Présenté au Festival de Cannes dans la section de la Quinzaine des Cinéastes, Indomptables est le nouveau film de Thomas Ngijol. L’humoriste s’essaye à un numéro d’équilibriste plutôt bien tenu entre comédie et drame policier à la portée sociale.
Au premier abord, difficile de voir Thomas Ngijol à la tête de ce Indomptables. Et pour cause, l’humoriste popularisé via le Jamel Comedy Club il y a 20 ans s’essaye au film policier en adaptant très librement le documentaire Un crime à Abidjan (1999) de Mosco Boucault ! Et pour moins les moins familiers du bonhomme, on se rappelle (ou pas) des échecs que furent Fast Life ou bien Black Snake.

Ceci étant dit, il est bon de rappeler que Thomas Ngijol est aussi derrière le très sympathique Case Départ sorti il y a 15 ans, où derrière le sujet hautement délicat de l’esclavagisme, il parvenait à proposer une comédie régulièrement tordante n’annulant jamais l’indignation ou le devoir de mémoire. Et c’est via cette approche nettement plus nuancée qu’Indomptables nous emmène à Yaoundé, au Cameroun.
Indomptables : Good cop et bad luck cop
Le commissaire Zakari Billong (Thomas Ngijol) est père d’une famille de 4 enfants (mais constamment accaparé par sa profession), dont le quotidien est rythmé entre ses engueulades à la maison et le travail de terrain. Néanmoins, sa petite vie bien tranquille va être mise à mal par la découverte du cadavre d’un policier, visiblement abattu de sang froid. L’enquête va malheureusement connaître plusieurs obstacles, en particulier liés aux faibles moyens du bord.
Malgré le nom Ngijol, Indomptables se veut dans un ton étonnamment sérieux la majorité du temps, présentant l’équipe de Billong, une famille globalement dysfonctionnelle et surtout les ingérences d’une police employant des moyens archaïques pour faire progresser l’enquête ! Un propos qui pourrait frôler la caricature si le ton global du film n’avait pas la bonne idée de garder une dimension réaliste pour mieux contaminer par le rire.

Car oui, Indomptables fait montre d’un comique situationnel et de décalage faisant souvent mouche, dont les bribes sont avant tout saupoudrées ici et là sans effet balourd ou indigeste. Dialecte des flics de choc ‘ »les brigands »), interrogatoires musclés des suspects triés selon la tête du client (avec usage de branches d’arbres pour mieux soutirer des informations), absence de réels moyens techniques ou financiers…
Fil ténu entre rire et indignation
Le spectre de Sacha Baron Cohen n’est souvent pas bien loin, notamment lors d’une hilarante incartade au sein d’un hôpital sans lit, où le secrétariat à l’accueil use de cahiers mal mis à jour, où les détenus disparaissent faute d’infrastructures adéquates, et où un cardiologue mange sa gamelle dans un cagibi. Du rire nerveux qui est parfaitement représenté par l’appât du gain d’un certain collègue de Billong, justifiant de piocher dans la caisse pour récolter le fruit de ses lauriers.
Bref, Indomptables prend les ingrédients dramaturgiques normalement alloués à une voix dramatique et contestataire pour à la fois rire jaune, et ce faisant mettre le focus sur des problématiques d’actualité. Il sera donc dommage de voir que l’intrigue policière en elle-même se révèle plutôt classique (l’identité du commanditaire du crime ne mettant rien de particulièrement probant en lumière).

On retiendra tout de même au centre d’Indomptables un Thomas Ngijol absolument impeccable, autant à l’aise dans les 2 approches de ton du métrage. En résulte un portrait de personnage légèrement barré (mention spéciale aux passages avec Marvin Gaye ou le poème de son fils), mais également touchant via un arc narratif centré sur son incapacité à communiquer avec sa famille en lien avec les conditions de vie du pays. Une dimension humaine et sincère qui donne donc du corps à cette sympathique surprise !
Indomptables sortira au cinéma le 11 juin 2025. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Avec Indomptables, Thomas Ngijol réussit un savant équilibre en drame social concerné et rire jaune venant contaminer un film d'enquête policière relativement classique. Pas de quoi bouder son plaisir devant cette petite surprise qui a plus de choses à dire que ce qu'on pouvait penser !