A la veille de la sortie de Spider-Man : No Way Home qui réunira très certainement les trois itérations cinématographiques de l’homme araignée, il est plus que temps de revenir sur toutes les péripéties du plus grand héros Marvel sur grand écran !
Deux ans après la nouvelle itération de notre tisseur de toile préféré, il revient dans un second opus en 2014 avec un cahier des charges monstrueux. Devant à la fois répondre aux questions laissées en suspens dans le 1, adapter ses directions en fonction des critiques précédentes, tout en ouvrant sur un univers étendu pour copier le succès des Avengers ainsi que prolonger le parcours de Peter Parker et Gwen Stacy, le tout en 2h20 ; les attentes du studio étaient énormes. Pour un résultat malheureusement trop mitigé que ce soit en terme de critique ou de chiffres (avec tout de même 710 millions de dollars au box office). Souvent considéré comme le plus mauvais Spider-Man (comme ce fut le cas au sein de notre rédaction à l’époque), il est temps d’apporter un regard neuf sur cet opus rempli de bonne volonté et d’une énergie folle !
Mais qu’on s’accorde sur une chose avant que les nostalgiques de Raimi ne nous tombent dessus, The Amazing Spider-Man 2 est résolument un film malade. En effet, dès sa pré-production le studio, envieux de taper le milliard comme ses concurrents aux grandes oreilles, impose de développer tout une franchise avec moult spin-off et de suites annoncées avant même la sortie de cet opus. En résulte l’obligation d’intégrer plus de personnage (Felicia Hardy, Dr Kafka et Smythe, Le Bouffon vert, le Rhino et même MJ…) et de sous-intrigues (la création d’Électro, le secret des parents de Peter, le complot d’Oscorp, l’arrivée des Osborn, la création des Sinister Six, la relation Gwen/Peter…). Défi que relève les scénaristes Jeff Pinkner, Roberto Orci et Alex Kurtzman (sur une histoire de James Vanderbilt) en développant un scénario dense d’une durée de près de 4h.
Un film malade
Mais c’est sans compter les producteurs Avi Arad et Amy Pascal venant mettre leurs sales pattes sur le montage pour réduire le film à 2h20 dans le but de faire plus de séances. Par conséquent, de gros morceaux de film viennent à manquer, avec un Harry Osborn et un Electro moins développés (les scènes coupées montrent ce dernier en proie à une mère toxique) et une narration manquant de liant entre les scènes. Qui a repéré qu’il se passait en tout un an entre le début du film et l’arrivée du méchant ? A peine séparés, nous avons l’impression que Gwen et Peter se remettent ensemble.
Une surcharge de sous intrigues auxquels on ne laisse pas le temps de pleinement exploiter leurs potentiels et qui entraîne donc des soucis de rythme, certains axes étant rapidement traités. On peut notamment regretter le moment sacrifié où Spider-Man, après la mort de Gwen, se défoule sur Harry, à deux doigts de le tuer. Ou bien le retour du père de Peter en fin de film, lui inculquant qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités et le motivant à renfiler le masque de nouveau. Des coupes de séquences à l’impact émotionnel puissant, que Garfield lui-même regrettera, qui floue l’âme du métrage. #ReleaseTheWebbCut.
Des soucis de rythme pas forcément aidés par le fait qu’il n’y ait que trois scènes d’action, dont une anecdotique quant à son importance dans l’histoire (la course poursuite avec Paul Giamatti). Une déception pour celui qui attendait un déluge comme promis dans les bandes annonces. La promotion est par ailleurs un défaut à part entière du métrage puisqu’à l’époque, l’entièreté du film avait été dévoilée dans une multitude de trailer, spoilant tous les retournements, amoindrissant donc la force du récit.
Mais malgré cette narration un peu bancale et ces coupes à la tronçonneuse, le monteur et Webb sont à saluer car ils arrivent, nonobstant des raccourcis, à créer une intrigue cohérente où les éléments se répondent et développent même une thématique ! En effet la création des vilains et la mort de Gwen résultent de l’impact qu’à Spider-Man sur les gens. Ainsi Electro, décrit comme un fan du tisseur suite à son sauvetage, se sent abandonné par celui-ci lorsqu’il se transforme en mutant tandis qu’Harry, espérant être guérit par le héros, développe une haine (d’autant plus quand il apprend que l’araignée n’est autre que son ami Peter) lorsqu’il refuse, de peur des répercussions. Des motivations et des psychologies enfin neuves pour des vilains ! Tandis que le sens des responsabilités et les choix que le protagoniste doit prendre sont au centre de tout, jusqu’à la tragique mort de l’amour du héros, respectant totalement l’essence même du comics.
