Disponible sur Warner TV depuis ce lundi, la première saison de Raised by Wolves est le parfait exemple de ce qui fait le génie et les scories de Ridley Scott.
La Terre détruite par une guerre idéologique, deux androïdes élèvent les derniers enfants humains sur une planète éloignée. Néanmoins, la religion pointe bientôt le bout de son nez, ses émissaires prêts à tout pour que se réalise une prophétie. Pas diffusée chez nous sur OCS (qui d’ordinaire possède les droits de diffusion des projets HBO), Raised by Wolves arrive sur Warner TV, signe que l’avenir prochain de HBO Max est encore incertain dans nos contrées. Mais revenons à nos moutons.
Ridley Scott est à la production et derrière la caméra des deux premiers épisodes (notre critique) de Raised by Wolves, où l’on retrouve l’empreinte immuable des thématiques chères à son auteur. Cependant, si les épisodes qu’il met en scène nous émerveillent, la suite du show nous aura charmé les mirettes mais fermement pompé l’air.
Ainsi, ce sont plutôt les défauts systématiques de la filmographie de Ridley Scott qui déteignent sur les bonnes intentions de Raised by Wolves. Le réalisateur de Blade Runner, Alien ou des récentes blagues douteuses comme Prometheus, Covenant ou Seul sur Mars tente d’étendre son empreinte filmique au petit écran. Or s’il apporte son talent visuel et narratif incomparable, sa mégalomanie créatrice et métaphores créationnistes continuent malheureusement de dégouliner sur son œuvre. Dommage.
Kingdom of Covenant
Alors on va d’abord tempérer nos propos, Raised by Wolves est une série extrêmement qualitative. Similaire à Westworld dans son ambition et propos cyberpunk, le show jouit d’une écriture complexe et d’une imagerie particulièrement soignée, pas de doute, c’est un bijou télévisuel. Déjà renouvelée pour une seconde saison, la série créée, écrite et showrunnée par Aaron Guzikowski (déjà à l’écriture de Contraband, Prisoners, ou Papillon) met donc en place de nouvelles théologies ainsi qu’une mythologie dystopique particulièrement attrayante.
Le discours sur l’émergence des sentiments maternels et paternels chez l’intelligence artificielle y est magnifique et profondément humain. Des émotions qui transpercent le prisme synthétique des androïdes grâce au jeu incroyable de Abubakar Salim, à la naïveté déroutante mais surtout de Amanda Collin qui donne vie à ni plus ni moins que le meilleur personnage féminin depuis Ripley. Destructrice omnipotente ou mère poule attentionnée, une protagoniste ambivalente qui porte le show sur ses épaules androgynes et transmet, assez paradoxalement, toute la fragilité et délicatesse de l’humanité quand les véritables humains sont plutôt porteurs de misérabilisme, de haine et de convictions aveugles.
Un mysticisme omniprésent dans l’œuvre de Scott, de Blade Runner à Gladiator qui revient ici sur des métaphores bibliques dont on se serait bien passées. Le parfait récit de science-fiction ne pouvait donc que s’orienter vers ses grandes références cinématographiques, des androïdes au sang blanchâtre comme dans Alien aux discours ésotériques et poussiéreux (visuellement) de Kingdom of Heaven sans oublier de généreusement tout saupoudrer de créationnisme bien pensant à la Prometheus. Exit les théories darwinistes pour bien tomber dans l’hégémonie de créatures surnaturelle à l’origine de toute vie. On y retrouve donc la personnification du serpent, image satanique du Mal, ou de la vierge Marie, voire de Adam et Eve, sans parler du jeune prophète menacé par l’ancien royaume.
Un choix narratif qui pourrait devenir pertinent si les enjeux de cette première saison ne promettaient pas un regard sur l’émancipation de l’IA au contact d’une jeune humanité avide de curiosité. Or à l’instar de l’intrigue profanatrice de Covenant, Scott et donc Guzikoswski tendent à saper toute recherche d’évolution personnelle par un plan divin omniscient. L’occasion d’enfin explorer la grande création de l’humanité et de ce qui en découle à l’échelle galactique ? Une origine omnipotente et donc biblique, bien loin de la science-fiction et du cyberpunk, à moins qu’on ne considère l’Ancien et le Nouveau Testament comme de la SF avant-gardiste…
Raised by Wolves est une série follement ambitieuse dans sa forme mêlant dystopie aseptisée à la théologie survivaliste presque moyenâgeuse, même si elle souffre du délire créationniste de son auteur, désespérément en quête de réponses divines.