The Batman est enfin sorti. Si la nouvelle version signée Matt Reeves s’avère surprenante, elle n’en demeure pas moins perpétuellement malmenée par ses grandiloquentes ambitions.
The Batman (notre critique) surprendra beaucoup de monde. La noirceur et le côté hyper réaliste de la vision de Matt Reeves et Peter Craig (que l’on a déjà vu à l’œuvre sur le très bon The Town et le moins bon Bad Boys for Life), la nouvelle interprétation hyper torturée de Robert Pattinson, et un scénario trop plein ralentissant malheureusement la cadence poisseuse de la brillante mise en scène de Matt Reeves. On revient donc sur The Batman, en évoquant le meilleur, jusqu’au pire.
La mise en scène
The Batman ne rigole pas sur la mise en scène, et c’est là son véritable point fort. On avait déjà pu admirer la maitrise formelle de Matt Reeves sur plusieurs gros blockbusters, avec dernièrement sa formidable gestion de la performance-capture sur les deux derniers opus de La Planète des Singes. L’ultra-réalisme, ainsi qu’un contexte sociétal très actuel régnaient déjà sur sa propre version, nourrissant perpétuellement The Batman en de décors apocalyptiques tout bonnement fascinants.
Sa mise en scène du Riddler (avec un Paul Dano rappelant son interprétation de Prisoners), de Gotham et de club dépravés finissent ainsi d’ancrer sa vision du Chevalier Noir dans une ambiance de film noir poisseuse que ne renierait pas un certain David Fincher. Matt Reeves n’est cependant pas Todd Philips, qui avait singé de manière très caricaturale Martin Scorsese sur Joker. Des morceaux de bravoure, on en compte ainsi beaucoup, avec en parangon une course-poursuite palpitante de maîtrise tant le cinéaste sait filmer ce chaos avec nervosité et maîtrise. Le manoir Wayne transfiguré en manoir gothique, une ville déchirée, un cinéaste très inspiré fourmillant de belles idées, et un tableau d’une noirceur palpable très réussi.
La bande originale
Comme Matt Reeves, on connaissait déjà le talent indiscutable de Michael Giacchino pour s’emparer de mythes avec un réel sens de l’épique. On pourrait ainsi vous évoquer passion ses grandioses compositions (dépassant parfois la qualité des films) pour Star Trek Into Darkness, A la poursuite de demain, Les Indestructibles 2 et Rogue One : A Star Wars Story. Succéder à des compositeurs légendaires n’a jamais dérangé Michael Giacchino tant son talent et sa vision transpirent à chaque note.
N’y allons donc pas par quatre chemins : pour The Batman, le compositeur signe tout simplement sa meilleure partition. Michael Giacchino n’a pas l’opulence d’un Hans Zimmer qui faisait des décors de Dune des terrains d’exploration parfois trop envahissants. Le compositeur signe ici une bande-originale funeste hypnotisante parfois digne d’un (très grand) film d’horreur. Ses titres épousent ainsi parfaitement le spectre terrifiant du Chevalier Noir dans une atmosphère à la fois terrifiante, étouffante et ensorcelante. Du très grand Michael Giacchino.
Le casting
C’est bien là que The Batman commence à dangereusement tanguer . Robert Pattinson, Zoé Kravitz, Paul Dano, Jeffrey Wright, John Turturro, Andy Serkis, Colin Farrell : malgré ce prestigieux casting, il n’y en aura hélas pas pour tout le monde. Si Robert Pattinson se révèle ainsi très convaincant, sa prestation torturée frise parfois la caricature d’adolescent gothique en manque d’estime. Si Zoé Kravitz, Jeffrey Wright et John Turturro semble ainsi avantagés, Andy Serkis et Colin Farrell semblent malheureusement peupler The Batman uniquement tels de luxueux figurants.
Ce manque d’intérêt pour certains personnages reflètent ainsi un scénario trop lourd, jouant avec ses personnages comme des marionnettes, les jetant à chaque nouveau (et finalement lassant) rebondissement. The Batman évoque ainsi un maladroit jeu de chaise musicale où le personnage de Riddler sera celui à le plus en pâtir : après une introduction brillante, le film semble vouloir la rejouer The Dark Knight pour le cantonner à un rôle d’antagoniste comme les autres.
Le scénario
The Batman a l’ambition démesurée de durer près de 3h. Et le film de Matt Reeves a ainsi largement le temps de passer de la belle et prenante vision torturée à la surenchère répétitive. Jonglant maladroitement entre son imposante galerie de personnages (comme évoqué plus haut) et ne sachant plus se conclure au moment le plus opportun, The Batman nous échappe donc peu à peu. Le scénario épais de Matt Reeves et Peter Craig fonctionne ainsi à rebours de la mise en scène léchée du cinéaste. On assiste ainsi à un épuisant dénouement, qui délaisse son ampleur pour un trop plein qui finit par écœurer.
On enchaîne ainsi sans temps mort deux arrestations musclées, une scène clin d’œil amenuisant la vision nouvelle de Matt Reeves, une inondation de Gotham, le sauvetage de la ville, une histoire d’amour avortée et le passage de Chevalier Noir du statut d’ombre menaçante à celle d’un héros bien aimé et enfin considéré. C’est trop, et très mal amené, d’autant plus pour un film qui a pris tant de temps à travailler son univers et sa mise en scène.
The Batman atteste ainsi du meilleur de la vision de Matt Reeves, et ce brillamment accompagné de la partition funeste et envoutante d’un Michael Giacchino ici à son meilleur. Dommage que l’ensemble soit parasité par les ambitions grandiloquentes d’un scénario trop empesé pour son propre bien, nous servant ici de véritable ascenseur émotionnel, nous ramenant malheureusement rapidement (et douloureusement) les pieds sur terre.