Naïs nous emmène avec fraîcheur et légèreté dans l’univers vivant, coloré et authentique de Marcel Pagnol.
Naïs est une pièce qui respire l’été, la Provence et les amours au parfum d’impossible. Toine est bossu et souffre de ce handicap. Il est amoureux de Naïs, fille d’un paysan violent qui, elle, n’a d’yeux que pour Frédéric, jeune homme issu d’une famille bourgeoise. L’été qui se profile va laisser place à des élans de cœur et de corps qui se moqueront bien des interdits qui pèsent sur eux…
Nous voici face à un drame écrit par Émile Zola et adapté à l’écran par Marcel Pagnol. Savoureux mélange, donc, de poésie et de cruauté, d’espoir et de fatalité, d’ombre et de lumière. C’est du film que s’inspire cette pièce de la compagnie Les fautes de frappe. Un joli moment d’humanité qui fleure bon la Méditerranée.
L’été et ses promesses…
Naïs passe l’été comme servante à la propriété des Rostand, dans le sud de la France, tandis que son père y est métayer. Séduite par le jeune héritier volage, Frédéric, elle accepte ses rendez-vous secrets à la nuit tombée sous un olivier. Les deux jeunes gens nourrissent ainsi une passion éphémère. Mais le père de Naïs, possessif, veille, et promet qu’il tuera celui qui osera s’approcher de sa fille…
Il se dégage, c’est vrai, beaucoup de légèreté, de la fraîcheur et un charme certain de cette adaptation du film de Marcel Pagnol, interprété par Fernandel en 1945. Pourtant, nous avons mis un peu de temps à entrer dans la pièce. L’accent provençal de certains personnages, pour commencer, nous semblait si peu naturel que nous avions du mal à nous concentrer sur autre chose. Et puis le jeu des comédien.ne.s nous a paru assez inégal et manquait parfois de justesse.
Deux belles révélations
Deux d’entre eux se démarquent néanmoins tout particulièrement. En effet, Étienne Ménard est le premier à nous avoir impressionnés dans le rôle de ce père ombrageux, excessivement protecteur, prêt à tout pour faire barrage à la relation naissante entre sa fille qui rêve d’émancipation, incarnée par la fraîche et lumineuse Marie Wauquier, et le séduisant Frédéric. Le comédien en impose sans jamais en faire trop. Et son échange houleux et menaçant avec sa fille dans la pénombre de la nuit, tandis qu’elle s’apprête à rejoindre son amant, est captivant.
Il a fallu un peu plus de temps à Arthur Cachia pour nous séduire dans son rôle de Toine, mais ses monologues bouleversants ont fini par avoir raison de nous. Le comédien incarne ce rôle avec une belle sensibilité, sans basculer dans la caricature. Terriblement humain, parfois drôle, il nous touche dans cette colère qu’il tente tant bien que mal de contenir lorsqu’il apprend que celle qu’il a dans le cœur en aime un autre.
On se laisse doucement séduire par Naïs
Le texte est beau, délicat, enveloppé d’une poésie sans fioriture. La mise en scène rythmée et suggestive de Thierry Harcourt fait la part belle au mouvement, aux corps qui se déploient, tournoient, se hissent, se rencontrent. Tout fonctionne très bien, à quelques mouvements de danse près. Le décor quasi inexistant se suffit des très beaux jeux de lumière qui nous plongent parfois dans l’ambiance chaude et dorée d’une fin de journée, d’autres fois dans l’obscurité menaçante où Zola vient soudain faire de l’ombre à Pagnol…
Car, il ne faut pas l’oublier, la tragédie rôde et l’été s’achèvera bientôt, remballant avec lui ses illusions et ses odeurs de lavande. Ainsi, l’intensité va grandissante, celle des émotions qui s’affirment, s’imposent, s’affrontent, effaçant peu à peu nos réserves du début et nous embarquant dans un récit attachant au goût d’ailleurs et d’autrefois.
Naïs, de Marcel Pagnol, adaptation Arthur Cachia, mise en scène Thierry Harcourt, avec Arthur Cachia, Kévin Coquard, Étienne Ménard, Clément Pellerin, Lydie Tison, Marie Wauquier, se joue à La Condition des Soies, du 7 au 29 juillet, à 13h35.
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Avis
Ainsi que nous l'a soufflé la Directrice de cette merveilleuse salle du théâtre La Condition des Soies, Anthéa Sogno, cette pièce respire l'artisanat. Elle a le goût de ce qui est fait avec le cœur et la passion. Et rien que pour cela, cette jeune compagnie est à suivre et à encourager.