Attendu depuis son reveal en 2017, Ghost of Tsushima est enfin là ! Dernière grosse exclusivité de la Playstation 4, le dernier bébé de Sucker Punch (Sly Cooper, inFamous) nous immerge dans le Japon féodal en convoquant tout un imaginaire des films de samouraï. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le résultat est à la hauteur !
Depuis Tenchu sur la 1e Playstation, on se languit de retrouver le Japon féodal dans un jeu vidéo AAA. Si Sekiro était légèrement passé par là récemment, Sucker Punch prend le pari de faire un open world où le joueur incarne un Samouraï. Ghost of Tsushima se déroule sur la petite île éponyme à l’Ouest du Japon. En l’an 1274, Tsushima se voit envahie par les Mongols, dirigés par le redoutable Khotun Khan.
Nous incarnons Jin Sakai, un samouraï donc, neveu du seigneur Shimuri (le souverain de l’île). Après une introduction très pyrotechnique où l’ensemble des samouraïs est tué et Shimura capturé, Jin est laissé pour mort. Ce sera le début d’une longue quête de libération de l’île. Pour se faire, Jin devra rallier de nouveaux alliés pour faire face à cette invasion, et accéder au rang de samouraï légendaire !
Cerise sur le gâteau : en plus des doublages français et anglais, on conseille de directement choisir l’excellent doublage japonais ! Un mode Kurosawa est également disponible, agrémentant le soft d’un noir et blanc au grain travaillé, ainsi qu’une bande-sonore typée 50’s avec le son du vent accentué.
La voie du sabre
La 1e inspiration qui vient en tête en jouant à Ghost of Tsushima est évidemment Assassin’s Creed. Le jeu nous permet d’osciller entre approche furtive (avec son lot de bombes fumigènes, de saut en hauteur, d’infiltration en hautes herbes, etc) ou bien via des confrontations armé de notre katana (mais aussi quelques joyeusetés comme des dagues, des bombes collantes..). Si le jeu ne réinvente pas la roue, tout ce qu’il entreprend il le fait bien avec soin. De plus, à mesure que l’on progresse, le gameplay s’étoffera. Améliorations d’armes, d’armures, techniques de combat, capacités spéciales pour tuer plusieurs ennemis en 1 coup… Dès qu’on pense avoir fait le tour du jeu, Ghost of Tsushima apporte de légères variantes bienvenues pour dynamiser sa jouabilité !
Si le système de combat (basé sur des contres, des parades et des salves de coup puissants ou rapides) paraît basique lors des premières heures de jeu, très vite la mécanique se diversifie. Jin débloquera notamment diverses postures (pierre, eau, vent et lune), chacune étant à privilégier face à un type d’ennemis (armé d’épées, de lances, de boucliers, d’armes lourdes..) avec son sets de coups propres. Via un système de points de compétences à répartir dans chaque domaine (postures, capacités d’esquive,de combat, d’infiltration, armes..), Ghost of Tsushima bénéficie d’un léger côté RPG connu certes, mais dont l’efficacité n’est pas à prouver. Même au bout de 40h de jeu on débloque de nouvelles capacités : un must quand on connait la longueur du titre !
Un monde beau et vaste
En parlant de cela : il nous aura fallu plus de 50h pour terminer le jeu (on peut tabler sur 60h pour les 100%). Divisé en 3 actes (correspondant à chaque fois à une large portion de l’île), chaque portion est entièrement explorable d’entrée de jeu, divisée en préfectures, elles-mêmes subdivisées en villages et lieux-dits. Légèrement inspiré de Zelda Breath of the Wild, Ghost of Tsushima est une ode à l’exploration et la contemplation. Chaque montagne ou forêt à l’horizon est accessible, au service d’un level design crédible, réaliste et bien pensé. Plaines, rizières, marécages, forêts de bambous, champs de fleurs, pagodes, villages, camps, plages, montagnes enneigées… Chaque lieu est un délice à découvrir, au service d’une somptueuse direction artistique incarnée. On regrettera peut-être un degré d’immersion moindre que dans un Red Dead Redemption 2 ou The Witcher 3 dans le côté vivant de la map.
Néanmoins, le jeu a très fière allure : si parfois quelques discrètes textures plus sommaires s’ajoutent, Ghost of Tsushima bénéficie de graphismes 4K de toute beauté, le tout sans temps de chargement ou clipping. Les équipes de Sucker Punch ont voulu dépeindre un monde tangible et organique. Chaque brin d’herbe ou feuillage est en mouvement constant grâce au vent (ce dernier est un élément important, permettant d’indiquer nos objectifs à suivre, afin d’avoir une interface non-surchargée). Un choix de game design au cachet certain, proposant de véritables tableaux cinégéniques à chacun de nos déplacements à cheval (on choisit d’ailleurs son nom et sa couleur au tout début du jeu). Enfin, il faut noter le formidable travail sur les lumières et les effets météo (brouillard, neige, pluie, foudre, soleil crépusculaire..), réhaussant encore une fois l’aspect visuel.
