La sélection Un certain regard du Festival de Cannes – qui fait partie de la compétition officielle – a le mérite de souvent proposer des films plus rares de petits pays avec une production cinématographique moins en vue. Ce qui fait de Domingo et la brume le premier film costaricien sélectionné en compétition et c’est amplement mérité.
Perdu dans la campagne costaricienne, des habitants subissent les pressions d’hommes armés qui sont venus rachetés leur terrain – en utilisant s’il le faut la force – afin de construire une route. Au milieu de tout cela, on découvre Domingo, un vieil homme veuf et solitaire qui ne tient pas à partir de chez lui où le souvenir de sa femme, incarnée par une brume épaisse qui vient lui rendre visite, est toujours très vivace.
Réalisation onirique
À la frontière entre le film social (la délocalisation forcée des villageois) et le film fantastique (la brume), le cinéaste Ariel Escalante Meza trouve le ton juste pour conter son histoire avec finesse. Il propose une mise en scène inspirée qui prend le temps de cerner le personnage principal. On le suit sur la route marcher inlassablement ; on voit la peur et la colère qui mûrissent dans son esprit ; on ressent la tristesse qui fait qu’il s’accroche au souvenir de sa femme par tous les moyens. Les plans sont atmosphériques, jouant habilement avec les effets de la brume et la nuit noire. On parcourt le film tel un rêve qui vire au cauchemar, aussi impuissant face à la situation qui se déroule sous nos yeux que Domingo.
De plus, le réalisateur empreinte de nombreux codes narratifs à différents genres (comme le western). L’ironie dramatique qui s’en dégage – on s’attend à voir Domingo prendre les armes – pousse le spectateur à croire en l’espoir d’un monde débarrassé de sa cruauté.
Subtil et créatif
Ariel Escalante Meza démontre une grande aisance à manier les genres et surtout il propose un travail de premier plan sur tous les aspects de son long-métrage. L’un des points les plus impressionnants est sans hésiter le travail sur le son. En témoigne la musique dissonante qui se mélange tellement bien à l’ambiance sonore du film qu’on ne distingue parfois plus les deux. Cette dernière est particulièrement remarquable : le cinéaste filme des plans de la campagne où la nature semble omniprésente et pourtant on n’entend que le bruit industriel des camions au travail, des dynamitages à répétition ou d’un scooter sur lequel se trouve deux hommes armés. La nature semble hostile, elle est dépossédée de sa tranquillité par le bruit incessant de la destruction apportée par des hommes étrangers à la région et impitoyables.
Domingo marche constamment seul tout le long du récit et parcourt son univers en voie de disparition. Il voit son monde dépérir et tout participe à faire ressentir au spectateur ce que lui ressent. D’une certaine manière, c’est un voyage interne, une vue subjective où la brume semble prendre vie – ce qui est le cas du point de vue de Domingo, mais pas pour sa fille – on est dans la peau de ce vieil homme.
Le résultat apporte une grande douceur mélancolique à l’œuvre. On ressort de la salle saisi, mais aussi très songeur et triste.
Domingo et la brume est présenté en sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2022.
Avis
Pour un premier film costaricien présenté en sélection officielle au Festival de Cannes, c'est une entrée remarquée et remarquable. Somptueuses images de cinéma et un scénario intelligent font de Domingo et la brume une petite pépite.