Dans la peau de Blanche Houellebecq poursuit avec un degré supplémentaire d’ambition et de délire la drôle de trilogie de Guillaume Nicloux, jouant perpétuellement avec un feu qui finit inexplicablement par s’éteindre.
Dans la peau de Blanche Houellebecq est donc la suite de L’Enlèvement de Michel Houellebecq, drôle de téléfilm à la fois récréatif et expérimental à la gloire de Michel Houellebecq diffusé il y a près de dix années sur Arte, et sa suite, Thalasso, confrontant l’auteur à Gérard Depardieu dans une thalassothérapie normande, cette fois sur grand écran. Mais pour Guillaume Nicloux, c’est aussi et surtout l’occasion de s’emparer du colonialisme, thème déjà abordé dans son passionnant Les Confins du Monde avec la même désespérance que son récent La Tour, et de signer le troisième volet le plus passionnant et le plus détraqué depuis la clôture de sa formidable trilogie policière en 2007, constituée des géniaux Une affaire privée, Cette femme-là, et La Clef.
À cette époque, la comédie n’allait hélas pas très bien à Guillaume Nicloux qui s’était pris les pieds dans le tapis avec le lourdingue Holiday, ayant heureusement su rebondir en quatre drames avec la partie la plus passionnante de sa carrière, de La Religieuse à Valley of Love en passant par The End. Pourtant, la rencontre entre Michel Houellebecq et le cinéaste semble avoir ravivé une certaine flamme comique, entre un projet de genre passé inaperçu et un drame de commande porté par Fabrice Luchini n’ayant lui non plus hélas pas connu les honneurs du box-office (La Petite) : et ainsi arrive sur nos écrans l’inattendu, foutraque et hilarant Dans la peau de Blanche Houellebecq.
Colons et champignons
Dans la peau de Blanche Houellebecq réunit ainsi Blanche Gardin et Michel Houellebecq en Guadeloupe pour un concours de sosies dédié au célèbre auteur. Ce synopsis minuscule, presque digne de Quentin Dupieux, sera ainsi le prétexte à une suite d’évènements inattendus, entre dialogues et situations improvisés, citations et évocations du colonialisme, consommation abusive de rhum et de champignons hallucinogènes. Et ce qui diffère par rapport aux deux précédents volets plus fauchés et expérimentaux des aventures de Michel Houellebecq, c’est en premier lieu la forme, dont la résolution vidéo bas de gamme, alliée aux images d’archives et générées par intelligence artificielle, sur les notes du génial Chassol, fait ici clairement office de parti-pris artistique complètement assumé.
On est ainsi au plus près d’un Michel Houellebecq éteint et dégoulinant de sueur, dont le visage et l’allure perpétuellement inertes confèrent à l’auteur oscillant entre le comique malgré lui et l’être complètement étranger au monde et aux problématiques qui l’entoure, et d’une Blanche Gardin en parfait contrepoint, criant haut et fort un je m’en foutisme clair et assumé. Ainsi, même si l’on sent l’amour que porte Guillaume Nicloux pour l’auteur et son aura comique, lui offrant parfois un droit de réponse suite à ses trop nombreuses et répétitives polémiques, Dans la peau de Blanche Houellebecq est surtout l’observation d’un mépris vis-à-vis d’une cause noble, à savoir l’indépendantisme de la Guadeloupe, ici transfiguré en inarrêtable instant de délire où tout menace perpétuellement d’exploser.
Polémiques et sosies
Homosexualité, appropriation culturelle, meurtre, drogue, alcool, colonialisme, esclavagisme, Gaspar Noé, Michel Onfray et François Hollande sont ainsi mixés jusqu’à l’indigestion et barres de rire dans une performance artistique tanguant dangereusement entre l’absurde de South Park et le je m’en foutisme naturaliste de Groland. Reconstituant à merveille le brouhaha médiatique incessant, les débats absurdes et l’absence totale de prise de conscience politique du cirque triste qu’est la scène médiatique actuelle, Dans la peau de Blanche Houellebecq choisit ainsi de ne jamais y répondre que par un humour à-priori frondeur jouant perpétuellement avec le lance-flammes se noyant hélas aussi rapidement qu’une énième polémique stérile.
Filmer un dialogue impossible, une zone de turbulence et de non-sens dénuée de sens et de finalité, telle aura ainsi été la drôle de quête de cet étrange moment qu’est Dans la peau de Blanche Houellebecq, à la fois euphorisant et décevant. Ainsi, si jamais le film de Guillaume Nicloux ne ressemble à une énième comédie franchouillarde, il est la preuve qu’une fois de plus le cinéaste n’est jamais là où l’attend, déjouant les tics et les pronostics d’un film qui nous explose au visage et aux zygomatiques à la même vitesse qu’il finit par nous échapper, noyé dans les eaux d’un délire que l’on aurait aimé voir pleinement se concrétiser, assumer ses idées, son combat, ou bien tout simplement son je m’en foutisme libertaire, plutôt que de tenter d’y échapper de manière complètement inexplicable et expédiée.
Dans la peau de Blanche Houellebecq est actuellement en salles.
Avis
Oscillant entre l'euphorie et un absurde qui nous explose rapidement au visage et aux zygomatiques, Dans la peau de Blanche Houellebecq manie finalement sujets brûlants et polémiques dans un instant de délire aussi hilarant qu'euphorisant, avant d'inexplicablement se noyer dans une conclusion abrupte et décevante.