Présenté à Cannes dans la catégorie Hors Compétition, Elvis signe le grand retour de Baz Luhrmann (Moulin Rouge!, Gatsby le Magnifique) au cinéma. Dans ce biopic du King, le réalisateur australien y injecte tout son univers visuel dans une célébration de la vie d’Elvis Presley, portée par une superbe performance d’acteur.
Après Freddie Mercury, Elton John et d’innombrables biopics (dont bientôt Michael Jackson et Madonna) sur de grandes figures de la chanson, ce n’était qu’une question de temps avant qu’Elvis Presley soit sous le feu des projecteurs. John Carpenter avait déjà pu mettre en scène Kurt Russell dans le rôle dans un téléfilm, mais il faudra attendre 2019 pour qu’un film retraçant la vie de la légende du rock n roll puisse voir le jour.
Habitué des fresques pseudo-historico-romantiques, Baz Luhrmann porte le projet avec l’aval de la famille Presley, et un long processus de casting pour trouver l’acteur idéal. Miles Teller, Aaron Taylor-Johnson, Ansel Elgort, Harry Styles…plusieurs noms ont concouru mais c’est Austin Butler (Once Upon a Time…in Hollywood) qui décroche la timbale. Affublé d’un gros budget de 200 millions de dollars, Elvis représente un biopic d’emblée fastueux visuellement, et caractérisé par la patine singulière de son réalisateur.
S’ouvrant en flash-forward et narré en voix-off par le Colonel Tom Parker (le manager joué par l’immense Tom Hanks), Elvis suit un programme très codifié en terme de structure, à savoir le rise & fall. Ainsi, tout au long des 2h40 bien remplies du métrage, nous suivrons le personnage sur une vingtaine d’années, jusqu’à sa mort prématurée. Des débuts modestes à l’ascension, jusqu’au trépas en passant par le point culminant de sa gloire et ses propres déboires : Elvis contre-carre son programme attendu par une explosion visuelle et musicale de chaque instant, et ce dès les premières secondes où Baz Luhrmann use (et abuse) de tous les artifices possibles pour s’emparer du mythe.
Grandiloquence cocaïnée
On le connait le Baz depuis le temps ! Que ce soit avec Roméo + Juliette, Australia, Moulin Rouge! ou bien The Get Down, l’australien a un style hyper-kinétique, coloré et grandiloquent immédiatement identifiable. Split-screens et surimpressions se conjuguent dans un torrent aussi délirant que parfois grotesque, donnant de facto une énergie de montage tout simplement galvanisante. L’accent sur la musique est indéniablement au premier plan, et Luhrmann ose encore quelques digressions anachroniques (du Doja Cat reprenant « Hound Dog » ou encore un étonnant mash-up impliquant du Backstreet Boys avec l’instru du « Toxic » de Britney Spears) pour un résultat hybride.
Néanmoins, ce qui aurait pu s’apparenter à un délire foutraque fait curieusement sens avec une vraie cohésion, en embrassant l’aura flashy, démesurée et sous amphétamines d’Elvis Presley. Un côté baroque qui épuise pas mal sur la fin : la musicalité est constante, et le rythme ne se pose que trop rarement pour laisser entrer l’émotion requise (surtout lors de la 2nde partie censée aborder la chute de la rockstar). Un aspect surligné constant (la voix-off en rajoute pas mal, alors que la mise en scène parle souvent d’elle-même) qui demeure bien excitant et survolté dans une première heure enflammée et euphorique permettant d’apprécier une belle reconstitution d’époque (et stylisée), ainsi qu’une immense performance d’acteur au premier plan !
Austin Butler est Elvis
Le film a beau avoir un chouette casting, c’est très clairement Austin Butler qui illumine l’écran à chaque séquence. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il soit le sosie absolu de Presley, mais dès sa première apparition il arrive à convaincre en véhiculant tout le côté suave et charismatique d’Elvis. L’acteur l’a même confirmé, il a fallu un travail de 3 ans pour totalement digérer les mimiques, gestuelles et même l’intonation du célèbre chanteur pour un résultat qui force le respect. Autant à l’aise dans le drama que sur scène, le bougre pousse même la chansonnette (sauf pour les séquences vers la fin de vie) comme un pro : on est plus du côté de Rocketman que Bohemian Rhapsody donc !
Impeccable du début à la fin, il en éclipserait presque l’entièreté de la distribution. Tom Hanks arrive à lui tenir la dragée haute dans un maquillage prosthétique Oscar-bait et un accent néerlandais parfois proche du cabotinage, mais le Colonel Tom Parker se révèle être une vraie figure d’intérêt. Sorte d’imprésario redoutable adapte d’entourloupes en tout genre, le personnage d’apparence caricatural fonctionne en narrateur et marionnettiste de l’ombre ayant « fabriqué » Elvis. Jamais dépeint comme un grand être machiavélique, on tient là un portrait nuancé mais conférant une aura énigmatique bienvenue. Un personnage de cinéma qui rencontre l’Histoire autant qu’Elvis, pour un duo dont la relation est un fil rouge central du film.
Une ode à la mythologie d’Elvis
Elvis a beau avoir un récit aux accents connus (l’accès à la gloire, les déconvenues avec le manager, la difficulté de gérer sa vie privée, l’addiction à la drogue, unes des journaux…), le scénario prend de manière perspicace le pouls d’une Amérique puritaine des 50’s-70’s, en pleine amorce de la libération des mœurs. Ainsi, le chanteur est dépeint comme prisonnier de sa propre image (naissance du merchandising et d’un star system prônant le spectacle et la bienséance sur le reste), et aussi comme vecteur d’un métissage culturel et créatif (bien réprimé à l’époque par les médias).
Fan de super-héros dès l’enfance et fasciné par le blues ou le jazz, le film convoque tout ce bagage en pointant de manière pertinente l’apport d’artistes afro-américains (Little Richard, Arthur Crudup, Big Mama Thorton ou bien B.B. King joué par Kelvin Harrison Jr) dans l’identité musicale d’Elvis. Une dimension politique qui apporte une certaine singularité au récit de la vie du chanteur, tout en laissant de côté sa vie familiale, notamment avec sa femme Priscilla (Olivia DeJonge). Un caractère survolé bien que présent, mais en adéquation avec le propos du film.
Au final, Elvis contrecarre un agenda classique dans sa narration chronologique par un festin visuel des plus copieux (parfois même dans l’excès), une énergie hyper-kinétique via un montage survitaminé et son côté jukebox musical, ainsi qu’une sacrée performance d’acteur par Austin Butler. De manière assez surprenante, le style de Baz Luhrmann rentre plutôt bien en symbiose avec l’iconographie d’Elvis, dans ce qui constitue une célébration du King of Rock n Roll , en plus d’un film comme nul autre.
Elvis sortira au cinéma le 22 juin 2022
avis
Elvis est un biopic au récit classique, voire même attendu par instants,mais que Baz Luhrmann compense par une énergie et une musicalité de chaque instant. Fastueux visuellement, parfois même jusqu'à l'épuisement au terme des 2h40 bien remplies. Abordant de manière politique et symbolique la vie du chanteur, on retiendra par dessus tout la saisissante performance d'Austin Butler, dont le mimétisme du King porte le métrage à lui-seul. C'est bien !