Sean Baker (The Florida Project, Red Rocket) s’est peu à peu immiscé comme un vrai nom notable du cinéma américain indépendant. Anora a été projeté en Compétition Officielle du Festival de Cannes 2024, s’affirmant comme le meilleur film de son auteur, porté par une performance d’actrice renversante !
Les derniers films de Sean Baker (Tangerine, The Florida Project et Red Rocket) ont su confirmer le talent de ce dernier, autant à l’aise dans la comédie que dans la manière de dépeindre avec amertume l’Amérique d’aujourd’hui. Celle qui derrière le glamour se retrouve confrontée aux travers de l’humain, et une certaine dichotomie émotionnelle. Anora ne fait évidemment pas exception, débutant par un canevas tout à fait typique du réalisateur.
Nous découvrons ainsi Anora dite « Ani » (Mikey Madison), une strip-teaseuse New-Yorkaise qui va rapidement s’amouracher d’Ivan Zakharov (Mark Eydelshteyn), fils d’un riche oligarque russe et fêtard invétéré. Mais tout va changer lorsque suite à leur mariage à Las Vegas au bout d’une semaine, les sbires du paternel font tout pour annuler ce contrat de mariage !
Le romantisme est mort
En débutant Anora, on retrouve le soin de mise en scène de Sean Baker, qui tel un Coen amène une dose d’esthétisation du réel, dopée par une BO hip-hop nous plongeant dans le quotidien de cette strip-teaseuse où les journées se ressemblent. Puis en introduisant un « Timotev Chalamov » porté sur le carpe diem et absolument irrésistible (Mark Eydelsheteyn est une révélation), la frénésie sexuelle et amoureuse du jeune couple va virer le cinéma des Safdie (on pense un peu à Uncut Gems).
Contrainte de crapahuter à travers les night clubs new-yorkais en présence des hommes de main de Zakharov (excellents Karren Karagulian, et Vache Tovmasyan), Anora laisse peu à peu une innocence joviale s’évaporer, tandis qu’ils doivent retrouver le fameux prince charmant. Antithèse de Pretty Woman, le film dresse un portrait drôlement amer de la génération millenial, plus encline à repousser toute responsabilité.
A Star is Born
Le tempo humoristique est toujours impeccablement maîtrisé, mais le cœur d’Anora tient sans nul doute dans la performance stellaire de Mikey Madison. Déjà remarquable dans des seconds-rôles (Once Upon a Time in Hollywood, Scream), la jeune actrice affiche une palette d’émotion vaste et une vulnérabilité qui se révèle peu à peu derrière l’atout charme et la pugnacité de son personnage.
Un vrai parcours narratif et thématique gouvernée par la dignité inébranlable (mais graduellement fracturée) de ce superbe personnage féminin rapidement réduit à sa condition de travailleuse du sexe. Le tout jusqu’à une séquence finale déchirante que l’on pourrait qualifier comme étant la meilleure scène de la carrière de Sean Baker ! Un bonbon qui malgré a beau amener sa dimension émotionnelle un peu tardivement, réussit à émouvoir. Une très belle pioche donc !
Anora sortira au cinéma le 30 octobre 2024. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Avec Anora, Sean Baker retrouve la fibre humoristique et crue de son cinéma, pour infuser lentement mais sûrement une dimension émotionnelle finale percutante. Un petit exploit que l'on doit entre autre à la sublime performance de Mikey Madison : un prix d’interprétation féminine s'il-vous-plait !