Le très remarqué Girl, présenté à Un certain regard au Festival de Cannes 2018, avait apporté au cinéaste belge de 31 ans, Lukas Dhont, sa première récompense cannoise : la Caméra d’or (meilleur premier film). De retour – cette fois en compétition – il s’impose comme un nouveau grand nom du cinéma mondial.
C’est le récit de l’amitié (et l’amour) entre deux garçons qui entrent dans l’adolescence et qui est confrontée à la fin de l’innocence de l’enfance. Léo n’apprécie pas les insinuations faites par ses camarades de classe à propos de sa relation avec son ami, Rémi, un garçon talentueux mais fragile.
Puissance émotionnelle
L’émotion est la caractéristique la plus complexe de toute œuvre artistique : trop recherchée, elle peut faire fausse ; trop subtile, elle peut être inaccessible. Dans Close, l’émotion est développée avec une douceur infinie, en particulier dans sa première moitié. Pas d’effets surlignés, juste des regards, des gestes et la beauté des sentiments amoureux – même s’ils ne le savent pas – entre ces deux enfants.
Porté par un casting impeccable, bien entendu avec en vedette Eden Dambrine, le garçon qui interprète Léo avec talent et subtilité. Sans utiliser énormément de dialogues pour exprimer les émotions, il parvient à établir une passerelle émotionnelle avec le spectateur à travers sa gestuelle et son regard. C’est un garçon qui intériorise ses sentiments et qui parfois les montre inconsciemment par des moyens détournés – en pratiquant le hockey par exemple. Le cinéaste se révèle comme un grand directeur d’acteur en faisant confiance à la performance pour insuffler la vie à son récit et non à une multitude de dialogues explicatifs. C’est par ce biais qu’il atteint l’excellence recherchée par tout créateur : émouvoir sans être indigeste.
Sur les pas des frères Dardenne et de Xavier Dolan
Certes, quand on pense à cinéastes belges, le premier nom qui nous vient à l’esprit est ceux de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Or, Lukas Dhont poursuit une certaine idée de leur cinéma avec une approche réaliste et naturaliste. Mais si les Dardenne ont perdu quelque peu leur souffle à force de s’enfermer dans leur méthode, Dhont apporte un vent de fraicheur au style avec une esthétique lumineuse, colorée et délicate. On est dans une forme de réalisme cinématographique plus proche de Xavier Dolan où la performance des acteurs, la beauté des plans et de la musique apportent le souffle émotionnel nécessaire à ce type de récit. On pense inévitablement à Mommy, le film de Dolan qui avait bouleversé les festivaliers en 2014, et qui possède une approche similaire dans la réalisation.
Et comme le cinéaste canadien, Dhont manie avec virtuosité les mouvements de caméra tout en restant au plus près des personnages et de leurs émotions. On assiste à un véritable déluge de plans somptueux comme lors de travellings dans les champs de fleurs. Ces plans sophistiqués n’éloignent jamais le spectateur de la psychologie des personnages, bien au contraire, car ils expriment l’énergie débordante de Léo. Le monde autour de lui est littéralement flou, partiellement invisible et insaisissable. Il n’y a que lui à l’image, on est seul avec son monde et son point de vue. Ses peurs et sa tristesse. Tous les aspects de la mise en scène travaillent en harmonie autour de lui.
Indéniablement, Lukas Dhont signe une œuvre mémorable qui l’impose sans frémir dans la case de grands cinéastes d’aujourd’hui et de demain. Palme ou pas Palme ? Telle est la question.
Close est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2022.
Avis
C'est un véritable coup de maitre réalisé par Lukas Dhont avec Close. Très émouvant et d'une finesse rare.