L’Asile de la pureté est à parfaire dans sa mise en scène mais propose de découvrir un texte saisissant du dramaturge québécois Claude Gauvreau.
Le comédien Jean-Philippe Boivin se tient debout avant-scène, une lumière éclaire son visage. Il sourit, nous regarde, sourit à nouveau avant de prononcer la toute première phrase du spectacle : « je veux bien consentir à meubler pour vous ces instants d’attente ». S’ensuit un monologue introduisant le protagoniste principal de L’Asile de la pureté : Donatien Marcassilar. Poète qui n’a jamais voulu de carrière fructueuse, Donatien est à la fois amant, anarchiste, libertin, artiste maudit… mais surtout, un homme qui n’est plus, un homme aujourd’hui fini.
Une grève de la faim
Tout commence à l’annonce du suicide de sa muse, Edith Luel, la femme qu’il aime. Dévasté par sa mort, Donatien décide d’entamer une grève de la faim, qui ressemble plutôt à un jeûne longue durée puisqu’il n’attend rien en retour. Pas de négociations possible pour cet homme qui désire mourir en offrant un dernier hommage vibrant à cet amour disparu. La question se pose, cet hommage est-il fou ?
Autour de lui, cette décision enflamme les esprits. Divers personnages tentent désespérément de le convaincre de manger, y allant chacun de leurs arguments. « Mange Donatien, mange ! Tu n’as pas de raison de te laisser mourir » chantonnent-ils tous sans comprendre que c’est justement la raison même qui pose problème à Donatien, lui qui meurt pour une transcendance. Oser transcender la raison – en voilà une idée folle ! – qui le mènera peut-être à l’asile de la pureté.
Le langage de Gauvreau
L’Asile de la pureté est une complète découverte : celle d’un auteur majeur de la littérature québécoise pourtant méconnu en France. Claude Gauvreau captive par son langage à la fois philosophique, social et politique ; une réflexion sur la vie, l’art et la folie. La langue est tout simplement belle et on se délecte de chacune de ses phrases, de chacun de ses mots, choisis avec habileté. Le texte est poétique, formé à partir d’allitérations, d’assonances, de métaphores… Gauvreau fait sonner la langue française et il est certain qu’il faudrait prendre le temps de le lire pour cerner toute la complexité de ses pensées.
La mise en scène de Matthias Lefèvre rend justice au texte en présentant des comédiens au jeu statique dans les deux premiers actes. Leur immobilité ne dérange pas, bien au contraire, puisqu’elle nous permet de nous focaliser sur le texte. On écoute plus qu’on ne regarde.
Quatre comédiens
A regarder, il y a justement Matthias Lefèvre dans le rôle de Donatien Marcassilar, et ses trois acolytes – Jean-Philippe Boivin, Gabrielle Boucher et Chloé Chartrand – qui interprètent les autres personnages : la mère, le frère et la soeur de Donatien ; Eudes, l’athée qui souhaite donner une motivation à cette grève de la faim ; Abraham de Turlur, l’homme de théâtre cupide ; ou encore, Jeanne Moreau, la comédienne star et surtout, le deuxième amour de notre Donatien. Ils évoluent sur le plateau, changeant de costumes à vue, dissimulés derrière des mannequins de couture.
Si leur prestation convainc dans son ensemble, certains choix dans la mise en scène et la direction d’acteur questionnent : d’abord il y a cette tablette permettant de contrôler la lumière de la scénographie que les comédiens tiennent à la main à tour de rôle. Est-ce un choix artistique ou une solution par défaut ? Dans les deux cas, on reste sur sa faim. Et surtout, pourquoi Donatien n’est-il pas impacté physiquement par la grève de la faim ? Son corps reste droit, solide, il ne flanche pas, ne semble pas fatigué ; un constat étonnant après quatre-vingt-dix jours de jeûne.
A travers ce spectacle, Matthias Lefèvre a tenté de mettre en avant un texte de Claude Gauvreau et le pari est réussi. Une fois sorti on ne désire qu’une chose : lire L’Asile de la pureté.
L’Asile de la pureté, écrit par Claude Gauvreau et mise en scène par Matthias Lefèvre, avec Jean-Philippe Boivin, Gabrielle Boucher, Chloé Chartrand, Matthias Lefèvre, se joue du 3 au 21 juillet 2024 à 11h25 à La Factory – Salle Tomasi.
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Avis
L'Asile de la pureté propose de découvrir un texte saisissant du dramaturge québécois Claude Gauvreau. S'il certains éléments de la mise en scène posent question, le spectacle convainc et donne envie de nous plonger dans les écrits de ce cet auteur.