Après un détour chez Marvel pour Thor Ragnarok, Taika Waititi revient à un film aux ambitions toutes autres. En effet, Jojo Rabbit est une production Fox Searchlight tout à fait singulière. Une fable se déroulant dans l’Allemagne nazie, où le réalisateur retrouve son univers décalé.
Jojo Rabbit se présente comme une comédie satirique. On y suit Johannes « Jojo » Betlzer, un jeune endoctriné des jeunesses Hitlériennes, ayant pour ami imaginaire le Führer en personne. Avec son père disparu au combat, sa sœur décédée et ayant pour seule famille sa mère Rosie, il va très vite découvrir une juive cachée chez lui. Un sujet épineux donc et pas franchement joyeux.
Mais pourtant Waititi arrive à jongler à merveille entre le comique pur (on pensera au Dictateur de Chaplin évidemment ou aux films de Lubitsch et Mel Brooks) ainsi que l’évocation des horreurs de l’époque tout en conservant un point de vue enfantin (La Vita è Bella de Roberto Benigni n’est également pas très loin). En faisant rire et en prenant le point de vue d’un enfant, le réalisateur baisse la garde du spectateur et distille des doses de drame avec un vrai poids. Une recette imparable qui fonctionne du tonnerre !
Surprenant à plein d’égards, Jojo Rabbit bénéficie d’un humour incisif et fin qui fait mouche. Il suffit de voir les scènes burlesques avec Sam Rockwell et Rebel Wilson en formateurs de la cause aryenne (les aficionados de Wolfenstein seront ravis), le passage avec un Stephen Merchant de la Gestapo absolument savoureux, et bien sûr un Taika Waititi qui se prend un plaisir monstre à jouer un Adolf Hitler diablotin et grand-guignolesque.
Tout ceci aurait pu rester au rang de blague, mais Jojo Rabbit possède une durée parfaite, ainsi qu’une maîtrise totale de son propos ainsi que de sa narration. En effet, le récit se renouvelle vite dans ses enjeux et dans son humour. Une écriture de très bon acabit au service d’une histoire touchante et pertinente.
Original, pinçant et délicieux
A mesure que le film avance, le récit ne stagne donc jamais : scène d’horreur méta avec l’introduction de Thomasin McKenzie (géniale), tendresse bienvenue avec une Scarlett Johansson épatante en mère combative prête à tout pour sauver l’innocence de son fils, séquences où la violence de la guerre est suggérée plus ou moins frontalement…Jojo Rabbit prend le genre à bras le corps mais nous ramène toujours au drame en filigrane pour en exorciser les démons et amener l’émotion.
A ce titre, la relation entre Jojo (un impressionnant Roman Griffin Davis qui apporte un jeu candide savoureux tout en portant le film) et Elsa est une autre réussite notable. Au-delà d’une ode au « vivre-ensemble », Jojo Rabbit intime à tout le monde de communiquer sans jamais renier sa singularité, en dépit des conventions obsolètes.
Visuellement le film est également une réussite, dotée d’une production design faisant penser aux films de Wes Anderson. Une direction artistique colorée retranscrivant la mode de l’époque et en adéquation avec le mode de pensée dans lequel évolue le personnage éponyme. L’OST de Michael Giacchino (Coco, Zootopie, Rogue One) amène l’émotion ou la jovialité comme il faut, via un usage de sons de fanfare ou d’autres ballades plus lyriques absolument délicieuses.
En définitive, Taika Waititi nous conte un autre film absolument délectable dans sa filmographie. Jojo Rabbit est une très bonne pioche mariant les genres à merveille, et avec une vraie singularité qui amène automatiquement l’adhésion. On en ressort conquis !