L’exercice du haïku peut sembler simple d’apparence : décrire une situation éphémère de manière courte et concise, en suivant une structure syllabique brève : 5 syllabes, 7 syllabes puis de nouveau 5 syllabes. Donc, cette forme traditionnelle tient en 3 vers. Mais à la manière d’un spectateur observateur, d’un habitué d’un musée, Bernard Anton va minutieusement prendre sa loupe et s’approcher d’un tableau nommé : la guerre en Ukraine.
Le livre « Lauriers pour l’Ukraine » de Bernard Anton est une création originale et atypique, éditée dans la section « Les Impliqués », regroupant de nombreuses œuvres hors catégorie de L’Harmattan. La date de la publication est le 2 juin 2022, alors que le conflit est en cours. Cet épisode traumatisant pour le monde et la planète fait surface après la catastrophe Covid-19 : un virus qui n’est toujours pas éradiqué…
Bernard Anton est un fervent protecteur de la nature, humaniste convaincu, qui ouvre ses chakras aux questions existentielles. Évidemment, il se sent concerné par les crimes contre l’humanité qui ont lieu. Lors d’une guerre, le pire s’exprime : pillage, viols, infanticides… Pour ces peuples qui se ressemblent pourtant, composés d’hommes et de femmes que seule la nationalité diffère, l’auteur est investi d’une mission. Grâce à ce recueil, le poète entend dénoncer les dérives d’une espèce sans cesse conquérante, insensible face à la colère d’une planète à bout de souffle. La forme brève et très puissante du haïku donne un écho particulier à chaque scène de guerre, créant un sentiment de malaise immédiat dans l’œil du lecteur.
Mais ce n’est pas tout. Dans cet ouvrage de 68 pages, le professeur et thérapeute aux talents pluridisciplinaires décide également d’incorporer d’autres thématiques, qui adoucissent le propos sans jamais l’effacer. Au contraire, dans ce livre brut et unique, les « Lauriers pour l’Ukraine » incluent aussi l’insouciance et l’émerveillement d’un auteur touché par la beauté.
Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que Monsieur Bernard Anton a fondé et imaginé le Prix Mur de l’espoir, pour célébrer le haïku et son pouvoir. Grâce à une étude approfondie et des descriptions concrètes, le moment présent est parfaitement retranscrit. Un travail à la fois personnel et cathartique, pour cet auteur qui se sent viscéralement concerné par la cruauté de l’humain, qu’il s’agisse d’un ressenti haineux à l’égard de l’autre ou bien au sujet des animaux. Surprenante et atemporelle, l’ode de Bernard Anton est constante. Le lecteur voyage à bord d’un bateau qui tangue et s’approche de plusieurs îles, aux thèmes différents mais qui composent une toile homogène et intelligente. La paix, la spiritualité, la nature et sa préservation, mais aussi le bien-être. Même si la partie principale de l’ouvrage se dévoue à la guerre en Ukraine, Anton ne perd pas de son cœur de « slameur », avec des propos qui peuvent créer la polémique, à bon escient.
Mais l’auteur s’extrait du carcan politique ici, en insistant surtout sur la symbolique et les émotions qu’il ressent face à l’urgence climatique, une préoccupation qu’il partage avec Madame Bardot. Au cours de cette longue réflexion, portée par un recueil riche aux images fortes, l’artiste parvient à donner envie au lecteur d’en apprendre plus à son sujet. Ses mémoires d’humaniste convaincu sont de belles leçons d’humilité, qui appellent à la contemplation. Il n’est plus question de regarder dans le sens qui nous arrange, simplement pour notre confort. Tout le monde devrait se sentir concerné par la crise, qu’elle soit le cri du cœur d’une planète à la dérive ou celui d’un citoyen ukrainien, que l’on chasse de chez lui. En réalité, toute la fresque qui compose les « Lauriers pour l’Ukraine » sonne à l’unisson. Grâce à un discours résolument moderne et traditionnel à la fois, Bernard Anton s’impose comme un funambule, oscillant entre douceur et onde de choc.
Grâce au pouvoir d’une forme courte et d’un recueil avec peu de pages mais de grandes idées, Ben réussit à proposer une immersion impressionnante où les mots sont maîtres. Le lecteur est guidé dans une autre dimension où tout paraît si authentique et vrai qu’il aura la sensation de pouvoir toucher et voir les haïkus défiler sous ses yeux. Difficile d’oublier cette plongée abyssale, dans les entrailles de la planète Terre et de l’espèce humaine. Un animal sociable aussi bon que mauvais…