American Fiction est une adaptation du roman Erasure de Percival Everett, réalisée par Cord Jefferson. Le long métrage a récemment été récompensé du BAFTA du meilleur scénario, en plus d’être nommé dans cinq catégories aux Oscars, dont celle du meilleur scénario adapté. C’est une belle course aux récompenses, déjà bien entamée, pour une première réalisation tout aussi brillamment mise en scène.
American Fiction est porté par un casting de haut niveau, avec Jeffrey Wright, Tracee Ellis Ross (Black-ish), et Sterling K. Brown (This is Us). C’est est une satire mêlant intelligemment drame et comédie acide. Theolonious Ellison (Jeffrey Wright), surnommé Monk, est un écrivain frustré. En effet, son dernier roman n’a pas trouvé preneur chez les éditeurs. Agacé de voir des romans qu’il qualifie de « trauma porn » être multirécompensés, il décide de s’adonner à l’écriture d’une parodie. Mais, ce qu’il croyait être une blague finit par totalement lui échapper.
La mélancolie d’un intellectuel
Pour les écrivains dans l’âme, cette réplique de Monk, survenant assez tôt dans le film, donne très vite le ton : « Moi, tout ce que je fais, c’est inventer des petits personnages dans ma tête et leur mettre des conversations dans la bouche. » Si on sourit en l’entendant dire, la pointe de réalité qui y est sous-entendue est acide. En effet, Monk évolue dans une réalité qui le dépasse, et qui surtout le déprime. American Fiction réussit ici un tour de force en mêlant habilement des sujets sensibles derrière celui de la parodie.
Au thème de la famille, se mêle celui, bien plus large et sociétal, de la couleur de peau. Le personnage principal est confronté à la représentation de la communauté afro-américaine dans la littérature, une représentation façonnée pour les éditeurs, majoritairement blancs. De fait, cette thématique, absolument centrale dans le film, est ce qui amène la satire. Au-delà de la simple parodie, le propos que mène Cord Jefferson invite à la réflexion.
Une blague qui va beaucoup trop loin
Les films sur des auteurs en manque d’inspiration sont monnaie courante, tout comme l’écrivain raté, un leitmotiv du cinéma. Pourtant, là où Monk diffère et réussit à ajouter sa brique à l’édifice, c’est avec cette parodie qu’il écrit. Dans un scénario classique, on connaît tous l’histoire de l’auteur qui s’approprie un best-seller qu’il n’a pas écrit. Ici, Monk s’invente un nom et écrit une parodie de tout ce qu’il déteste en pensant que ça ne fonctionnera jamais.
Évidemment, c’est tout l’inverse qui se produit. Plus ses éditeurs, des blancs, s’enthousiasment devant ce chef-d’œuvre, promettant monts et merveilles à l’auteur, et surtout des sommes astronomiques, plus Monk se retrouve forcé de continuer sa parodie. « Plus je suis con et plus on me donne de l’argent », difficile de ne pas être hilare en entendant cette réplique du personnage principal, alors qu’il est en train de pisser.
Un réalisme touchant
Sous cette critique acide se cache le portrait d’une famille qui peine à se retrouver. Alternant comédie cynique et drame plus touchant, le long-métrage manie parfaitement les émotions de ses spectateurs. Sterling K. Brown campe un frère homosexuel qui peine à se retrouver, incarnant parfaitement cette alternance entre comédie et introspection. La famille de Monk, profondément dysfonctionnelle, mais aussi ses proches (John Ortiz l’éditeur de Monk et Erika Alexander, sa copine) font face aux aléas de la vie.
En effet, il y est question du deuil, de la maladie, de l’acceptation de l’autre. Encore une fois, on est confronté à de nombreux sujets qui viennent nourrir une réflexion après le visionnage du film. Mais, sans pour autant devenir pesantes, ces situations ajoutent à la mélancolie du personnage et le rendent encore plus attachant.
Enfin, c’est tout ce petit monde qui rythme un long-métrage subtil et comique. On ne s’ennuie pas devant American Fiction, la mise en scène est enlevée, l’histoire prenante. Le seul bémol qu’on pourra noter est la fin qui semble un peu précipitée. Avis aux amateurs d’humour un peu cynique, American Fiction en offre à pleines brassées, et c’est juste jouissif.
American Fiction est disponible sur Prime Vidéo
Avis
American Fiction est un long-métrage grinçant dans tous les bons sens du terme. Le message qui y est véhiculé est acide. Avec de bons comédiens pour interpréter des personnages aux personnalités bien trempées, ce film dégouline d’un fiel parfaitement maîtrisé.