Baran, une maison de famille est une comédie dramatique qui raconte l’histoire d’une famille ordinaire à travers le temps.
Baran, une maison de famille, c’est l’histoire d’une famille où chacun tente de se faire une place, où l‘amour ne sait pas se dire, où les liens se distendent.
Ce n’est pas parce que des liens sont imposés par le sang qu’ils sont plus simples à tisser et à entretenir, que l’amour va de soi. C’est ce que nous donne à voir cette fresque familiale qui semble ouvrir une fenêtre sur un morceau de réalité. Et ce n’est pas d’un spectacle que l’on a l’impression de sortir à l’issue de la représentation, mais bien de cette maison de famille nichée au cœur de la Dordogne.
« On devrait avoir une famille juste quand on est enfant et puis la quitter en grandissant, petit à petit. Franchement, ça sert à quoi une famille quand on est adulte ? »
Il était une famille…
On commence par fredonner Brassens. Et qu’importe que cela appartienne ou non à notre époque, cela nous renvoie tous à une même forme de nostalgie, probablement celle du temps qui passe. Comme celle dans laquelle nous plonge cette création collective. Dans la famille de Romain – qui n’a grandi qu’avec des filles – on adore la chanson française. C’est lui qui nous le dit en avant-scène. Brassens, c’est aussi pour ça.
Puis, on se retrouve dans le décor de la maison familiale de Baran, dans laquelle s’agitent des frères et sœurs qui préparent l’anniversaire de leur mère. C’est autour de cet évènement que se structure la pièce. En effet, d’anniversaire en anniversaire, et sans que jamais n’apparaisse celle que l’on célèbre, cette fratrie se retrouve autour des préparatifs. Il y a Céline, Romain et Lucie. Ils ont d’abord 15, puis 30, et enfin 40 ans.
Nous avons particulièrement été charmés par le naturel et la justesse de Judith Zins et Laura Domenge qui parviennent à nous toucher. La première s’approprie à merveille l’impertinence de Lucie, cette ado à fleur de peau, excessive et non moins attachante. La seconde, que nous avions découverte en 2018 dans son one-woman show PasSages, interprète avec de jolies nuances Céline, la grande sœur pudique qui dissimule sa sensibilité derrière un cynisme à toute épreuve.
Un réalisme saisissant
Tout est troublant de réalisme dans cette pièce : le décor, le jeu des comédiens, la banalité du quotidien qui se déroule sous nos yeux, les réunions de famille où tout le monde parle en même temps sans que personne ne s’écoute, ou encore l’inconstance des relations qui unissent ces frères et sœurs qui sont comme chiens et chats.
Ils se chamaillent, s’aiment à coups de moqueries, de piques, de sarcasmes, se connaissent sans même plus chercher à se rencontrer. Tout devient prétexte à engueulades. À mesure que les années passent, une belle-sœur, un beau-frère et un demi-frère viennent compléter le tableau de famille sans parvenir à colmater ses fissures. Pire que ça même, ils les changent en gouffres. Et si les trois frères et sœurs sont attachants et convaincants dans leurs rôles respectifs, on a eu plus de mal à se laisser convaincre par ces nouveaux arrivants.
Et ce qui est tout aussi troublant, c’est qu’il ne se passe rien de particulier. Ni révélation, ni rebondissement, ni suspense. Rien que la vie qui passe. Et malgré tout, on se laisse prendre au jeu, on se sent bien dans cette maison qui prend peu à peu la poussière.
Une famille si ordinaire ?
Mais alors, pourquoi ce sentiment flou qui s’est emparé de nous à l’issue de la représentation ? Cette sensation d’avoir aimé… sans finalement avoir tant aimé que ça ? Il nous a fallu un peu de temps pour comprendre que la manière dont se déroulent les relations entre ces frères et sœurs n’était peut-être pas si réaliste que ça, finalement. En tout cas, nous ne nous y étions pas retrouvés.
Et puis, la mécanique est intéressante, prenante même dans son apparente spontanéité et dans sa fraîcheur. Mais sa répétition ne permet finalement pas de nourrir un quelconque propos, ni de donner à voir véritablement l’évolution des liens entre ces frères et sœurs. Certes, ils deviennent des étrangers les uns pour les autres et cela semble inéluctable, mais sans que l’on ne sache vraiment comment ni pourquoi. Une succession de petits riens sans doute, ce qui laisse un arrière-goût teinté d’amertume…
Nous avions passé un bon moment, oui. Mais nous n’en avions rien gardé. Voilà pourquoi nous ne savions pas vraiment quoi en penser. Comme lorsqu’on referme les volets sur une belle journée de printemps qui n’a vu éclore aucune fleur. Ce qui est déjà précieux, au fond.
Baran, une maison de famille, avec Laura Domenge, Margaux Grilleau, Valentin Rolland, Sylvère Santin, Vincent Steinebach, Judith Zins, mise en scène Alice Sarfati, se joue à La Manufacture, du 07 au 26 juillet, à 18h50 (relâche le mercredi).
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Avis
Cette fresque familiale douce-amère nous offre une expérience théâtrale qui captive par son originalité et son réalisme. Elle nous plonge dans trois périodes de retrouvailles entre deux sœurs et un frère dont les liens se transforment. Dommage qu'une qualité de jeu inégale fasse un peu dissoner l'ensemble.