The Batman est un des films les plus attendus de l’année, et pourtant le défi est de taille. Tout ou presque semble avoir été dit sur le Chevalier Noir de DC Comics. De Tim Burton et sa vision fantasque, à Nolan et sa trilogie référentielle ayant dépoussiéré le personnage, en passant par la cultissime série animée de Bruce Timm, difficile de pleinement imposer une nouvelle itération. C’est avec cette lourde tâche que Matt Reeves propose un nouveau Bruce Wayne incarné par Robert Pattinson.
Après le Batman bourrin et âgé de Zack Snyder, Warner et DC décident de rebooter de nouveau, avec Matt Reeves à la tête du projet. Ayant déjà su proposer une très belle vision auteuriste dans ces 2 opus de La Planète des Singes, le réalisateur décide de revenir aux fondamentaux de l’âge d’or de Batou. Avec The Batman cette fois, il s’agira d’un polar influencé par Seven, Zodiac, Chinatown, French Connection et Taxi Driver, dans une histoire où Bruce Wayne est avant tout un vigilante-detective plutôt qu’une figure super-héroïque !
Batman Year Two
Débutant le soir d’Halloween (et tout au long d’une semaine), l’intrigue de The Batman nous invite à suivre à un jeune Bruce de 30 ans (il porte le costume depuis tout juste 2 ans), sur les traces d’un mystérieux tueur appelé le Riddler. Cet Homme-Mystère donc, place plusieurs énigmes conduisant à ses prochaines cibles, alors que Gotham essaye de redresser la barre face à la criminalité toujours croissante.
Du petit Batman illustré en somme, dopé aux influences que sont Un Long Halloween, Batman Year One ou encore Ego. Mais si on retrouve des noms célèbres comme Catwoman, le Pingouin, le Riddler ou bien Jim Gordon, tout ce folklore mythologique est néanmoins digéré (comme les jeux Arkham en leur temps) afin d’offrir une peinture du héros comme on ne l’avait pas vraiment vu jusqu’alors !
Dès les toutes premières minutes du métrage, The Batman revendique clairement ces influences (entre Fincher, Frank Miller, The Crow ou bien Friedkin) pour nous immerger dans un Gotham poissard, sorte d’antichambre infernale mais toujours ancré dans le réel. Le Robocop de Verhoeven n’est pas loin (toute proportion gardée), tandis que Robert Pattinson nous conte en voix-off tel Rorschach échappé de Watchmen qu’il veille sur la ville, tapi dans l’ombre. Une introduction jubilatoire et prenante, sous forme de véritable note d’intention d’un Matt Reeves désireux d’apporter la note de noirceur adéquate (malgré un PG-13 faisant office de limite à toute violence graphique).
Aidé de Greig Fraser (Dune, Rogue One, Lion) à la photographie, Gotham prend vie telle qu’on l’avait entraperçu dans Batman Begins, et offre instantanément un setting incarné à l’ambiance électrisante. Que Batman s’invite sur une scène de crime, erre en filature ou interagit avec le trombinoscope varié de personnages, le métrage prend son temps sur les 3h assez passionnantes du métrage. Une atmosphère grisante et maitrisée, admirablement mise en scène par un Matt Reeves composant avec un vrai sens du cadre et du montage. C’est beau, c’est vibrant, organique… c’est le plus beau film Batman à ce jour tout simplement !
Battinson Rises
Autant le dire tout de suite, Robert Pattinson (Tenet, The Lighthouse) impressionne et s’impose directement comme une incarnation singulière et marquante du Croisé capé ! Si son alter ego n’existe que très peu malheureusement (caractérisé tel une rockstar recluse), il parvient via de simples regards et silences parfaitement captés à proposer un Batman névrosé, insomniaque et à la limite de l’insanité. Dévoué à sa lutte de justice, cette personnification de la vengeance se veut plus impétueuse et brute qu’auparavant. Moins méthodique à cause de son aspect juvénile, il est également doté d’une certaine fragilité intériorisée offrant un regard neuf sur le personnage.
Plus impétueux, on tient là un jeune Batman doté de gadgets rudimentaires (pas de batarangs, ni de cape pour planer), et filmé tel un nosferatu opérant parmi les vivants. Se déplaçant lentement et émergeant de la nuit, le personnage est admirablement mis en scène, sans tomber dans l’iconisation fastoche et poseuse. S’il reste bien plus en retrait en terme de personnalité de par un côté schizoïde et renfermé, il est entouré par contraste d’un trombinoscopes de seconds rôles bien flamboyants. On pourra par ailleurs citer un Jeffrey Wright (Westworld) parfait en Jim Gordon, un Andy Serkis (La Planète des Singes) rafraichissant (bien que peu présent) en un Alfred ex-agent du MI-6, ou encore un John Turturro (The Night Of) délicieusement détestable et bouffant l’écran à chaque seconde en Carmine Falcone.