Kurosawa porn
Les développeurs ne s’en sont pas cachés : Ghost of Tsushima se veut être un hommage aux films de samouraï à la Kurosawa. A ce titre, le scénario global réserve relativement peu de surprises en restant sur des rails (le début et la fin de l’aventure sont cependant très réussis). Inspiré notamment par Yojimbo, les Sept Samouraïs, Sanjuro ou même Hero de Zhang Yimou, l’intrigue comporte son lot de trahisons, de personnages archétypaux désireux de se venger, d’images d’Épinal sur les tourments intérieurs de notre héros via sa relation avec Shimura, ou encore le respect du credo des samouraïs. On regrettera aussi une mise en scène classique lors des dialogues, mais se déployant à intervalles réguliers lors de scènes d’émotion, de batailles entre armées, ou lors de duels très cinématographiques. Toujours placés dans des décors épiques, ces moments confèrent à l’ensemble une réelle puissante dramatique, à défaut d’avoir une grande histoire transcendante.
Ghost of Tsushima s’articule par ailleurs autour de divers types de missions. Les principales (Voyage de Jin, récits de Tsushima) qui font avancer l’intrigue autour du personnage, ses alliés ou bien à l’échelle de l’île ; puis les secondaires (évènements aléatoires, rencontres fortuites ou récits mythiques permettant de débloquer de nouvelles armes, armures, ou techniques ancestrales). Si on évite pas une certaine redondance dans ce type de missions (prises de camps, régiments à trucider, pistages de cibles, infiltrations, embuscades), bon nombre d’autres quêtes annexes parsèment la map sans aspect FedEx. Collectibles, sanctuaires avec passages de plate-formes, duels contre des mini-boss, autels, haïkus et sources chaudes à trouver pour augmenter la santé et nos capacités… Le contenu permet de varier les plaisirs malgré des quêtes qui méritaient un meilleur peaufinage !
Une progression maîtrisée
La prise en main excellente et sans fausse note aurait pu craindre une redondance de gameplay au gré des dizaines d’heures passées. Si le type de situations encontrées varie peu dans leur déroulé et leur nature, l’éventail de possibilités offre un certain renouvellement. Loin d’être un jeu trop simple ou trop dur, le personnage peut mourir en 3-4 coups si on souhaite bourriner comme un bœuf. Une jauge de détermination (se remplissant via les contres et les morts) permet de se soigner en plein combat ou d’utiliser certaines techniques dévastatrices. Une jauge améliorable, alliée à des ennemis de plus en plus nombreux ou puissants (sans spoiler, de nouveaux types d’ennemis apparaissent au bout de 20h-30h de jeu) permettent un challenge continu. Divers « emplacements de charmes » à débloquer permettent par ailleurs de booster les stats de Jin, à condition donc de trouver les charmes en question.
Si on ajoute l’obtention de 2 types d’arcs, 4 types de flèches, la possibilité d’user du ralenti, divers types de projectiles…le gameplay se veut complet, bien que restant grosso modo dans un système cher aux récentes productions Playstation que sont Horizon Zero Dawn ou bien Marvel’s Spider-Man. On peut encore citer Assassin’s Creed dans l’exploitation des villes hubs (trappeurs et forgerons pour les armes, armuriers et teinturiers pour customiser…) même si comparé à un Odyssey, on aurait aimer un aspect roleplay plus prononcé. Pour la prochaine fois peut-être ?
Ghost of Tsushima : l’œuvre définitive sur le Japon féodal ?
Au rayon des quelques points négatifs : l’IA est dans la moyenne des productions actuelles (c’est-à-dire aux fraises). On croisera parfois un ennemi n’ayant pas entendu ses potes se faire trucider à 50m ou des antagonistes sans grande vision périphérique. Heureusement c’est contre-balancé par la férocité de nos opposants, n’hésitant pas à attaquer à plusieurs avec des archers dans la place. Rayon chipotage technique : le personnage ne laisse aucune trace de pas et n’influe pas sur le courant dans l’eau.
Malgré tout, Ghost of Tsushima est un très bon jeu d’action-aventure-infiltration. Usant d’un gameplay connu mais maîtrisé et rapidement jouissif, les équipes de Sucker Punch s’en sont réappropriés les codes pour créer un jeu-monde diablement immersif, à la direction artistique fantastique. On peut en plus compter sur une BO de toute beauté signée Shigeru Umbeyashi (In the Mood for Love, Le Secret des Poignards Volants), apportant une puissance lyrique indéniable. Bruitages, doublage, bande-son riche avec spatialisation 3D…tout participe à une vraie immersion, supporté par une fabrication exemplaire et un plaisir de jeu manette en main, malgré une trame trop classique. Un vrai bon titre tout simplement !