Argylle est le premier blockbuster de l’année, et pas des moindres : le nouveau film de Matthew Vaughn (Kick-Ass, Kingsman) ! Porté par un gros casting (Bryce Dallas Howard, Henry Cavill, Sam Rockwell, Samuel L. Jackson, Bryan Cranston, John Cena) cette comédie d’action-espionnage est une très grosse déception à la hauteur de son séduisant potentiel initial..
Matthew Vaughn fait office de vrai maverick dans le paysage blockbusteresque américain depuis plus d’une dizaine d’années. D’abord producteur pour Guy Ritchie, puis metteur en scène du très sympathique Layer Cake, Vaughn ce sera fait spécialiste des adaptations de comic books plus ou moins franchisés, que ce soit en réalisant le meilleur film X-Men ou en adaptant avec brio Kick-Ass et Kingsman de Mark Millar.
Bref, un auteur capable d’emballer de vraies déclarations d’amour au cinéma de genre tout en parvenant à le subvertir de manière pop et punk. Même son mal-aimé The King’s Man s’identifiait comme une belle lettre d’amour à un pan de cinéma aventureux d’antan, tel qu’on le fait plus. Et même si la réussite éclatante n’est plus vraiment présente depuis bientôt 10 ans, difficile de ne pas être curieux devant ce Argylle.
Le film s’ouvre sur une séquence typique du genre : un espion du nom d’Argylle (Henry Cavill) s’engage dans une poursuite en Grèce après un jeu de séduction. Mais la réalité est bien autre : Argylle est un personnage fictif d’une série de romans à succès par l’autrice Elly Conway (Bryce Dallas Howard). Casanière en puissance, cette dernière vit seule, partageant son quotidien entre son chat et les lignes de roman à écrire ensuite.
Mais son quotidien va être chamboulée lorsqu’elle va rencontrer Aidan Wilde (Sam Rockwell), un véritable espion chargé de la protéger face à la Division, une organisation de contre-espionnage gérée par Ritter (Bryan Cranston). La raison : ce qu’elle écrit semble être lié à de véritables secrets d’État ! Ainsi démarre une course à travers le globe dans un monde où chaque individu n’est pas celui qu’il prétend être.
Pot-pourri d’espionnage mal cuit
Un point de départ qui renvoie forcément au Magnifique de Broca ou bien À la poursuite du diamant vert de Zemeckis. Malheureusement, passée sa sympathique introduction, Argylle déçoit à presque tous les niveaux, se contentant là encore de renvoyer à d’autres œuvres du genre (Knight and Day, Anthony Zimmer ou bien même Au Revoir à jamais) sans réel panache ni aspect subversif qui caractérisait le cinéma de Vaughn.
La faute à un script signé Jason Fuchs (Pan) qui ne parvient pas à mélanger ses divers éléments (comédie, action, espionnage et double-narration pastiche métatextuelle) de manière organique, en plus de proposer un film beaucoup trop long : presque 2h20, et il faut presque une bonne heure pour mettre en place les enjeux classiques de cette aventure incapable de réellement faire voyager le spectateur).
Un manque d’accroche qui était pourtant une dimension absente chez Vaughn, mais même le cinéaste britannique semble s’empêtrer dans une resucée de ses talents en moins bien. Heureusement, Argylle amène parfois une petite idée de mise en scène passée une baston en train (relativement efficace mais classique), notamment dans un climax amenant une séquence d’action sous forme de ballet ou bien un patinage à l’arme blanche sur pétrole.
Argylle, ou l’espionnage qui tourne à vide
Mais passées ces maigres consolations, difficile de retenir grand chose d’un métrage dont on peine à croire que le budget est de 200 millions de dollars (les précédents films de Vaughn étaient plus aboutis même niveau FX avec la moitié voire le tiers de cette somme), où l’artificialité de certains décors et autres effets visuels dénote avec les intentions d’Argylle.
En effet, passée une première partie à la Last Action Hero, où le fictif vient contaminer le réel avec un certain décalage (mais sans fulgurance tout en étant plombé par son rythme), Argylle prend ainsi une autre tournure, embrassant cette fois-ci complètement les tropes du genre espionnage. Dès lors, la trame devient plus conventionnelle (mais mieux centrée), rappelant parfois que l’auteur des Kingsman est là (même de manière plus frontale lors de sa conclusion..).
Galerie illustrative
Mais Argylle ressemble finalement à un mashup plutôt qu’à une œuvre autonome parfaitement digérée, jusque dans son gros casting : réussi, mais se contentant du minimum syndical. On regrettera ainsi que les personnages fictionnels (Henry Cavill et son balais-brosse en guise de cheveux, John Cena et une chouette apparition de Dua Lipa) soient bazardés au profit d’antagonistes clichés sans aspérité, ou de deus ex machinas sur patte (la talentueuse Ariana DeBose sans doute conservée pour une hypothétique suite).
On retiendra néanmoins la bonne idée de placer Bryce Dallas Howard et Sam Rockwell en héros d’action, via deux personnages réussis, conférant à Argylle une signature moins attendue en terme de protagonistes de blockbuster. Pas de quoi réellement sauver cette nouvelle aventure d’un Matthew Vaughn qu’on espère rapidement reprendre du poil de la bête, car c’est bien la première fois qu’il loupe réellement sa cible sur un terrain qu’il connaît pourtant.
Argylle sortira au cinéma le 31 janvier 2024
avis
Avec Argylle, Matthew Vaughn livre sans nul doute le plus gros raté de sa carrière. L'auteur de Kingsman et Kick-Ass se livre à une séduisante aventure d'action-espionnage sur le papier, mais même sur un terrain qu'il connait bien le résultat n'est pas à la hauteur à presque tous les niveaux, malgré l'attachant duo principal constitué par Bryce Dallas Howard et Sam Rockwell. Plus qu'une déception : une déconvenue !