Un comics sur pellicule
Et la relation entre Peter et Gwen, toujours magnifiée par l’alchimie de Garfield/Stone et la finesse de leur jeu, est encore plus au centre du récit. Elle est le véritable fil rouge, subtil certes, liant ces multiples sous intrigues. Ils commencent à se séparer sous le poids de la promesse que Peter a faite à son père, puis ils s’attirent de nouveau lorsque Electro apparaît, coïncidant avec le potentiel départ de l’héroïne en Angleterre, avant de se remettre ensemble au moment du climax pour finir sur le drame que tous les fans de comics connaissent. L’objectif conducteur n’est donc plus de déjouer les méchants, mais de renouer avec l’amour malgré les dangers de la vie. Un aspect plus romantique qu’épique mais qui correspond totalement à l’esprit des comics où gérer ses amours et sa vie personnelle étaient les véritables enjeux du personnage papier.
Par ailleurs, cette adaptation est la quintessence même du comicbook movie. Exit le réalisme pseudo Nolanien du précédent, cette suite s’avère bien plus lumineuse et fantasque ! Parfois même un peu trop, notamment dans la description ubuesque de Max Dillon qui frôle le ridicule stéréotypé. Un peu plus de subtilité n’aurait pas été de refus (Heureusement qu’il se transforme vite en Électro). Un défaut imputé à Jamie Foxx, qui a conçu lui même le look du personnage et son caractère.
Cependant le design du Bouffon Vert, qui a fait couler beaucoup d’encre, est à notre sens extrêmement bien pensé dans son adaptation assez libre puisqu’il assume complètement le côté lutin (Goblin en V.O) en ajoutant une bonne dose de crade à coup de pustules et de dents pourris. Certes, il n’est pas beau à voir mais c’est totalement le but, à l’image de sa transformation aux inspirations Cronenbergiennes (malheureusement en partie coupé au montage pour coller à l’aspect tout public), avec le corps et la chair en décomposition. Osé pour un blockbuster de cette envergure.
La photographie de Dan Mindel est à l’image de ces intentions de faire un comics sur pellicule : les plans semblent tout droit sortis d’une case de BD, avec des couleurs très vives, des ralentis plus présents et une avalanche de money shot à l’aspect poseurs. Pour l’occasion, Marc Webb monte de plusieurs crans sa mise en scène ! En effet, le réalisateur se lâche totalement en proposant des longs mouvements de caméra grandioses, bien loin du sur-cutage du premier. Il tire totalement parti de l’homme araignée pour proposer de grands moments de voltige presque (on dit bien presque) au niveau de ceux de Sam Raimi. Un aspect totalement jouissif !
The Amazing Spider-Man 2, un film à redécouvrir
Une jouissance qui se retranscrit aussi dans la BO complètement folle de Hans Zimmer et ses Magnificient Six. Elle fait le choix de s’éloigner de celle de James Horner composée pour le précédent, certes belle dans son ton intimiste mais manquant de moments de bravoure. Ce nouveau soundtrack remédie à cela tout en s’éloignant complètement des habitudes de Zimmer, en étant quasi expérimental pour un résultat qui en laissera certain de côté. Mais c’est ça qu’on aime ! En effet, le thème d’Electro commence par de petites notes de guitare électrique, vents aux allures burlesque (collant à Max Dillon) avec une montée crescendo de voix dissonantes (collant à l’instabilité du personnage) avant d’exploser totalement dans de la quasi dubstep (un sous-genre de l’électro, pensé pour… Electro !), orné de ses percussions épiques habituelles ! Le thème de l’araignée est aussi complètement repensé, à coup de cuivres de fanfare, pour retransmettre tout l’aspect héroïque du personnage.
Pour tout cela, The Amazing Spider-Man 2 reste une très belle adaptation de l’homme araignée, avec de vrais moments épiques aussi visuels que sonores où se dessine un véritable amour pour le genre du comics, tout en proposant des libertés inattendues et qui n’oublie pas de garder le cœur de ce qui fait le personnage. Un opus malheureusement trop mésestimé, où le spectateur de l’époque est resté fixé sur ses défauts manifestes mais dus à une équipe de producteur n’attendant que de la rentabilité, ne voyant pas toute la bonne volonté et l’amour que l’équipe créative essayait d’y insuffler. Un blockbuster qui mérite grandement d’être redécouvert et apprécié d’un œil neuf !