma Benchaïb, avec Hamidou Bangoura, Momo Bangoura, Amara Den Wock Camara, Bangaly Camara, Ibrahima Sory Camara, Moussa Camara, Sekou Camara, Aïcha Keita, Bangaly Sylla, Fode Kaba Sylla, M’Mahawa Sylla, Mamadouba Youla, Facinet Camara, se joue à La Scala Provence, du 7 au 29 juillet, à 11h45.
[UPDATE 2023] Se joue du 23 au 31 décembre 2023 à La Scala Provence.
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Avis
C'est un cirque engagé que donne à voir cette troupe itinérante à l'énergie inépuisable. Outre ses spectacles, Circus Baobab propose des actions de médiations culturelles telles que des ateliers Foot de cirque de rue, sensibilisation et initiation à l'acrobatie, ou encore performance street show...