Catwoman, le Pingouin et le Riddler sont cependant mieux mis en avant ! Caractérisés avec singularité tout en embrassant les caractéristiques de ces persos cultes, The Batman propose en quelque sorte une (petite) origin story pour ces vilains. Zoë Kravitz (Big Littles Lies) redouble de charme et d’animalité en Selina Kyle, tout en proposant un contraste bienvenu avec la chauve-souris. Plus charnelle et espiègle face au sérieux papal et virginal de Batman, cette dernière partage par ailleurs une belle alchimie avec Pattinson. Et qui dit femme fatale et son détective privé, dit la pègre et le tuteur : Colin Farrell (The Lobster) est non seulement surprenant en Ozwald Cobblepot de par un maquillage et une intonation totalement différente, mais surtout capture le côté bouffon et bigger-than-life du personnage tel le Al Capone des Incorruptibles.
Ce qui nous mène à Paul Dano (Okja) en Homme-mystère singeant Jigsaw ou le Tueur du Zodiaque. S’il se veut excellent la plupart du temps, on sent que l’acteur rejoue curieusement ses partitions de Prisoners et There Will Be Blood, quitte à être un tantinet dans le cabotinage. Pas de quoi rendre le tout désincarné, d’autant que ses motivations sont amenées de manière pertinente. Un canevas qui cependant ne surprendra personne tant on en devine les enjeux passée la première partie, via une enquête légèrement sous-écrite et désamorçant ses excitantes prémices. En résulte un dernier tiers en circuit fermé malheureusement beaucoup plus attendu, tant en terme de déroulé, d’utilisation de personnages et de sur-explication.
Le Bat et le Matt
Dans une Gotham gangrenée par le crime depuis des décennies, on pourra pester sur des personnages étonnés d’évidences pour quiconque aura déjà entraperçu une œuvre policière, ou bien devant un récit assez étiré malgré des révélations balisées (voire désamorcées). Un constat dommageable, qui aurait clairement permis au film d’être une vraie réussite sur tous les points. Malgré cette durée peu justifiée (ne rajoutant peu voire pas plus de développement de personnage pour autant), The Batman arrive à nous agripper via sa principale star : Matt Reeves !
Outre la beauté assez sidérante du film (à travers ses nuances de noirs profonds et de lumière ocre), le film nous plonge dans son monde crépusculaire via de nombreuses séquences méticuleusement agencées. Un Batman s’annonçant via le bruit de ses éperons à du malotru en mal de salades de phalanges, à une séquence tendue (flirtant avec l’horreur) de désamorçage de bombe, en passant par une infiltration en nightclub… Reeves est à l’aise sur tous les registres. Le clou du spectacle (qui n’est pas le climax, bien qu’efficace) est sans conteste la poursuite à bord de la proto-Batmobile, absolument imparable dans son montage et totalement jouissive.
Et c’est bien là qu’on retiendra The Batman : s’il ne révolutionne rien concernant ce qui a pu être dit sur l’Homme chauve-souris, et déçoit légèrement avec une 3e partie manquant de finesse, cette nouvelle aventure propose une ambiance, un ton, une fabrication et une représentation inédite du célèbre héros. Bien sûr, on pourrait allègrement parler plus amplement de la superbe musique de Michael Giacchino (Les Indestructibles), convoquant à la fois Goldsmith, Zimmer ou Shirley Walker avec un soupçon de film noir… mais rien que l’écoute du thème orchestral principal suffit à donner le ton !
Renouveau singulier
Digérant admirablement ses illustres influences (sans être toutefois à la hauteur en terme d’écriture), The Batman délivre donc une relecture singulière de Bruce Wayne. Outre une lettre d’amour au polar et aux comics des 80’s-90’s, nous tenons avant tout une proposition de cinéma forte au sein du paysage blockbusteresque et super-héroïque contemporain. Si l’absence de R-Rated se veut également une discrète limite, Matt Reeves parvient encore une fois à confirmer son statut d’auteur opérant dans le milieu hollywoodien.
Avec un Robert Pattinson instantanément imposant dans le rôle, un casting irréprochable et une ambiance ultra immersive, The Batman représente la très belle amorce d’une future trilogie prometteuse. Ne reste plus qu’à proposer une ligne scénaristique plus développée afin de définitivement assoir la chauve-souris comme symbole iconique d’un cinéma populaire polymorphe et audacieux. C’est à ne pas manquer !
The Batman sort en salles le 2 mars 2022
avis
The Batman de Matt Reeves s'impose comme une des plus belles aventures de l'homme chauve-souris ! Doté d'une ambiance électrisante, d'un casting de talent, d'une mise en scène chiadée et de visuels sidérants de beauté, ce premier opus de trilogie lorgne bien plus vers le polar que le film de super-héros. Seule une intrigue légèrement sous-écrite et une durée pas totalement justifiée diminuent sa profession de foi.