Après le formidable Marriage Story, Noah Baumbach revient avec White Noise. Toujours en partenariat avec Netflix et présenté à la Mostra de Venise, cette chronique familiale sous forme de satire existentialiste détone par ses ruptures de ton constantes.
White Noise est le troisième film produit via Netflix pour Noah Baumbach. Après le sympathique The Meyerowitz Stories et le superbe Marriage Story, ce dernier décide d’adapter le roman éponyme de Don DeLillo sorti au milieu des années 80. Cette fois, il retrouve Adam Driver (Annette, Le Dernier Duel) devant la caméra, avec sa femme Greta Gerwig (Lady Bird, Barbie) qu’il avait déjà dirigé dans Greenberg et le très bon Frances Ha.
White Noise nous présente donc Jack Gladney (Adam Driver), professeur « d’études Hitlériennes » et père d’une famille recomposée de quatre enfants avec sa compagne Babette (Greta Gerwig). Tout semble aller pour le mieux jusqu’à ce que Jack soit alerté par le comportement de plus en plus étrange de sa femme (qui prend en cachette un mystérieux médicament dénommé Dylar)et ait des cauchemars d’allure prémonitoires. C’est alors qu’un nuage toxique menace toute la ville, et les oblige à bouleverser leurs habitudes.
Un pitch de départ qui a lui seul cristallise tout le propos de cette histoire lorgnant vers l’humour noir, la satire et l’absurde en traitant la peur de l’inéluctable, et nous renvoyant face à notre propre existence friable. Plaçant son action en 1984 (décidément année charnière tous mediums confondus), White Noise séduit par le soin global de sa fabrication : visuellement chaleureux, mise en scène travaillée de Baumbach (dont un super « ballet de supermarché » final) et même une BO réussie d’un Danny Elfman renouant avec ses productions des années 2000 (sans être aussi iconique).
Bruit blanc
Cependant, quelques éléments viennent tarir l’enthousiasme initial au fil des 2h de métrage, avec sa structure inconstante en 3 actes distincts. Alors que le premier amène plutôt efficacement ses pions thématiques, notamment le ludisme des catastrophes (la fascination pour les explosions au cinéma en est un exemple), le caractère trouble de l’information télévisuelle/radiophonique ou encore le goût pour le sensationnalisme, c’est via sa seconde partie que la mayonnaise prend.
Un acte central où le réalisateur embrasse la comédie à bras le corps et avec aisance, alors que la famille s’engage à fuir une catastrophe imaginaire : même 40 ans plus tard le récit se veut pertinent (d’autant plus à l’ère Covid) avec ce gouvernement tentant une régulation sanitaire efficiente vitesse grand V. Une dimension socio-politique anime White Noise de manière bien prégnante, il est donc assez regrettable que son discours soit si appuyé de manière si explicite.
Un travers dans lequel tombe le film assez régulièrement, en énonçant verbalement ces intentions de manière théorique par la bouche de ses personnages. Un manque de confiance en l’outil cinématographique en préférant un aspect plus verbeux, et qui met donc White Noise dans une position bicéphale nuisant à la spontanéité de ses saillies burlesques (le climat de panique de la portion centrale est là encore LA grosse réussite humoristique du métrage).
Un film Drivé par Adam
Heureusement il y a de vraies fulgurances bien réussies tout au long du film, où le surréalisme entre souvent en jeu, aidée par son excellent casting. Si les rôles secondaires sont totalement oubliables (on a quand même André 3000, Jodie Turner-Smith ou Don Cheadle au cast), que Raffey Cassidy (Tomorrowland, Mise à mort du cerf sacré) vole souvent la vedette et que c’est un vrai plaisir de retrouver Greta Gerwig devant la caméra (même si son rôle se révèle bien moins intéressant passé quelques menues révélations finales), c’est encore une fois Adam Driver qui tire son épingle du jeu.
Décidément à l’aise dans n’importe quel registre (et dans n’importe quelle configuration capillaire), ce dernier excelle en patriarche borné niant le caractère fragile de sa propre existence. Driver porte White Noise sur ces épaules musclées, et prouve encore une fois qu’il est un des tous meilleurs acteurs de sa génération. De quoi pallier à un certain manque de tenue dans sa dernière partie, abordant quand même des thématiques telles que l’amour ou la mort mais de manière plus illustrative.
Au final, malgré ces imperfections narratives, White Noise ne fait pas office d’outsider dans la filmographie de Baumbach. Souvent inspiré et bien emballé, le résultat ne parvient peut-être pas à efficacement capter toutes les nuances thématiques du roman de DeLillo, mais reste investi d’une envie de cinéma. Pas le meilleur Baumbach loin de là, mais une nouvelle réalisation qui vaut le coup d’œil.
White Noise sortira sur Netflix le 30 décembre 2022
avis
Ayant le cul entre deux chaines, White Noise se veut parfois trop illustratif ou laborieux dans son discours sociétal heureusement pertinent. Doté d'une structure en 3 actes inégaux, ce nouveau Baumbach vaut heureusement le détour par sa fabrication chiadée, ses fulgurances absurdes, et son casting impeccable !